Le retour de la croissance fait illusion sur le continent qui reste en mal de développement !

Présentation, lundi 12 mars 2018, au siège régional de la BAD (définitivement établie à Tunis), du rapport régional dit “Perspectives économiques de l’Afrique“ (PEA).

Cette présentation a eu lieu en présence du staff de la banque ainsi que de Zied Ladhari, ministre tunisien du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, ainsi que de certains ambassadeurs des pays contributeurs, notamment la Suisse.

Cette présentation était faite en duplex avec les six pays de la région Afrique du Nord (Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Maroc, Mauritanie, outre la Tunisie). La Banque innove cette fois. Elle a décliné le rapport “Perspectives Economiques de l’Afrique“ en cinq présentations selon les regroupements régionaux, à savoir le Nord, l’Est, l’Ouest, le Centre et la partie australe. Et leur présentation a eu lieu le même jour avec un duplex réalisé en coordination avec le siège d’Abidjan.

Le continent se fait tirer par la croissance mondiale

C’est courant janvier que Dr Célestin Manga a présenté le PEA pour le continent. Le message était que le retour de la croissance est bien acté. On regrette toujours que cela se soit produit sous l’effet du retour de la croissance mondiale. Cela veut dire que le continent n’est toujours pas autopropulsé malgré ses différents gisements de richesse. Le non-dit est que le continent court toujours derrière le développement, un horizon qui s’éloigne toujours.

Mal partie, disait de l’Afrique l’agronome français René Dumont au courant de la décennie 70, plus de quatre décennies plus tard, le continent est toujours en errance économique, sans réelle ambition de puissance, pourtant il en a tous les moyens. Il serait plus juste de dire, “il n’a pas su s’en donner les moyens bien que la nature l’a doté de tous les éléments de son autonomie“. Et même si Mohamed El Azizi, directeur régional de la Banque rappelle que le continent privilégie les “High five“, c’est-à-dire l’énergie, la nourriture, l’industrialisation, l’éducation et la santé, les résultats à ce jour ne sont pas probants.

Nous regrettons qu’il n’existe pas une école de pensée économique et du développement qui soit d’origine strictement africaine. L’Afrique doit revenir aux Africains. C’est peut-être là le véritable challenge. Quand le président Donald Kaberuka avait commandé en 2000 le rapport “Investir en Afrique au XXIème siècle“, il a fait chapeauter le haut panel d’économistes par Pr Joseph Stiglitz -tout puissant, ancien chief economist de la BM qu’il était. Néanmoins, il était totalement étranger à la sphère africaine. Passons.

Afrique du Nord : Une croissance… sans emplois

C’est Diarra-Thioune, économiste régional, qui a fait la présentation. Il a privilégié dans son étude trois composantes: la dynamique continentale, le processus de transformation structurelle -entendez par-là les programmes de réformes-,  enfin la problématique de la sécurité alimentaire. Cette dernière en réalité ne fait que refléter le degré de dépendance alimentaire du continent.

En matière de dynamique continentale, nous déplorons qu’elle ne profite pas à tous. Disons-le tout haut, si l’on veut encourager le commerce intra-africain, trois éléments devront s’ajouter au tableau. En considération de l’expérience européenne, il faut que le Contient s’attèle, vaille que vaille, à imposer une unité de compte africaine de sorte à garantir une stabilité monétaire.

Par ailleurs, qu’est-ce qui empêche de faire émerger un marché de capitaux continental ? A titre d’exemple, Tunis peut abriter une telle structure. Enfin, une Bourse de matières premières continentales se fait de plus en plus impérieuse. L’Afrique n’a plus besoin d’attendre des bouffées d’oxygène qui viendraient de l’étranger, il rythmerait, peut-être pas à 100% mais dans une large mesure la volatilité des cours mondiaux qui déterminent pour l’instant ses marges de manouvre.

Pour ce qui est des processus de réformes structurelles, les seuls pays à avoir une certaine visibilité ce sont l’Egypte et le Maroc et très loin derrière, l’Algérie. Mais comme l’aura fait remarquer Sidi Mohamed Biya, DG de la BMICE (Banque marocaine d’investissement et de commerce extérieur), cela n’encourage en rien le commerce intra régional, lequel prive les pays de la région d’un appoint de près de 2 points de croissance.

Et comme l’aura fait remarque Monia Essaïdi, V/P de la CONECT, on ne voit aucune esquisse d’intégration sectorielle sur la région. On va donc continuer à ramer, chacun de son côté.

Le rapport met bien en évidence les vulnérabilités des pays de la région. Tous dépendent de leurs exportations qui sont, en dehors de l’Egypte, du Maroc et à une moindre mesure la Tunisie, peu diversifiées. Et ceux qui sont diversifiés restent captifs de quelques clients de poids. Donc le sort de leur croissance est couplé à la bonne santé de ce partenaire déterminant qu’est l’UE, pour la Tunisie par exemple.

Par contre, là où le rapport pêche par son euphémisme, c’est quand il fait voir que les pouvoirs locaux s’emploient à assurer les équilibres macroéconomiques alors que les pays vivent sous la tension difficilement tenable des déficits budgétaires et de commerce extérieur. Or, selon notre point de vue, le rapport ne met pas trop en avant la nécessité du basculement vers le digital, la viabilité d’aller vers la décentralisation. Il n’accorde pas trop d’importance à la liberté économique. Les économies continentales et encore plus celles de région Afrique du Nord vivent en situation d’économie de rente. Il convient de les orienter vers plus de concurrence et d’efficacité.

Last but not least, le rapport néglige la part ravageuse de l’informel et la manière dont on peut le ramener vers le système organisé. Deux expériences méritent, de notre point de vue, d’être examinées. Le Maroc a opté pour l’amnistie de change. Et la méthode s’est révélée payante. Le Sénégal a géré la question en lui consacrant un ministère.

A méditer.