Mr Mohamed Belajouza, Président de la FTH et les répercussions de la crise financière sur le tourisme tunisien

Mr Mohamed Belajouza, Président de la FTH, répond aux questions d’Amel Djait au
sujet des répercussions de la crise financière sur le tourisme tunisien.


mohamed_belajouza.jpgWebmanagercenter :
le conseil exécutif de l’OMT, s’est réuni les 14 et 15
à Madrid pour créer un « Comité de relance du tourisme » pour soutenir ses
membres et offrir une analyse précise de la situation en leur proposant des
mécanismes de réaction. Le secteur du tourisme- tant d’affaires que d’agrément
semble commencer à – souffrir déjà de la baisse de la demande des consommateurs
et les entreprises touristiques, du resserrement des crédits. Où en est la
situation en Tunisie ?

Mohamed Belajouza : Jusqu’à présent, et je vous réponds en tant
qu’observateur, nous n’avons pas ressenti l’effet de la crise. Il est encore
tôt, peut être trop tôt.

Mais tôt ou tard, nous en subirons fatalement les retombées, la Tunisie n’est
pas isolée du reste du monde. Ne serait ce que parce que l’argent va devenir
plus rare, les gens partiront moins longtemps et moins souvent. D’un autre côté,
les vacances font tellement partie des habitudes des consommateurs qu’ils n’y
renonceront pas. Les européens qui sont nos clients traditionnels, vont faire
moins de longs courriers. Ils se tourneront assurément vers les destinations les
moins chères et les moins lointaines. Cela pourrait et je l’espère, avoir des
retombées positives pour notre pays.

Par contre, ce qu’il y’a à craindre de la crise c’est qu’un nombre d’opérateurs
risque de prendre prétexte de la crise actuelle pour mettre la clef sous le
paillasson et là ca serait une catastrophe. Pour le moment, à part une affaire
en France, il n’y a presque rien à noter. Nous avons désormais à faire à de
véritables mastodontes qui appartiennent à des nébuleuses et là nous risquons
d’avoir mal.
En rapport direct avec la crise, nous n’avons pas d’indicateurs. Ce n’est pas
notre préoccupation majeure pour le moment.

Webmanagercenter :
de l’avis des professionnels du tourisme des marchés
émetteurs vers la destination Tunisie l’actuelle crise financière mondiale va
affecter fatalement les secteurs du voyage à l’étranger l’année prochaine.
Comment s’y prépare t- on chez nous ?
Un plan a t-t-il été conçu pou répondre à cette perturbation qui arrive de front
?

Mohamed Belajouza : fatalement, dites-vous ? Aucun plan n’a été mis en
place. Aucune instance ne s’est penchée sur cette question, du moins à ma
connaissance ! Aucune des deux corporations professionnelles ou des
représentants de l’administration ne s’est réuni pour débattre de ce point.
Restant optimistes.

Webmanagercenter : les destinations qui prétendent amortir le choc,
mettent en avant certains points forts avec notamment un positionnement haut de
gamme, la politique du ciel ouvert et une offre diversifiée. Je pense
particulièrement au Maroc qui sait déployer son savoir faire en termes de
gestion de crises. Ne pensez vous pas, qu’une fois encore, la Tunisie va être
victime de son image « bas de gamme » et de son manque de communication de
crise. En un mot de manque de réactivité ?

Mohamed Belajouza : « la réactivité » : je vous avoue que c’est un mot
que j’aime bien. C’est précisément, le manque de réactivité qui caractérise
notre organisation actuelle. Et c’est le reproche que nous pouvons adresser aux
structures qui gèrent actuellement le budget de la promotion. Je pense vraiment
que marketing et administration ne vont pas ensemble.
Il faut imaginer une structure commerciale, légère, constituée des
professionnels de la communication. Une équipe réactive présente sur les marchés
et capable de mettre en place des actions correctives immédiates en cas de
besoin. D’où la nécessité de règles de gestions plus souples que celles de la
comptabilité publique.

Vous avez pris pour exemple le Maroc, parlons en. En dehors de Marrakech, qui
est un produit à part, mais qui perd du reste en qualité. Le produit marocain
n’est guère plus compétitif. En termes de tourisme balnéaire et de services, ils
ne sont pas meilleurs que nous. Par contre ils sont plus percutants en termes
d’opérations de promotions sur les marchés émetteurs. Ils sont aussi plus
compétitifs avec par exemple l’ouverture de leur ciel qui facilite surtout les
cours séjours, fait baisser les prix des packages et encourage aux départs plus
fréquents.
Le Maroc met sur deux pays, la France et l’Allemagne, plus que notre budget de
promotion. Depuis 4 ans, notre budget n’a pas augmenté d’une façon
significative. Imaginez avec l’inflation, l’augmentation des prix de services,
les tarifs publicitaires… Le peu d’argent, dont nous disposons ne peut obtenir
des résultats probants. Aujourd’hui, nous dépensons 25 millions d’euros. Les
marocains dépensent plus de 100 millions d’euros.

Webmanagercenter : à combien estimez vous le budget nécessaire pour
rattraper ce retard d’image et de promotion ?

Mohamed Belajouza : Il nous faut entre 120 et 150 millions de dinars.
Quand nous revenons aux recommandations du rapport de la banque mondiale, nous
nous retrouvons avec ce chiffre. Cela correspond à 5% de nos recettes
touristiques.
Si nous avions un budget plus conséquent, nous pourrions augmenter nos
ressources en devises. Nous pourrions vendre plus cher en améliorant nos
services.
Toutes les instances semblent convaincues de l’insuffisance du budget alloué à
la promotion. Le Ministre du Tourisme lui même l’a maintes fois déclaré.
Nos concurrents directes sur le bassin méditerranéen (les marocains, les
égyptiens et les turcs) se sont lancés après nous dans l’industrie touristique.
Aujourd’hui ils réalisent des performances bien meilleures que les nôtres en
termes de revenue à la nuitée.
Ce n’est absolument pas une question de compétences. Nous avons les techniciens
et le savoir faire qu’il faut. Seulement nous n’avons pas les moyens de
présenter et de faire apprécier la valeur de notre produit.


A ce sujet je plains les représentants de l’ONTT à l’étranger et en même temps
je les admire. Avec quels moyens voulez vous qu’ils travaillent ?
J’imagine leurs frustrations par rapport à leurs collègues égyptiens, marocains
et turcs.

Webmanagercenter : trouver plus de fonds, est ce possible ?

Mohamed Belajouza L’importance du marketing a été soulignée par le Chef de
l’Etat lui-même. Un Conseil Ministériel Restreint tenu en 2003 recommandait déjà
de faire participer au financement du fond de promotion tous les opérateurs
économiques qui tirent profit de l’activité touristique : les banques, les
compagnies aériennes, les offices des ports aérien et maritime, les magasins de
l’artisanat, les loueurs de voitures, les restaurants classés…


Il n’ya pas de raison pour que seuls les hôtels et les agents de voyage payent.
Depuis lors notre fédération a multiplié les interventions à tous les niveaux
pour que ces recommandations soient appliquées.


Le dernier Conseil National de la FTH a retenu de proposer aux autorités
compétentes l’institution d’une taxe de séjour pour les touristes, sauf les
ressortissants de l’UMA et les enfants.
Le produit de cette taxe d’une dizaine d’euros par tête et la participation des
professionnels de tourisme donneront un beau budget de promotion. Si nous
voulons réaliser ces ambitions il faut y mettre les moyens, il n’ya pas de
secrets.

Webmanagercenter :
face à la crise, toutes les destinations sont également
menacées, ne pensez vous pas que la différence se fera au niveau d’une stratégie
de communication agressive et diversifiée et d’un marketing encore plus
percutant ?
Avons-nous déjà perdu la bataille avant de l’entamer.

Mohamed Belajouza : les opérations de communication agressives ont un
prix et un marketing plus percutant nécessite des moyens importants. Il faut
admettre que les sommes consacrées à la promotion doivent êtres considérées
comme un investissement. En plus c’est un investissement a retombées immédiates
et à rentabilité élevée.

Webmanagercenter : Vous êtes trop pessimiste ou très réaliste ?

Mohamed Belajouza : Ce sont des faits que nous vivons au quotidien et
depuis longtemps. Cette situation prévaut depuis des années. Les choses tardent
à se mettre en place. Tous les jours, nous cédons des parts de marché. Nous
attendons l’adoption de mesures pour permettre de retrouver et d’améliorer notre
place sur le marché.