Environ 81 entreprises opèrent dans le secteur de l’aéronautique aujourd’hui. Un secteur à haute valeur ajoutée Elles étaient tout juste 11 en 2004. C’est dire l’importance acquise rapidement par cette industrie. La Tunisie couvre pratiquement aujourd’hui toute la chaîne de valeur de la filière avec un taux d’intégration de l’ordre de 30%. Le secteur emploie 17 000 personnes et sa valeur à l’exportation est de 2 milliards de dinars.(2019)

Le point avec Fethi Sahlaoui, Directeur général des Industries manufacturières au ministère de l’Industrie et des PME/PMI :

L’industrie aéronautique en Tunisie ne date pas d’aujourd’hui, elle naquit en 2001. Le démarrage fût timide et c’est la création du Technoparc Mghira,  fruit d’un  partenariat public privé, qui a marqué le véritable décollage du secteur.  El Mghira est devenu rapidement un centre d’excellence dans les métiers de l’industrie aéronautique et offrait aux usines de l’aéronautique une main d’œuvre qualifiée.

Les efforts considérable déployés aussi bien par les pouvoirs publics que par le secteur privé, ont permis au secteur de l’aéronautique de multiplier le nombre d’entreprises par 14. Aujourd’hui, nous avons plus que 80 entreprises, dont  15 opèrent dans le service, l’ingénierie et la conception et 66 dans tout ce qui est industriel. 90% comme notamment Stelia, filiale  d’Aérolia, et les sous-traitants de Stelia sont des entreprises offshore qui opèrent à la zone industrielle ou Technoparc El Mghira, et 10 entreprises sont 100% tunisiennes.  Leurs activités sont axées sur  l’ingénierie, le software, les soft-skills, les services et les activité de sous-traitance mécanique de précision au service des industries aéronautique et spatiale.

Quel est le volume du secteur de l’aéronautique à l’export ?

Le secteur de l’aéronautique est 100% exportateur et 90% des exportations sont destinées totalement à la France.  En 2019, la Tunisie a exporté pour 2 milliards de dinars, c’est une réalisation importante sachant que le secteur de l’aéronautique était en crise bien avant la pandémie Covid+. L’année 2020, comme vous le savez,  n’est pas une année de référence, il ne faut pas s’attarder dessus.

Quel est l’apport en valeur ajoutée du secteur de l’aéronautique en Tunisie ?

Le secteur est caractérisé par une valeur ajouté qui tourne aux alentours de 30%, ce qui est considérable pour un secteur à très forte intensité technologique. Le tissu industriel est caractérisé par la présence comme vous savez par la présence d’Aérolia, un groupe très important et qui est le fer de lance et la locomotive du secteur. Mghira est une zone industrielle qui ne cesse de se développer. Tous les opérateurs qui s’y sont installés ont sollicité des terrains en plus qu’ils destinent aux extensions. Nous venons d’aménager 20 hectares supplémentaires pour donner satisfaction aux opérateurs. La valeur d’investissement annuelle est de l’ordre de 40 millions de dinars et ce malgré les évènements et les troubles dans le pays.

Dans un contexte national d’instabilité sociale, il est difficile de garder son attractivité, que faites vous pour que le site Tunisie reste compétitif ? 

L’Etat tunisien et ses différents acteurs s’emploient à préserver le positionnement de la Tunisie dans un environnement hautement concurrentiel.  Tout récemment le Maroc a essayé d’attirer « Corse Composite Aéronautique » et la Tunisie a été choisie.  Ils ont demandé à faire une extension qui a permis de créer environ 250 postes d’emplois. L’industrie aéronautique a créé 17000 emplois, avec un taux d’encadrement qui dépasse les 25%. Ils sont répartis entre 14000 dans l’industrie et 3000 dans les services.

Est-ce que dans cette crise du covid qui touche le monde entier, il y a eu des mesures particulières prises par le gouvernement pour soutenir le secteur sachant que ce sont de gros investissements et que c’est l’un des secteur les plus touchés par la crise ?

Bien évidemment. L’aéronautique est considéré par les différents plans de développement et les codes d’investissement comme étant un secteur prioritaire. Malgré la difficile conjoncture, nous  avons  essayé de soutenir les opérateurs du mieux que nous pouvons. C’est le secteur le plus touché et le plus impacté par la crise de la Covid+.

Des mesures spécifiques ont été prises par l’Etat tunisien pour soutenir ce secteur. Dans le cadre de la coopération avec le GIZ, un fonds qui a été créée pour aider les entreprises sinistrées dans le domaine de l’aéronautique et l’automobile. Ce Fonds  est géré par l’Agence de Promotion de l’Industrie en collaboration avec le ministère de l’Industrie et la GIZ. Il s’agit d’octroyer des aides financières aux entreprises opérant dans l’aéronautique et qui  ont tablé sur une baisse de 35% de leur chiffre d’affaires à  fin de 2020. Au début de 2021, et d’après nos contacts, nombre d’entreprises installées dans la zone de la Mghira ont repris leur rythme de travail, et ont même demandé à travailler durant les 4 jours de confinement.

D’ici 2022, 2023, avec les vaccinations massives, pensez-vous que l’industrie aéronautique en Tunisie planera de nouveau ?

Pour commencer, nous nous attendons à un retour au rythme habituel, celui d’avant la Covid+. Il y a aussi des informations sur une évolution exponentielle du secteur. Espérons que la généralisation du vaccin permettra une reprise rapide.  Nous déployons aujourd’hui beaucoup d’efforts pour aider les entreprises à dépasser le cap et surmonter la crise.

Quelles sont les entraves, outre le volet promotion au développement de ce secteur au fort potentiel ?

Nous pouvons citer les contraintes liées à l’environnement d’ensemble dans le pays suite à la révolution (climat social, grèves, instabilité politique, corruption, insécurité, inflation). Ceci sans oublier la lourdeur administrative qui touche aussi bien l’investissement que l’activité courante des entreprises. Les nouveaux investissements sont confrontés à la multiplicité des intervenants pour l’obtention des autorisations et les délais sont très longs pour les obtenir.

IL y également un point très important celui de la fuite des ressources humaines et de nos compétences  vers d’autres pays. Il y a également un point important qui consiste en l’absence de centre de collecte de déchets dangereux, suite à la fermeture du centre de Jradou. Cette situation conduit les entreprises à exporter leurs déchets pour les traiter à l’étranger, ce qui représente un coût important et réduit la compétitivité de la Tunisie.

Lorsque Afif Chelbi était ministre de l’Industrie, nous voyons plus d’efforts de marketing à l’international, aujourd’hui, la Tunisie ne fait plus rien pour promouvoir son image à l’international, ce qui n’est pas le cas de nos concurrents directs. Vous comptez en rester là ?

Vous avez raison. Avant, il y avait beaucoup de volontariat chez nos ministres et  une grande volonté de développer le secteur. Si Afif était très conscient de son importance et y a investi beaucoup d’énergie. Nous essayons aujourd’hui et du mieux que nous pouvons, de mettre en place un programme promotionnel axé sur la confiance accordé au site Tunisie par des mastodontes comme Aérolia. La Tunisie est un site aéronautique de référence et nous travaillons en partenariat  avec les opérateurs privés à faire rayonner cette image à l’international. Nous sommes conscients que le manque de promotion du site Tunisie est  un frein au développement du secteur et nous ferons tout pour y remédier.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali