Tunisie – Politique : BCE… droit au but!

bce-ghannouchi-2013.jpgEn direct à la télé, BCE –pour Béji Caïd Essebsi- tend la main à l’adresse de Rached Ghannouchi, pour dénouer la crise. Cela ressemble à un appel en duel. Ca a, au moins, le mérite de sortir le pays de l’expectative. Même si la demande n’a pas encore reçu de réponse, le combat des chefs semble inévitable. Est-ce l’amorce d’une solution définitive?

BCE a prodigieusement scénarisé son passage sur Nessma TV, ce mardi 30 juillet. Seul, avec notre confrère Yassine Hassen, il campait la posture de l’homme de la situation. Attitude, totalement à son avantage. Seul face à son interviewer, il gérait les échanges avec assurance. Maître du jeu de ce tête-à-tête, il ne pouvait être chahuté, éliminant le bruitage des plateaux à plusieurs. Il avait donc un ascendant sur l’auditoire. Ses messages étaient limpides et percutants.

Prenant l’opinion à témoin, il s’approprie le leadership du mouvement “Errahil“ et s’intronise “Capo di Capi“ de l’opposition. Cette dernière, atomisée, plongée dans une cacophonie assourdissante, se trouve du coup remembrée sous son aile. Et aucun chef de parti ne s’est avisé à le contrer, le lendemain. Tous sont rentrés dans le rang. Désormais, sa voie est l’expression de l’opposition, miraculeusement réunie.

BCE a du métier, sans doute, mais il s’illustre par un génie politique qui lui procure le sens de l’instant et l’instant présent est le sien et il s’en empare.

C’est avec l’assurance du chef qu’il convoque Rached Ghannouchi, pour régler la crise. D’homme à homme et sous l’œil attentif de l’opinion publique. En théorie des jeux, il a pris l’initiative de l’entame offensive. Martin Scorsese a utilisé une expression pertinente pour qualifier une telle provocation à duel “une offre ce que l’adversaire ne peut pas refuser“.

Son interlocuteur peut-il se dérober à cette invite sans appel, au risque de se disqualifier et de perdre la main et, par la même, toute emprise sur les faits ?

Empêcher le détricotage de l’Etat

Il était facile à BCE de monter au filet et de prendre la tête de cette vague de contestation populaire. Initiée par le groupe des députés dissidents, elle a pour mots d’ordre, «formation d’un gouvernement de salut public» et «dissolution de l’ANC». Ce sont là deux revendications émises par BCE lors de l’assassinat du martyr de la nation, Chokri Belaid. Avec son aplomb, BCE affirme que désormais ses revendications symbolisent la cause du peuple. Avec adresse, il rassure l’opinion en soutenant qu’il n’y a pas à redouter un quelconque vide constitutionnel, une fois l’ANC dissoute. Tout a été prévu. Il veille au grain. Et en véritable guerrier, dévoué au combat pour sauver l’Etat national, il ne répugne pas à l’odeur de la poudre. Il veut en découdre avec son adversaire. En situation offensive, il laisse entendre que la majorité populaire se range à son credo d’empêcher le détricotage de l’Etat, quoi qu’il lui en coûte.

Renverser la vapeur

A mettre les deux adversaires dans la balance, l’issue de la bataille ne laisse pas de doute. En désignant Ghannouchi comme le “Deus ex machina de la Troïka“, il confirme ce que nous savions déjà. Toute l’opinion sait que les litiges qui opposent la Troïka à l’opposition se règlent hors les cercles institutionnels et se tranchent à Montplaisir, unique sanctuaire du pouvoir dans le pays.

Agissant en véritable animal politique, BCE se met, cette fois, dans la peau du renard du désert et sa ruse est qu’en désignant Rached Ghannouchi, régent de l’Etat, il lui colle, ce faisant, le passif des gouvernements Jebali et Laarayedh. En associant l’homme à l’impasse politique actuelle, il met Ghannouchi dans la situation du looser.

Que lui laisserait-il comme possibilité de manœuvre? Le champ de cette alternative de l’impuissance: se soumettre ou se démettre. Cependant, Rached Ghannouchi n’est pas né d’hier et doit avoir plus d’un tour dans son sac. On le voit chercher à faire diversion en cherchant à nouer des contacts avec l’UGTT, par exemple. Quoi qu’il en soit, il vit désormais sous la tyrannie du chrono, le temps est compté. A priori, il ne semble pas avoir les faveurs des pronostics. Outre que toute nouvelle convulsion terroriste lui serait imputée. Ce qui n’est pas rien..