Dans l’édition 2022 de l’Indice de liberté économique qui vient d’être publiée par « The heritage Foundation», think tank et lobby conservateur américain basé à Washington, la Tunisie, avec 54,2 points sur 100, se classe au 128ème rang mondial sur un total de 177 pays listés.

Ce rapport montre que l’économie tunisienne reste dans les rangs des économies principalement non-libres, et ce depuis plus d’une décennie.

Abou SARRA

La Tunisie, qui perd 9 places par rapport à son classement en 2021, est devancée sur le plan maghrébin par le Maroc (97ème) et la Mauritanie (119ème). Mais elle fait mieux que l’Algérie (167ème).

Les critères de l’indice de liberté économique

L’Economic freedom Index adopte une vision globale du principe de la liberté économique qui est calculé et analysé sur la base de 12 facteurs regroupés dans 4 piliers.

  • L’Etat de droit qui renferme le droit de propriété, l’efficacité judiciaire et l’intégrité du gouvernement.
  • La qualité de la gouvernance saisie à travers le poids de la fiscalité, les dépenses publiques et la santé budgétaire.
  • L’efficacité réglementaire composée de la liberté des entreprises, la liberté du travail et liberté monétaire.
  • L’ouverture du marché à travers la liberté commerciale, la liberté d’investissement et la liberté financière.

Concernant le premier levier, le rapport estime, pour le cas de la Tunisie, que la protection des droits de propriété n’est pas assurée. Elle serait fortement exposée à la corruption, tandis que la transparence des titres de propriété demeure très faible.

Le non-enregistrement des terres domaniales pose problème

Le rapport épingle les vastes terres domaniales qui s’étendent sur plus de 500 000 mètres carrés, et s’interroge sur l’inexistence de titres de propriété les concernant.

Pour Heritage Foundation, une telle situation risque de générer des conflits claniques pour l’appropriation de ces terres. Il fait apparemment allusion ici aux affrontements violents qui ont lieu, de temps en temps, au sud du pays, particulièrement celui qui a mis face à face, en décembre 2020, deux groupes tribaux, les Haouaya et les Mrazig, pour le contrôle de terres autour d’un point d’eau Aïn Skhouna (la « source chaude »), situé aux confins de leurs territoires traditionnels.

A propos de l’intégrité du gouvernement, le rapport relève qu’en dépit de quelques progrès accomplis en matière de lutte contre la corruption, cette dernière continue à gangrener la plupart des secteurs du pays.

Une pression fiscale proche de celle des pays de l’OCDE

S’agissant du 2ème levier relatif à la qualité de la gouvernance saisie à travers le poids de la fiscalité, les dépenses publiques et la santé budgétaire, le rapport met l’accent sur la forte pression fiscale qui représenterait 32,1% du PIB (soit un taux très proche des pays de l’OCDE) contre un taux de 20 à 25% déclaré officiellement.

Walid Ben Salah, actuel président de l’Ordre des experts-comptables a parlé à maintes reprises de cet écart. Il l’explique par le fait que les gouvernants tunisiens calculent le taux de pression fiscale uniquement sur la base des recettes fiscales et omettent d’autres impositions obligatoires. Il cite entre autres les pressions qui proviennent de la fiscalité locale et sociale (contribution aux Caisses de sécurité sociale…).

Au sujet du 3ème pilier portant sur l’efficacité réglementaire composée de la liberté des entreprises, la liberté du travail et la liberté monétaire, le rapport déplore l’imparité ou la non-parité entre hommes et femmes dans le monde du travail. Le rapport indique que 74% des forces actives du pays sont des hommes.

L’IDE reste faible dans le pays

Last and not least, s’agissant du 4ème pilier traitant de l’ouverture du marché (liberté commerciale, liberté d’investissement, liberté financière),  le rapport fait remarquer qu’en dépit du fait que la Tunisie dispose de plusieurs accords de libre-échange préférentiels et en dépit du fait que les droits de douane ne représentent que 10% environ du volume global du commerce, et en dépit des efforts déployés pour attirer des investissements directs étrangers (IDE), le volume de ce type d’investissement demeure faible.

Heritage Foundation explique cette situation par trois facteurs : la lourde bureaucratie qui prévaut dans le pays, l’absence de volonté politique et la fragilité du secteur financier.

Au rayon des perspectives, le rapport prend acte des projets de réformes qui permettraient à la Tunisie de rattraper le groupe des “économies modérément libres“. Il s’agit des réformes projetées dans les domines de la fiscalité, de développement des énergies vertes et de restructuration des entreprises publiques.

A bon entendeur.