La culture d’entreprise n’est que le maillon aval de la création de startups. Pour qu’elle prospère, le terrain doit avoir été préparé en amont, à l’échelle nationale, par une culture financière d’investissement en capital. C’est ainsi qu’on installe la plateforme sur laquelle les entrepreneurs et les investisseurs peuvent ensuite «danser» en toute liberté.

Comme dans une nation, il y a potentiellement plus d’investisseurs en herbe que d’aspirant-entrepreneurs, et que réveiller et nourrir l’esprit d’investir est moins «disruptif» que d’éveiller et alimenter l’esprit d’entreprise, mieux vaut d’abord propager une culture «investissoriale» avant toute culture entrepreneuriale : cela demande moins d’efforts et donc amoindrit les difficultés de dissémination. Certes, il faut des entrepreneurs pour créer des sociétés, mais il faut encore plus d’investisseurs pour financer ces entrepreneurs.

Pratiquement toutes les entreprises à fort potentiel de croissance ont besoin de capitaux pour naître et se développer. Les capitaux et la connaissance des véhicules d’investissement en entreprise non cotée sont incontournables pour envisager une véritable culture d’entreprise bâtie sur des fondations solides. L’entrepreneuriat à but lucratif est une activité intrinsèquement capitaliste, en d’autres mots, foncièrement consommatrice de capitaux de croissance.

A quoi bon entreprendre si on ne maîtrise pas ou peu la matière première inévitable de toute activité entrepreneuriale : en gros, tout ce qui concerne les fonds nécessaires à l’amorçage, au démarrage, au développement d’une entreprise. C’est-à-dire, la connaissance de tout ce qui touche au financement des entreprises : les différentes familles (toutes hétéroclites) de contributeurs financiers, les diverses méthodes d’évaluation de startups et d’entreprises, ainsi que les nombreux véhicules d’investissement et leurs conséquences dilutives ou non.

La bonne compréhension des outils et des techniques de financement d’entreprise permet de concevoir des stratégies pour structurer au mieux les capitaux engagés dans une entreprise, de bâtir des architectures de capitalisation qui préservent plus équitablement les intérêts de toutes les parties (fondateurs, investisseurs, et employés clés) et qui sont le socle du rayonnement de l’entreprise.

Tous les véhicules d’investissement, du plus simple au plus sophistiqué, peuvent se révéler de faux amis et sont potentiellement dangereux, surtout pour les fondateurs : pourtant, presque personne ne s’en soucie ! Tout agencement de ces outils, tout mécanisme financier débouchant sur une transaction, a des répercussions potentiellement délétères pour les fondateurs et presque personne n’en a conscience !

Même les entrepreneurs qui n’ont pas de problèmes de financement (ils ont déjà réuni les fonds nécessaires au lancement de leur activité), donc les chanceux qui n’ont pas à aller quémander des capitaux d’investissement, sont malgré tout confrontés au problème de structuration de leur capital-actions : transformer l’argent apporté par les fondateurs et les premiers associés financiers en titres de propriété et/ou de rémunération.

Mais quand on a très peu de connaissances de base en financement d’entreprises et par conséquent peu de compréhension des options financières disponibles on manque forcément d’idées pour élaborer des stratégies d’investissement pertinentes et durables. Dès lors, on s’offre soi-même sur un plateau d’argent à la rapacité des investisseurs.

Dans la majorité des cas, l’activité d’entreprendre est fondée sur la capacité à réunir, en temps opportuns, par autofinancement et/ou par l’organisation de «tours de table» de levées de fonds, les capitaux suffisants pour financer l’acquisition et la mobilisation des ressources nécessaires pour atteindre les objectifs fixés dans le plan de conquête de marché.

Or, la majeure partie des porteurs de projet (à l’instar de la population) n’a pas, ou peu, les connaissances de base en financement d’entreprises émergentes ou les aptitudes pour réunir des fonds : seul un pitch sur 200 obtient des capitaux d’investisseurs institutionnels ! Et les connaissances en la matière de leurs accompagnateurs sont, de manière générale, très lacunaires : d’ailleurs, les montages financiers qu’ils suggèrent sont souvent bancals. Bref, dans notre écosystème startups, on s’en remet habituellement à la bienveillance des investisseurs, alors qu’eux-mêmes ont une connaissance spécifique loin d’être optimale.

Ainsi, la plupart des outils et méthodes disponibles pour construire une stratégie capitalistique efficace et ambitieuse pour une start-up sont sous-utilisées voire inexploités faute de connaissances de la part des principaux intéressés ou en raison de leurs préjugés et/ou de leurs habitudes de ne pas sortir de leur zone de confort.

Une compilation d’une série de mini-enquêtes empiriques (*) sur les mécanismes et véhicules d’investissement préférés par les «startuppeurs» pour ouvrir leur capital, et par les capitaux-risqueurs pour entrer dans le capital, révèle que ce sont souvent les mêmes combinaisons de techniques et de formules d’investissement qui reviennent à chaque transaction, et ainsi on s’aperçoit, de manière généralisée, que seulement un cinquième des options d’investissement possibles sont utilisées. C’est bien dommage.

(*) Menées auprès de porteurs de projet et d’investisseurs par le Cabinet Valoro depuis 2013, à l’issue de chaque Forum annuel (de pitches) «Mind & Market» à Louvain-la-Neuve (Belgique).

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