Depuis son élection, il y a un peu plus de deux mois, le président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), Samir Majoul, s’est distingué par ses déclarations tonitruantes dans les médias. La plus récente est accordée à un magazine de la place et dans laquelle il donne une lecture très intéressante de l’actuelle hausse de l’inflation que connaît le pays (7,2% au mois de mars 2018).

Le patron des patrons reconnaît certes que les mesures inflationnistes prises dans le cadre de la Loi de finances 2018 (nouveaux droits de douane, nouvelles taxes de consommation, augmentation d’un point de la TVA…), sont en partie à l’origine de cette hausse, mais il n’y a pas que ces nouvelles mesures.

Pour Samir Majoul, ce qui a généré cette inflation c’est l’explosion des coûts subis autant par l’entreprise que par le consommateur, depuis 2011.

Il estime que depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, les coûts de production ont fortement augmenté en raison de la dégradation de l’environnement général, la dépréciation du dinar au fort taux de plus de 60%, l’augmentation des coûts sociaux (majoration des salaires…), la perte de marchés fort rémunérateurs tels que le tourisme (recul de ce secteur à cause des attentats), et du marché libyen…

L’augmentation des coûts de production à l’origine de l’inflation

D’après lui, tous ces facteurs négatifs ont contribué à l’explosion des coûts et son corollaire la perte de marchés pour l’entreprise, et ont généré la diminution des revenus de notre pays par tête d’habitant et, conséquemment, la baisse de la production.

Conséquence : en important des matières premières, des pièces de rechange, des machines, à des prix toujours plus élevés, nécessairement les entreprises tunisiennes importent avec ces produits une inflation.

En plus clair encore, “quand la Loi de finances 2018, dit-il, décide de pénaliser à l’importation les intrants, elle favorise une inflation importée”.

Et Samir Majoul de poursuivre avec beaucoup d’humour : “Et comme mon usine ne fabrique pas l’inflation mais la subit, forcément je la répercute sur les prix de mes produits”. Cela pour dire que “l’inflation c’est le gouvernement qui la décide”, a-t-il dit, avant d’ajouter : “L’inflation est la seule richesse qui reste pour les gouvernements qui n’ont pas un business-plan pour leur pays”.

Il devait titiller, par la même occasion, l’establishment politique du pays en s’interrogeant sur les sources du financement des partis et sur le coût des politiques pour le contribuable.

Il va jusqu’à les provoquer en les accusant de ne penser qu’aux prochaines échéances électorales (les municipales, les législatives et la présidentielle) et de ne se préoccuper aucunement de l’économie du pays.

Au final, il faut reconnaître que le ras-le-bol des patrons est à son comble.

Le milieu patronal ne s’est pas encore remis du premier choc fiscal généré par la loi de finances 2018, que le voici de nouveau exposé à un nouveau choc, celui du taux d’intérêt qui s’envole d’un seul coup de 75 points de base. D’où le risque d’impacter lourdement l’investissement et de le plomber davantage.

Pour mémoire, cette augmentation du taux d’intérêt directeur est la troisième en l’espace d’une année (avril 2017-mars 2018), soit au total 150 points de base.

Les deux premières augmentations ont eu lieu en 2017, respectivement fin avril (+50 points) et fin mai de la même année 2017 (+25%).

Nous sommes donc dans une situation où on est tenté de dire que ces augmentations ont des relents de harcèlement fiscal des entreprises.

Abou sarra