La montée des prix internationaux des matières premières a généré une augmentation des dépenses de subvention en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Ces pays sont appelés à soutenir leur agriculture locale, notamment la culture des céréales pour ne pas rester à la merci de la volatilité des prix à l’échelle mondiale et rétablir leur souveraineté alimentaire, préconise l’Observatoire tunisien de l’économie dans une note publiée vendredi 28 janvier 2022.

“L’indice FAO des prix des produits alimentaires a atteint, en 2021, son niveau le plus élevé depuis dix ans, malgré une légère baisse en décembre 2021. Selon les données de la FAO, les prix du maïs et du blé ont connu une hausse de 31,3%, en 2021 par rapport à 2020, en raison d’une augmentation de la demande face’ à une contraction de l’offre”.

“Cette augmentation s’est répercutée sur l’indice de l’inflation alimentaire entre les mois de janvier et octobre 2021 dans les trois pays (Tunisie, Algérie, Maroc), passant de 4,9% à 7,6% en Tunisie, de 3,44% à 12,32% en Algérie et de -1% à 4,5% au Maroc”.

“Pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens, le budget de subvention des produits essentiels a augmenté de 41% en Tunisie (selon le budget rectificatif de 2021) et de 20% au Maroc (jusqu’au mois de septembre) par rapport au budget initial de 2021” a relevé l’OTE.

Les trois pays (Tunisie, Algérie, Maroc) envisagent ainsi, “d’augmenter davantage les budgets de subvention des produits essentiels en 2022. En Tunisie, le budget 2022 prévoit une hausse de 71,4% de la subvention des produits essentiels par rapport à 2021. Le gouvernement algérien a, de son côté, alloué 1,3 milliard de dollars de son budget pour 2022 à la subvention des céréales, soit une augmentation de 8% par rapport à 2021. Le Maroc consacrera également 1,8 milliard de dollars du budget 2022 à la subvention des produits essentiels, en progression de 12% par rapport à 2021”.

“Le gouvernement tunisien a annoncé de nouvelles mesures pour rationaliser la subvention des produits essentiels en attendant la mise en place du mécanisme de subvention directe aux catégories vulnérables. Le gouvernement algérien a de son côté adopté, en vertu de l’article 118 de sa Loi de Finances 2022, une nouvelle politique de subvention qui prévoit une subvention monétaire directe aux classes moyenne et vulnérable”.

Il est à noter que l’UGTT, principale organisation ouvrière en Tunisie, plaide également, pour le maintien de la subvention pour la classe moyenne en Tunisie contrairement aux directives du FMI qui appelle à orienter la subvention aux catégories vulnérables uniquement.

Quant au Maroc, le gouvernement a décidé de reporter la révision du système de subvention jusqu’au retour à la stabilité des prix mondiaux et la fin de la pandémie, bien que l’orientation retenue au Maroc consiste, à l’instar de la Tunisie, en la levée progressive de la subvention et la libéralisation des prix conformément aux recommandations du FMI.

L’observatoire a estimé que malgré les différences d’approches économiques entre la Tunisie, l’Algérie et le Maroc, les trois pays ont adopté la subvention des produits essentiels, pour préserver le pouvoir d’achat de leurs citoyens, en subventionnant notamment les hydrocarbures, l’huile, le sucre et le blé qui constitue la matière première principale pour la fabrication du pain, produit alimentaire essentiel en Afrique du nord, premier importateur mondial de céréales.

L’observatoire a, en outre rappelé, que la Tunisie, l’Algérie et le Maroc ont connu des émeutes de pain, respectivement en 1983, 1986,1981, quand le FMI est intervenu dans ces pays à travers ses programmes d’ajustement structurel.

Ces programmes ont favorisé l’agriculture destinée à l’exportation et les produits agricoles compétitifs sur les marchés mondiaux pour aider ces pays à payer leurs dettes, au détriment de la culture des céréales, ce qui a fortement compromis l’autosuffisance alimentaire de ces trois pays, les contraignant à l’importation des céréales et les exposant à la fluctuation des prix internationaux.

L’observatoire a considéré qu’hormis l’Algérie qui se base sur l’exportation des hydrocarbures pour financer son budget, les politiques du FMI ont montré leurs limites en Tunisie et au Maroc qui n’ont pas réussi à maîtriser leurs dettes croissantes, outre leur incapacité à préserver leur souveraineté alimentaire, ce qui les expose à la forte volatilité des prix à l’échelle mondiale. Ce qui est d’ailleurs le cas pour l’Algérie aussi.

L’OTE a ainsi, plaidé pour une nouvelle politique qui rompt avec les directives du FMI et soutient l’agriculture locale, notamment la culture des céréales, condition sine qua non pour ces trois pays, de rétablir leur souveraineté alimentaire et alléger le poids de la subvention des produits essentiels.