L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a un nouveau président, en la personne de Samir Majoul. Il est le septième à occuper ce poste. Chacun des six prédécesseurs de l’ancien vice-président a eu à mener sa mission dans un contexte différent et a eu à faire face à des difficultés et à des épreuves qui le sont tout autant.

Les trois pères fondateurs ont eu le mérite de donner naissance à l’organisation patronale et d’en prendre successivement les commandes.

Le premier, Mohamed Chamem, en pleine occupation française (janvier 1947-avril 1948). Le second, Mohamed Ben Abdelkader, aura régné pendant plus longtemps (avril 1948-octobre 1960) et fait passer à la centrale patronale le cap de l’accession à l’indépendance, et partagé les joies et difficultés de la construction de l’Etat.

Le troisième, Ferjani Bel Haj Ammar, a battu le record de longévité (octobre 1960-juillet 1988), mené la barque de l’UTICA sous les deux présidents que la Tunisie a eu jusqu’en 2011 (Bourguiba et Ben Ali), et vécu les hauts et les bas que le pays a connus durant les vingt-huit ans de ce long règne.

Hédi Djilani prend le relais en 1988 alors que les Tunisiens retrouvaient l’espoir. Son règne prend fin en même temps que celui de l’ancien président Ben Ali qui, en vingt-trois années, a fini par tuer l’espoir qu’il a fait naître parmi les Tunisiens le 7 novembre 1987.

Hamadi Ben Sedrine n’aura été qu’un pape de transition (janvier-mai 2011). Wided Bouchamaoui, qui lui a succédé en mai 2011 a dirigé la centrale jusqu’en janvier 2018, pendant un peu moins de sept ans, a été l’un des acteurs de la transition que connaît le pays durant cette période.

Deuxième président de l’UTICA dans la phase de l’après-Ben Ali, Samir Majoul a ceci de commun avec Mme Bouchamaoui qu’il accède lui aussi à la présidence de l’organisation patronale à un moment où la Tunisie est, comme elle il y a sept ans, dans une phase très difficile. A la fois, politiquement, économiquement, financièrement et socialement. Elle est même proche de la rupture.

Il est clair que le nouveau président de l’UTICA veut en provoquer une (rupture) par rapport à la gestion de son prédécesseur. A peine élu, il a déclaré –prenant ainsi le contrepied de Mme Bouchamaoui qui, il y a quelques semaines, a provoqué un certain émoi en brandissant la menace de faire le contraire- en déclarant que l’UTICA ne va pas quitter la Déclaration de Carthage. Mais le nouveau président est très certainement conscient que son action sur le terrain politique n’est pas ce qu’on attend de plus important de la part de la centrale patronale historique comme contribution à l’effort de sauvetage national.

C’est sur le terrain économique qu’elle peut et doit contribuer au redressement de la Tunisie. Notamment en incitant les entreprises et leurs dirigeants à faire plus et mieux, c’est-à-dire à investir davantage pour créer plus d’emplois et de meilleure qualité, en particulier dans les régions défavorisées.

Bien sûr, pour que le secteur privé puisse faire cela, il faudrait que l’Etat crée un environnement beaucoup favorable à l’investissement, principalement en réformant une administration lourde et qui a démontré qu’elle n’est pas «amie» de l’investisseur pour un sou.

Mais pour mieux s’acquitter de leur mission, les chefs d’entreprise doivent eux aussi se remettre en question. Changer de mentalité et de méthodes. Pour que la Tunisie ait un plus grand nombre –il y en a heureusement déjà, mais ils ne sont pas encore suffisamment nombreux- de chefs d’entreprise qui osent sortir des sentiers battus et faciles, mettent l’innovation au cœur de leur modèle économique, en lieu et place des petites combines que certains font subir à leurs employés, clients, fournisseurs, etc.