Huit ans après le déclenchement de la révolution tunisienne, le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, les indicateurs du développement de la région révèlent qu’elle occupe toujours la dernière position au niveau national dans tous les secteurs, malgré la richesse des ressources et les opportunités d’investissement.

Selon l’activiste de la société civile, Ramzi Slimani, la Tunisie a connu depuis la révolution une grande dynamique politique qui n’a pas été suivie par des mutations qualitatives au niveau social et économique.

“Bien au contraire, le pouvoir d’achat s’est détérioré davantage après la hausse continue des prix et la dévaluation du dinar outre la baisse des réserves en devise, la prolifération de la contrebande et du commerce parallèle…”, a-t-il ajouté.

De son côté, le syndicaliste et membre du conseil municipal de Lassouda, Mahjoub Nessibi, a souligné que “le paysage dans la ville de Sidi Bouzid et dans toutes ses localités, témoigne de l’absence du rôle économique de l’Etat, surtout que depuis sa création en 1974, le gouvernorat n’a jamais figuré dans les plans stratégiques de l’Etat”.

Il a indiqué que “la région de Sidi Bouzid occupe la dernière place au niveau de l’investissement public et privé. Entre 1973 et 1985, la part de la région dans l’investissement, n’a pas dépassé la moitié de la moyenne nationale et entre 2002 et 2010, Sidi Bouzid n’a bénéficié que de 2,8% du total des investissements”.

Nessibi a ajouté que la région occupe aussi, la dernière place au niveau national dans l’accès aux services de santé avec un taux de 27,6%. “La région a été victime des mauvais choix économiques et elle est encore marginalisée”.

“Malgré les difficultés d’accès aux financements pour améliorer le rendement, l’agriculture demeure le principal pourvoyeur d’emplois dans la région (40% de main d’œuvre active)”, déplore-t-il.

Il a, par ailleurs, indiqué que le secteur industriel est aussi, confronté à plusieurs difficultés comme le non aménagement des zones industrielles et la non exploitation des lotissements industriels aménagés et des ressources naturelles et humaines dont dispose la région comme le phosphate, le gypse, le marbre, le ciment et autres.

Pour sa part, le maire de Saïda, Khaled Hakim Mabrouki qui est également homme d’affaires, a appelé les investisseurs à créer des projets à Sidi Bouzid, pour contribuer au développement de la région, faisant remarquer qu’un projet de transformation des amandes et des pistaches lancé au début de l’année en cours a généré 300 emplois directs et indirects dans la région.

Le coordinateur général des organisations des droits de l’Homme à Sidi Bouzid, Moez Salhi, a indiqué que les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis la révolution, ont renforcé l’emploi précaire et n’ont pas amélioré la situation des travailleurs dans le secteur agricole notamment les conditions des femmes ce qui a créé des tensions sociales.

S’agissant des droits civils et politiques, il a estimé que le droit de manifester, le droit syndical, le droit à la grève et le droit de s’exprimer ne cessent de perdre du terrain, indiquant que les arrestations, le contrôle de la liberté d’expression et la répression sont de retour.

Moez Salhi a signalé que plusieurs blogueurs de Menzel Bouzayène et de Regueb sont poursuivis en justice pour diffamation à travers les moyens de communication.

Du côté officiel, le directeur régional de développement, Abdelaziz Rezgui, a souligné que plus de 1,517 milliard de dinars ont été alloués à la région depuis 2011, pour la réalisation de 1.878 projets dont 1216 ont été déjà réalisés moyennant 684 millions de dinars, soit 45,1% du total des investissements et 64,75% du total des projets programmés.

Il a ajouté que 297 projets sont actuellement en cours de réalisation et 130 autres sont à la phase d’appels d’offres tandis que 122 projets sont en cours d’étude, 25 connaissent des difficultés financières, sociales et foncières et 88 n’ont pas encore démarré.

Il a, en outre, reconnu que la région occupe encore la 20ème place dans l’indicateur de développement régional, malgré ses différents atouts comme sa situation géographique, son climat favorable à la production agricole et la richesse de ses ressources naturelles.

Selon lui, la faiblesse des indicateurs de développement est justifiée par l’absence de zones industrielles aménagées, la faiblesse de l’infrastructure et des équipements collectifs et de la contribution du secteur privé au développement outre l’incapacité du tissu économique à couvrir les demandes additionnelles d’emploi notamment parmi les diplômés du supérieur.

Evoquant les grands projets programmés à Sidi Bouzid, dans le cadre du plan de développement de 2016-2020, le responsable a cité le projet intégré de développement des zones montagneuses, l’autoroute de Tunis-Kairouan-Sidi Bouzid-Kasserine-Gafsa, l’exploitation de la mine de phosphate de Meknassi, le raccordement de la ville au réseau du gaz naturel, la réouverture de l’usine de plastique d’El Mezouna, l’aménagement de quelques zones industrielles, la création d’un marché de production à Om Ladham et la transformation de l’hôpital régional en un hôpital universitaire.

Mohamed Lazhar Gammoudi, secrétaire général de l’Union régionale du travail à Sidi Bouzid, a indiqué que la région ne compte qu’une seule usine à Lassouda dont la capacité d’embauche est faible alors que les autres projets sont encore sur papier, citant comme exemple le projet de la mine de Meknassi qui a été annoncé en 2012 et n’a pas encore vu le jour.

Le responsable syndical a mis l’accent sur l’importance de mettre en œuvre la discrimination positive pour attirer les investissements et créer des emplois dans plusieurs régions défavorisées comme Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana et autres.

Par ailleurs, le gouverneur de Sidi Bouzid, Anis Dhifallah a souligné que “la principale problématique de la région, c’est l’existence d’un écart important entre l’investissement public et l’investissement privé qui reste faible et ne dépasse pas les 40%.

En outre, les projets publics sont destinés à l’amélioration des services rendus aux citoyens et n’ont pas une grande capacité d’emploi”.

Selon le gouverneur, la région a bénéficié d’un intérêt particulier de la part du gouvernement, signalant que 5 conseils ministériels lui ont été consacrés. Il a assuré que les projets bloqués étaient 70 en 2017 et ne sont actuellement qu’une dizaine.

Dhifallah s’est dit optimiste, indiquant que d’autres grands projets devront entrer en exploitation dans les plus brefs délais ce qui contribuera à réduire le taux de chômage et à créer une dynamique économique citant comme exemples la cimenterie d’El Mezouna et la mine de phosphate de Meknassi.