C’est sur fonds de grèves (Tunis-Carthage) et menaces de mouvements contestataires (Syndicat de l’Enseignement), conjugués aux relations glaciales entre État, bailleurs de fonds, communauté d’affaires et syndicats, refroidissant tout engouement pour un réel investissement dans l’économie nationale, que démarre la reprise automnale en ce septembre 2025. Aux cris d’alarme lancés par les économistes avisés, l’État répond : tout va bien dans le meilleur des mondes, notre économie se porte à merveille, nous devons compter sur nous mêmes et créer un nouveau modèle économique qui coupe avec tout ce que la planète terre, l’univers a connu à ce jour.

En ce lundi 1er septembre, journée durant laquelle se tient la réunion de la commission des Finances à l’ARP, la nouvelle loi des Finances 2026 est sur la table. Ceci alors que le ministère des Finances devait envoyer à l’assemblée les orientations générales de la loi en question avant le 31 juillet ne l’a pas fait. L’assemblée ignore à ce jour la direction que prendra la politique socioéconomique du pays pour l’année à venir. Dans l’attente, les déséquilibres économiques structurels du pays persistent et résistent aux discours par trop rassurants des décideurs politiques.

Hechmi Alaya, les énumère dans la dernière édition d’Ecoweek.

Monnaie et inflation : signaux positifs mais …

Bonne nouvelle : l’inflation poursuit son reflux. En juillet 2025, elle est ressortie à 5,3 %, contre 5,4 % un mois plus tôt. En revanche, la circulation fiduciaire bat des records. La masse de monnaie manuelle (billets et pièces) à franchise pour la première fois la barre des 26 milliards de dinars fin août, en hausse de +15,1 % sur un an. En sept ans, le volume de cash a plus que doublé (12,9 MDT en 2018). Cette explosion du cash traduite à la fois le recul des moyens de paiement scripturaux, l’échec des solutions numériques, l’essor de l’informel et la quasi-normalisation avec les transactions en espèces entre contrebandiers qui ne sont nullement inquiétés par les lois contre la corruption ou les malversations.

« L’inflation recule, mais la masse de cash en circulation bat tous les records. »

Un commerce extérieur, toujours sous pression

Le déficit commercial qui s’élargit à –9 413,9 MDT, contre –8 291,1 MDT un an plus tôt. Les sept premiers mois de 2025, les importations ont progressé de +1,7 %, atteignant 47 671,4

Huile d’olive : les volumes en hausse, les cours mondiaux en baisse

La campagne oléicole 2024/25 a livré une production de 215 000 tonnes, en baisse de –10,4 % par rapport à l’année précédente. Pourtant, les volumes exportés ont fortement augmenté au premier semestre 2025, atteignant 207 100 tonnes (+61,1 % sur un an).

Mais la chute spectaculaire des prix internationaux a changé la donne. Le prix moyen de la tonne d‘huile d’olive tunisienne exportée est passé de 26 422 dinars en 2024 à seulement 12 975 dinars en 2025, soit une contraction de –50,9 %. En conséquence, les recettes d’exportation se sont établies à 3 190 MDT, en baisse de –27,7 %.

L’huile conditionnée, qui représente 13,9 % des volumes, contribue à 20,8 % des recettes, confirmant l’intérêt d’une montée en gamme mais insuffisante pour compenser la dégringolade des cours mondiaux.

« La loi de Finances 2026 reste une énigme, malgré les urgences économiques. »

Balance commerciale alimentaire : bilan mitigé

La balance commerciale alimentaire selon les informations publiées par l’ONAGRI a affiché un excédent de 821,1 MDT sur les sept premiers mois de 2222, contre 1 729,2 MDT un plus tôt, avec un taux de couverture de 121,8%. Cette baisse s’explique par la recul des exportations d’huile d’olive (-11,1%), de dattes (-12,1%) et de produits de la pêche (-1,7%), malgré la diminution des importations de céréales (-22,2%), de sucre (-16,6%) et d’huiles végétales (-12,2%). La part des exportations alimentaires dans le commerce extérieur s’est répondue à 12,2%, et celle des importations à 7,7%. Les achats céréaliers ont chuté de 22,2% en valeur et 19,2% en volume, avec des prix en baisse pour le blé dur (-17,9%) et le blé tendre (-1,1%), mais en hausse pour l’orge (+6,2%) et le maïs (+9,7%). Les prix moyens ont aussi évolué : +17,2% pour les huiles végétales et -22,8% pour le sucre.

« La Tunisie exporte plus d’huile d’olive que jamais, mais gagne deux fois moins. »

Hydrocarbures : goulotte de la production

Les réalisations du secteur des hydrocarbures-devons-nous dire réalisations ? -ont reculé de manière constante depuis que les illuminés (sic) de l’ARP de la première assemblée post-chute du régime en 2011 ont décrété que les produits miniers appartenaient au peuple et que toute concession doit être approuvé par leurs brillants esprits. Conséquence, d’année en année, la production a baissé renforçant la dépendance énergétique de la Tunisie à l’Algérie.

Au mois de juin 2025, la production pétrolière s’est limitée à 99 300 tonnes, en recul de –13,0 % par rapport à juin 2024. Le gaz naturel suit la même tendance, avec 114 500 tonnes équivalent pétrole (TEP) produites, soit –8,6 % sur un an.

La production d’électricité a également fléchi de –1,5 % en juin. Une baisse qui pèse lourdement sur la balance commerciale.

« La dépendance énergétique à l’Algérie ne cesse de s’accentuer. »

Finances publiques : recettes fiscales et dettes en hausse, subventions en baisse

Les recettes fiscales ont progressé de +12,7 % sur le premier semestre 2025, atteignant 25 237 MDT. Les dépenses de compensation ont pour leur part baissé à 1 447 MDT (–48 %), principalement grâce à la baisse des subventions sur les hydrocarbures, conséquence de la détente des cours mondiaux. Toutefois, le poids du service de la dette extérieure continue de grimper : 7 765 MDT sur les six premiers mois de l’année, soit une hausse de +18,4 % par rapport à 2024.

« Les déséquilibres structurels persistent, malgré des discours politiques rassurants. »

Une économie en quête de stabilité !

Les chiffres de l’été 2025 confirment la fragilité de l’économie tunisienne. Le reflux de l’inflation et la stabilité du dinar apportent un peu de répit aux ménages et aux entreprises. Mais les fondamentaux restent préoccupants : dépendance énergétique, déficit commercial croissant, dette extérieure lourde, système éducatif en crise.

A quand, de véritables réponses loin des déclarations d’intention, des promesses irréalisables et des stratégies économiques populistes et réductrices pour un pays au fort potentiel tel que la Tunisie ?

Amel Belhadj Ali

Chiffres clés

  • 5,3 % — Taux d’inflation en juillet 2025, en léger recul.
  • 26 milliards TND — Volume de cash en circulation, en hausse de +15,1 % en un an.
  • –9 413,9 MDT — Déficit commercial tunisien sur les sept premiers mois de 2025.
  • –50,9 % — Chute du prix moyen de la tonne d’huile d’olive exportée en 2025.
  • 7 765 MDT — Montant du service de la dette extérieure au 1er semestre 2025 (+18,4 %).