Il faut avoir atteint les abysses en matière de communication pour oser faire des déclarations aussi brutalement franches sur fond de crise économique, où savoir communiquer, rassurer, positiver est capital! Notre ministre des Finances a tiré plus vite que la loi du marché, sa balle a atteint en plein cœur la monnaie nationale.

Nous devrions envoyer certains de nos ministres au Maroc recevoir des “cours accélérés en communication positive“ où ce qui est mis en avant est surtout les réalisations et non pas les défaillances et les risques.

Madame la ministre, parachutée au ministère des Finances plus par souci de parité que par compétence, vous venez de confirmer par votre déclaration sur la dévaluation du dinar, comme vient de le dénoncer Chokri Mamoghli, ancien secrétaire d’Etat au Commerce, que le taux d’endettement de la Tunisie va être de l’ordre de 70% au lieu de 63%.

Sous d’autres cieux, nos opérateurs économiques travaillant en France dont Hakim Tounsi, opérateur dans le secteur touristique et banquier, ont été abasourdis par votre «franchise».

Réaction? 

«Madame la ministre des Finances en Tunisie annonce une descente aux enfers de la parité du dinar tunisien avec les devises étrangères. Ses vœux ont été exhaussés par le marché par anticipation même à l’application des intentions annoncées.

Résultat: 1 Euro = 2,53 TND aujourd’hui.

Je pose une question à Madame la ministre avec tous mes respects pour son rang. Supposez Madame que vous êtes un étranger, stylo à la main, sur le point de signer un ordre de virement de 5 millions d’euros pour finaliser et concrétiser un investissement en Tunisie. Vous entendez à la télé le ministre des Finances vous dire que la valeur du dinar va être réajustée et va aller à 1€ = 3 TND. Que faites-vous Madame? Vous signez tout de suite et expédiez les fonds pour investir en Tunisie, soulageant au passage, la population, réduisant les chômeurs en absorbant leur mécontentement, ou vous renoncez à faire le virement en attendant cette baisse attendue du dinar tunisien? Même celui, résident à l’étranger, qui va acheter une maison en Tunisie ou payer sa note d’électricité, va attendre et ne va plus le faire tout de suite».

Réactive pour les mauvaises nouvelles, inefficiente pour résoudre les problèmes

Avec quel brio, Lamia Zribi qui n’a pas brillé par sa capacité décisionnelle pour résoudre les problèmes concrets des entreprises tunisiennes et des investisseurs étrangers a porté un coup fatal à la monnaie nationale. Réactive pour les mauvaises nouvelles, inefficiente pour résoudre les problèmes.

De par le monde, les experts déterminent la valeur d’équilibre d’une monnaie sur la base des fondamentaux économiques du pays considéré… Dont les déterminants économiques de la valeur du taux de change à long terme et les variables suivantes:

– la position extérieure nette (solde des investissements étrangers dans le pays et des investissements du pays à l’étranger);

– la productivité relative (l’éefficacité économique mesurée, par exemple, par la production du pays rapportée à son volume d’heures de travail), ou encore les termes de l’échange (rapport des prix à l’exportation aux prix à l’importation).

En Tunisie, la productivité est morte et enterrée, la balance commerciale est déficitaire et les investissements peinent à revenir à cause de toutes les entraves que rencontrent les opérateurs privés et dont ceux au niveau du ministère des Finances.

Madame la ministre n’est même pas arrivée à intimer à ses services l’ordre de délivrer à un industriel français son attestation d’exonération de TVA. A cause de l’irresponsabilité de l’agent qui a exigé un écrit malgré les appels de ses supérieurs et l’intervention du ministère de l’Industrie, l’industriel qui employait directement 700 personnes et 700 autres indirectement a plié bagages.

Mieux encore, la chef du gouvernement, qui avait promis de promulguer une note interne pour annuler la mesure consistant à exiger les visas d’embarquement, n’a rien fait dans ce sens. Pareil pour les attestations d’exonération d’impôt difficiles à obtenir. Et on parle de nouveau code d’investissements et de climat d’affaires encourageant. Encore faut-il que les hauts responsables puissent se faire obéir par leur administration pour arriver, ne serait-ce qu’à mettre en œuvre rapidement les lois en vigueur.

C’est à croire que ceux qui veillent sur les destinées du ministère des Finances sont en mission commandée pour détruire ce qui reste d’un secteur privé miné par les grèves et la contrebande.

Hakim Tounsi en a déjà fait le constat: “On ne peut pas redresser un État, un pays qui a plus de 60% de son économie au black, sous forme d’économie parallèle souvent entre les mains de bandits et d’escrocs. On peut privatiser ce qu’on veut et l’Etat dépensera l’argent qu’il comptait récolter avant même de l’avoir encaissé. Autant mettre en place les conditions nécessaires et la logistique pour l’application des lois anti-blanchiment.
Pour Hakim Tounsi, il est impératif de rassembler l’Association des banques pour donner des recommandations fermes pour étendre rapidement la monétique dans tout le pays et la rendre accessible à tous”.

Il s’agit également de mettre en place une loi d’amnistie fiscale raisonnable gagnant/gagnant qui drainera spontanément l’argent dans les caisses de l’Etat et arrêter la politique actuelle du recouvrement fiscal qui coûte plus cher que ce qu’elle rapporte et qui encourage la corruption. Et là où nombre d’économistes ne sont pas d’accord avec lui: émettre une nouvelle monnaie d’ici une année pour obliger la masse monétaire qui circule dans le pays à retourner dans le système bancaire et refaire partir les recettes fiscales, la santé du système financier tunisien, l’économie du pays ainsi que la santé et l’autorité de l’Etat. L’objectif serait, d’après lui, de réduire l’économie parallèle de 20% avant 12 mois.

Le diagnostic est là, les solutions le sont aussi, ce qui manque à la Tunisie aujourd’hui est une main de fer capable de transcender un régime politique catastrophique, fragmenté et fragmentant et d’oser coûte que coûte prendre les décisions qui s’imposent pour sauver le pays d’une descente aux enfers lente mais sûre à ce train-là.

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