Le bureau exécutif de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) a décidé, le 23 août 2025, de dissoudre le Conseil central de l’Union. Ce dernier est accusé d’avoir outrepassé ses prérogatives statutaires et enfreint le règlement intérieur. Le Conseil central, qui constitue la plus haute instance entre deux congrès et regroupe cent membres élus ainsi que les présidents des unions régionales et les secrétaires généraux des syndicats nationaux, a catégoriquement rejeté la dissolution.

Le communiqué publié par le bureau exécutif suite à cette décision ne donne aucune précision sur les motifs qui opposent les deux parties.

Conflit interne et accusations

Il a fallu que Bayrem Hamada, membre du Conseil central, intervienne, le 25 août 2025, sur les ondes de la radio privée Jwahara FM, pour révéler de nouveaux éléments sur cette affaire. Il a indiqué qu’il s’agit d’un litige qui oppose « deux clans liés au parti Ennahdha qui se disputent la direction, au détriment des agriculteurs », rappelant que « depuis plus d’une décennie, c’est le mouvement Ennahdha qui a cherché à contrôler l’Utap et à placer ses proches aux postes de direction. Aujourd’hui encore, ce sont des personnes affiliées à ce parti qui dominent la structure ».

Engagement affiché pour l’indépendance

Abstraction faite de cette information, le communiqué du bureau exécutif comporte des annonces sur les futures orientations du syndicat et même du syndicalisme en général dans le pays.

Au nombre de celles-ci figure « l’engagement de l’UTAP à entreprendre une réforme en profondeur visant à ouvrir l’organisation à l’ensemble des agriculteurs et des pêcheurs, dans un cadre strictement syndical et professionnel, détaché de toute influence politique ou partisane ».

Dit simplement : l’UTAP se veut indépendante – du moins en théorie jusqu’ici – et ne veut plus être le prolongement ou l’appendice d’un quelconque courant politique.

Antécédents d’alliances partisanes

Pour les observateurs de la chose tunisienne, il s’agit d’une évolution majeure, dans la mesure où le talon d’Achille des syndicats tunisiens (UGTT, UTICA, UTAP…) a été leur alliance presque aveugle avec certains partis politiques.

Le cas de l’UTAP, noyautée par le parti islamiste Ennahdha durant la décennie noire (2011-2021), est édifiant à ce sujet.

Cela a été également le cas de l’organisation patronale UTICA, au temps de Ben Ali. Pour mémoire, tout le monde se rappelle comment ses membres faisaient la pluie et le beau temps, en toute impunité, grâce à leur complicité avec le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).

Aujourd’hui, l’organisation patronale diabolisée et désignée du doigt comme un nid de corrompus a choisi de se retirer de la scène publique et de suivre la politique « Wait and see ».

L’UGTT également interpellée

L’UGTT est également concernée par ce souci d’indépendance. Lors de la récente marche du 21 août 2025, des pancartes appelaient à l’indépendance de la centrale syndicale.

Cette dernière est appelée à prouver en priorité cette indépendance à son niveau, voire sur le terrain. Nous disons cela parce qu’on a constaté, lors de la marche précitée, que l’UGTT se comportait comme un parti politique, au regard de la participation à ce « rassemblement en principe syndical » de plusieurs « militants » de « l’opposition politique », de proches de personnes incarcérées dont l’avocate Sonia Dahmani, et de représentants de patrons opposés à la récente loi sur l’interdiction de l’emploi précaire et de la sous-traitance.

C’est pourquoi l’indépendance réclamée par l’UGTT doit s’appliquer non seulement vis-à-vis du pouvoir politique en place mais également de tous les courants politiques dans le pays.

À bon entendeur.

Abou SARRA

EN BREF

  • Le bureau exécutif de l’UTAP a décidé, le 23 août 2025, de dissoudre le Conseil central, décision rejetée par ce dernier.
  • Bayrem Hamada (Conseil central) a révélé sur Jwahara FM qu’il s’agit d’un conflit entre deux clans liés au parti Ennahdha.
  • Le communiqué de l’UTAP annonce une réforme pour ouvrir l’organisation aux agriculteurs et pêcheurs, en dehors de toute influence politique.
  • Les syndicats tunisiens (UTAP, UGTT, UTICA) ont longtemps été accusés d’alliances avec des partis politiques, notamment Ennahdha et le RCD.
  • Lors de la marche du 21 août 2025, l’UGTT a été appelée à démontrer son indépendance vis-à-vis du pouvoir et de l’opposition.