Une enquête du Réseau de Reporters Arabes pour le journalisme d’investigation ARIJ avec la participation de l’agence TAP a montré qu’en dépit de l’arsenal juridique mis en place pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, lequel a été renforcé après la révolution par la loi organique 2015-26 du 7 août 2015, le risque de blanchiment d’argent en Tunisie reste important, comme le démontre l’enquête qui cite plusieurs exemples.

Une part de “l’argent sale” qui a quitté la Russie, entre 2011 et 2014, vers l’Europe et d’autres pays, à travers “l’un des schémas de blanchiment d’argent les plus importants de l’histoire”, est bien arrivé en Tunisie. Il a transité par le biais de transferts bancaires, à partir de pays de l’Europe de l’Est vers des comptes de “non résidents” et de transactions effectuées au profit de sociétés exportatrices tunisiennes.

D’après les documents auxquels ont eu accès le journal russe “Novaïa Gazeta” et le Projet de reportages sur le “Crime Organisé et la Corruption” (OCCRP), lesquels ont exposé, de façon détaillée, le fonctionnement d’une machine russe à blanchir l’argent, avec près de 70.000 transactions bancaires, impliquant 120 comptes bancaires et sociétés offshores ont permis à près de 500 personnalités russes de sortir de Russie plus de 20 milliards de dollars (environ 50 milliards de dinars), pour les placer à l’abri dans plusieurs Etats ouest-européens et d’autres pays, dont la Tunisie.

Entre l’automne 2011 et le printemps 2014, le journal indépendant moscovite Novaia Gazeta, a révélé un des plus importants trafics de blanchiment d’argent de l’histoire, baptisé “Russian Laundromat” (Laverie russe), dans lequel ont été impliquées des centaines de banques et 5.140 sociétés, dont des offshores, dans 96 pays.

L’implication des banques tunisiennes constitue bel et bien, un témoignage de la faiblesse de l’application des lois, du contrôle et des mesures de traçabilité des flux d’argent provenant de l’extérieur, vers la Tunisie. Elle alerte sur la défaillance de l’arsenal juridique mis en place en Tunisie pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Bien que cet arsenal soit renforcé après la révolution (17 décembre 2010-14 janvier 2011) et la chute de la dictature, la vigilance demeure de rigueur.

Par ailleurs, au moment où nous nous apprêtons à publier l’enquête, le 4 décembre 2017, le Conseil Ecofin, une formation du Conseil des ministres de l’Economie et des Finance de l’Union européenne (UE) classe la Tunisie, sur la liste noire des paradis fiscaux.

La Commission tunisienne des Analyses Financières (CTAF), relevant de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), avait déjà reconnu, dans son rapport publié en avril 2017, que le risque de blanchiment d’argent est “relativement élevé”. A suivre…