“La mauvaise performance de la Tunisie en termes de croissance représente une véritable préoccupation aussi bien, et à juste titre, pour les dirigeants du pays que pour la communauté internationale. La Tunisie est aujourd’hui, non seulement, la victime de l’absence de vision et de stratégies économiques qui se sont étendues sur plus de 10 ans mais du ralentissement de l’économie mondiale qui a enregistré un fléchissement important de la croissance pour la troisième année consécutive”, assure Khalil Labidi, consultant en développement des projets, expert en fiscalité et ancien président de la TIA.

On prévoyait 1,8% de croissance pour l’année 2023, pour ensuite espérer un 0,9% mais dégringoler à 0,4%, il fallait le vivre pour le croire !

Une récession qui n’a pas suscité un grand émoi auprès des médias, qui n’a pas inquiété l’opinion publique ou les milices électroniques très actives pourtant dès qu’il s’agit de campagnes de délation ou de dénigrement touchant les compétences ou les riches (sic) !

Un conseil ministériel présidé par Ahmed Hachani, chef du Gouvernement, a été toutefois tenu vendredi 23 février, et où Feryel Ouerghi Sebai, ministre de l’Économie et du Développement a présenté un projet de loi portant amendement et révision du décret gouvernemental n°2017-389 du 9 mars 2017, relatif aux incitations financières au profit des investissements réalisés dans le cadre de la loi de l’investissement et l’appui à apporter au PME/PMI, bien sûr les société communautaires, aujourd’hui de toutes les sauces, profiteront de toutes les incitations et de tous les encouragements du gouvernement.

“La mauvaise performance de la Tunisie en termes de croissance est une véritable préoccupation.” – Khalil Labidi, expert en économie

Ceci suffira-t-il à créer de la croissance sachant qu’il ne faut pas compter sur l’Europe, elle-même en difficultés pour tirer la croissance vers le haut. La Banque Mondiale prévoit 2,4% de croissance mondiale en 2024. Les économies des pays développés réaliseront seulement 1,2% de croissance dont l’Europe, principal partenaire de la Tunisie. La Banque mondiale qui avait prévu pour la Tunisie une croissance de 1,2% en 2023 prévoit une croissance de 3% pour l’année 2024. Il faut espérer que le chiffre annoncé ne sera pas divisé par 3 comme le fût celui de 2023.

Dans l’attente, quoi de plus évident que de se poser la question suivante ? : Qu’en est-il des mesures prises par le gouvernement tunisien en 2022 ? Mesures que l’ITCEQ a rappelé dans son rapport sur le climat d’affaire publié en octobre 2023. “L’amélioration du climat des affaires fait partie intégrante de l’axe 1 du programme national des réformes baptisé « libéralisation de l’initiative privée et consécration des règles de la concurrence loyale ».

“Il ne faut pas compter sur l’Europe pour tirer la croissance vers le haut.” – Banque Mondiale

Nombre de programmes et d’actions ont été adoptés par le gouvernement depuis 2022 dont 43 mesures d’urgence économique, 23 mesures d’amélioration du climat des affaires, liste de 25 autorisations à supprimer pour l’exercice des activités économiques, mise en place de la plateforme digitale “accès au marché”, feuilles de route sectorielles de l’investissement dont 39 mesures pour la promotion des IDE dans 5 secteurs stratégiques, soit en tout 185 mesures à prendre entre 2023 et 2025”.

Qu’en est-il au niveau de leur application ? Y-a-t-il eu évaluation si réalisés ?

Nous n’en savons rien !!!

Pas de solutions miracle pour créer de la croissance !

Pour avoir de la croissance, il faut créer de la richesse. Pour avoir de la richesse, il faut investir quel que soit l’acteur, public ou privé. Pour investir, il faut un bon climat d’affaires et un État de droit ! La qualité des institutions d’une société est d’importance capitale à un développement réussi et à la croissance économique. C’est une lapalissade !

Dans toute économie, les entreprises réagissent et interagissent à leurs environnements de façon à apporter de la valeur en transformant les intrants en productions qu’elles vendent créant ainsi de la valeur.

“Pour avoir de la croissance, il faut créer de la richesse. Pour avoir de la richesse, il faut investir.” – Khalil Labidi

Pour investir et être compétitives les entreprises ont besoin d’une logistique de qualité, d’infrastructures physiques de haut niveau, d’un système judiciaire équitable, d’un système financier performant, de fiscalité et taxation correctes, d’institutions intègres, d’une stabilité macroéconomique et politique et d’une paix sociale basée sur l’entente entre les partenaires sociaux et l’État.

Où est la Tunisie de tout cela ?

Les intentions d’investissement sont aujourd’hui très faibles même si pour revenir aux conditions encourageantes pour les investisseurs, nous pouvons citer la paix sociale, le retour relatif de l’autorité de l’État en attendant d’atteindre les niveaux espérés s’agissant de l’État de droit seul garant de la sécurité légale pour l’investisseur ou l’opérateur privé.

Pourquoi cette absence de croissance dans un pays qui doit au moins réaliser 4% de croissance pour commencer à créer de l’emploi ?

A qui la faute ? Au gouvernement ou aux investisseurs ?

Pour créer de la croissance, il ne s’agit nullement de réinventer la roue. Le premier moteur de la croissance est l’investissement et pour le booster, il faut travailler sur la législation, travailler sur la simplification des procédures et la modernisation de l’administration et aussi travailler sur l’image de la Tunisie en tant que lieu sûr pour l’investissement pour les locaux dont certains sont en train de partir mais aussi pour les étrangers.

Une image ternie par des politiques économiques peu performantes, un manque de visibilité, une diplomatie économique qui n’a pas été agissante pendant des années et qui essaye de rattraper le temps perdu mais sans disposer de moyens suffisants pour être plus présente et percutante.

“Les réformes au ralenti nuisent aux intérêts économiques du pays.” – Expert en économie

Il faut être proactif et chercher de nouveaux partenariats et de nouveaux investisseurs qui ne sont pas forcément européens. Ils peuvent venir d’Asie ou du Moyen-Orient, estime M. Labidi, mais pour les attirer il faudrait diversifier l’Économie et mettre en avant de nouveaux secteurs, comme les secteurs agroalimentaires, l’agriculture biologique, les énergies renouvelables, la formation, la santé, les produits miniers comme le phosphate et ses dérivés qui n’arrive pas à atteindre son niveau de 2010. Mais il y a aussi les Startups qui suffoquent à cause de la lourdeur administrative et d’une législation de change contraignante d’où l’importance des réformes.

Les réformes au ralenti nuisent aux intérêts économiques du pays

La Tunisie a besoin de réformes pour créer de la croissance et juguler les phénomènes de désinvestissement au moins dans deux secteurs importants : l’agriculture et l’industrie.

Les revers de l’agriculture ont commencé avec le collectivisme aux années soixante qui a eu pour conséquence le recul des terres consacrées aux grandes cultures et qui fait qu’aujourd’hui nos récoltes céréalières sont insignifiantes et de loin moins importantes que celles d’il y a 60 ans. Il faut redonner à l’agriculture ses lettres de noblesse et la repositionner en tant que principal moteur de croissance et de création de richesses.

“Il n’y a pas de souveraineté absolue s’agissant de l’économie.” – Khalil Labidi

L’industrie aussi a subi de sérieux déboires depuis 2011 à cause des troubles sociaux et de la concurrence féroce livrée aux industriels tunisiens par les Turcs, les Chinois et également les firmes européennes appuyés par de grands lobbys politiques en Tunisie. Ceci en l’absence de politiques de réindustrialisation ou de mesures efficientes pour protéger les industriels locaux.

De nouveaux produits financiers doivent aujourd’hui être mis sur le marché pour encourager l’investissement mais aussi, il ne faut pas sous prétexte de souverainisme couper les ponts avec les bailleurs de fonds. “Il n’y a pas de souveraineté absolue s’agissant de l’économie, en revanche, il y a des négociations. Ne fermons pas les portes, mais négocions. Négocions pour disposer des moyens nécessaires pour nos investissements stratégiques et facilitons les choses aux investisseurs nationaux et internationaux ”.

Dans les cours d’économie, on apprend que l’investissement privé est une condition préalable indispensable à la croissance économique parce qu’en tant que dynamo de la machine économique il permet aux entrepreneurs de réunir les ressources nécessaires pour produire des biens et des services et par conséquent créer de la croissance.

Qu’est ce qui bloque l’État tunisien ?