«Je pense que l’idée de la cotation en Bourse des entreprises publiques opérant dans les secteurs concurrentiels, et proposée aux partenaires sociaux, dont l’UGTT, n’a pas rencontré de refus de leur part, à condition de garantir la préservation des emplois et des avantages consentis au personnel».

C’est ce qu’a déclaré, vendredi 23 octobre 2020, le directeur général de la Bourse de Tunis, Bilel Sahnoun. «Nous avons rencontré à deux reprises des membres de l’UGTT, et nous leur avons proposé le listing en Bourse d’une entreprise publique, dans le cadre d’un texte de loi qui stipule le changement du mode de gestion des entreprises publiques. Le listing en Bourse permettra à l’Etat d’avoir la possibilité de maintenir un droit de regard sur l’entreprise en question et de préserver son caractère public, grâce à la notion de “golden share” (permet à celui qui la détient de conserver un droit de veto sur l’ensemble du capital d’une société dans certaines circonstances spécifiques)», précise Sahnoun lors d’un webinaire sur le thème “La Tunisie au creux de la vague… la refondation de la politique financière pour une reprise inclusive”, organisé à l’occasion d’un Forum de l’économie financière, par l’Institut des hautes études (IHET) et le groupe “Daily Trading Forum

En outre, les partenaires sociaux peuvent, exiger, le cas échéant et d’après ce texte de loi, une partie de l’actionnariat, ainsi qu’un partage d’information sur la situation financière de l’entreprise, notamment avec l’obligation de publication des états financiers trimestriel et semestriel de l’entreprise cotée, a-t-il ajouté.

«Si la STEG était cotée en Bourse, on aurait eu des émissions des emprunts obligataires également sur d’autres grandes entreprises, ce qui permettrait d’augmenter de manière très significative la contribution du marché financier et boursier au financement de l’économie».

Mea culpa !

Le DG de la BVMT a reconnu que le marché financier en Tunisie ne joue pas pleinement son rôle dans le financement de l’économie et que sa contribution dans ce domaine demeure très modeste.

«Dans les pays émergents ou en développement, le marché financier participe à hauteur de 30% dans le financement de l’économie, alors qu’en Tunisie, depuis des décennies, cette contribution n’a jamais dépassé les 10%», a-t-il dit.

“Pour qu’n marché financier puisse jouer son son rôle, il faut qu’il ait de l’offre des titres et de la demande, or aujourd’hui, les secteurs des télécoms, de l’énergie, des mines, tabac, agriculture et tourisme sont absents du marché boursier tunisien. Ainsi, près de 50% de l’économie n’est pas représenté dans la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT)”, a-t-il encore ajouté.

Une capitalisation boursière modeste…

A cet égard, 52% des titres cotés proviennent du secteur bancaire et financier et le reste est réparti entre les secteurs de la distribution, de la concession automobile et l’industrie de consommation, ce qui n’est pas de nature à intéresser les investisseurs qui cherchent à se diversifier et à se positionner sur un secteur bien déterminé, selon Sahnoun.

” Aujourd’hui, la capitalisation boursière en Tunisie, est à peine de 22% par rapport au PIB contre 50% dans les pays émergents, sachant que ce taux peut atteindre, dans les pays développés, 100% “, a-t-il encore noté.

S’agissant de la demande, la bourse de Tunis demeure une bourse des particuliers, alors que dans une bourse, il faut avoir un bon “mix” entre les particuliers et l’institutionnel, a-t-il fait savoir.

Dans une Bourse, les investisseurs ” particuliers ” permettent d’assurer un flux permanent de capitaux et une certaine stabilité boursière, alors que (financement) l’institutionnel permet de drainer les investissements en volume, tout en attirant les investisseurs étrangers, ce qui permet à la place boursière d’avoir, un effet d’entrainement pour toute l’économie, ce qui n’est pas le cas en Tunisie.

A cet égard Sahnoun a rappelé que l’attraction des investisseurs étrangers est bloquée également par la réglementation de change, mais a réfuté l’idée que la crise de la pandémie de COVID-19, a eu des impacts sur le marché boursier tunisien. Comparé à d’autres marchés boursiers, depuis le début de l’année, le recul du marché tunisien est évalué à moins de 6%, contre une chute oscillant entre -15% et -20% sur l’ensemble des marchés boursiers.

L’économie a besoin d’un marché financier développé

Pour l’économiste Taher El Almi, un marché financier développé est une composante essentielle d’une économie, et plusieurs études ont montré le lien étroit entre le développement financier et la croissance économique.

Ainsi, le marché financier joue un rôle fondamental dans le suivi des flux financiers. Il permet de faciliter la gestion du risque et contribue également, à l’échange des biens et des services, a-t-il rappelé.

Un secteur financier insuffisamment développé avec un accès limité au financement constitue un obstacle à la croissance économique, a-t-il insisté.

D’après cet universitaire, une telle situation ne permet pas de mesurer les risques financiers, l’intermédiation devient inefficace, et la bourse devient stagnante. Le marché financier ne serait pas en mesure d’influencer l’affectation des ressources avec une capitalisation boursière de 10%, selon ses propos.

La cotation en bourse des entreprises publiques qui peut donner lieu à une participation des ouvriers dans le capital de l’entreprise, représente un modèle de la finance inclusive, a-t-il affirmé, faisant remarquer que la cotation à titre d’exemple de la CPG à la bourse, peut contribuer à éviter les actes de blocage de la production par les ouvriers.