Le classement de la Tunisie sur la “liste noire des pays susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme” n’est pas “surprenante” car les mises en garde à ce sujet n’ont pas été prises en compte, estime l’expert en gestions des risques financiers, Mourad Hattab.

Une réponse tardive…

En effet, dans un entretien accordé à l’agence TAP, Hattab indique que parmi les avertissements énoncés dans le rapport du Groupe d’action financière internationale (GAFI) en 2015, figurent la nécessité pour le pays d’appliquer les normes internationales dans le domaine de la prévention des crimes financiers liés au terrorisme et au blanchiment d’argent de source inconnue et le développement du système fiscal en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

A ce propos, tout en reconnaissant que “la Tunisie a mis en place une législation de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme”, l’expert tunisien regrette que les autorités aient accusé un retard dans l’élaboration et l’application de ses textes, “ce qui a joué un rôle déterminant dans la prise de cette décision, en l’occurrence ledit classement.

Un classement non arbitraire

Il a, également, souligné que ce classement n’est pas arbitraire et que la Tunisie aurait dû l’anticiper, au lieu de parier uniquement sur la diplomatie économique, surtout qu’une occasion de se rattraper lui a été offerte, après la deuxième révision faite par le GAFI, des mesures qu’elle devrait engager.

L’expert fait remarquer que le grand volume des transactions commerciales et financières représentant 75% du PIB a suscité des interrogations auprès des législateurs européens, ce volume n’étant pas en phase avec la dynamique économique dans le pays.

Impact négatif éventuel…

Il estime, en outre, que ce classement pourrait impacter négativement la sortie de la Tunisie sur le marché international, prévue pour mars 2018, et susciter les craintes des bailleurs de fonds, les poussant ainsi à augmenter les primes de risques.

Il rappelle que l’enveloppe à mobiliser à travers cet emprunt s’élève à 2,4 milliards de dinars et sera remboursée sur quatre tranches (entre 5 et 30 ans) avec des taux d’intérêt élevés, variant entre 5, 6 et 7,6%.

Des solutions existent…

Hattab fait remarquer que la situation reste rattrapable, moyennant une révision du système de contrôle des financements et des transactions commerciales, tout en veillant à la conformité aux normes internationales en matière de lutte conte le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Cela requiert, selon l’expert, la mobilisation de grandes compétences, outre le développement de logiciels, la modernisation des systèmes informatiques et la mise en place de systèmes d’alerte précoce visant à assurer le suivi des transactions financières.

Il a, à ce titre, souligné l’importance de vérifier la provenance de l’argent, avant son entrée dans le système financier tunisien.

Le message du Parlement européen… 

Hattab considère également que les mesures gouvernementales entreprises, dernièrement, concernant la révision de la structure de l’autorité monétaire (BCT) ne constituent pas une solution structurelle, étant donné la complexité du système monétaire tunisien et l’absence d’une vision stratégique en la matière.

D’après lui, le Parlement européen essaye, à travers le classement de la Tunisie sur la liste noire, d’envoyer un message implicite sur l’impératif, pour notre pays, d’engager des réformes dans les domaines du système fiscal, de l’exportation, de l’importation, de l’implantation des sociétés off-shore et du respect des règles de concurrence, dans l’objectif de protéger l’économie européenne et de réduire ses transactions avec un nombre de partenaires.

Impact sur le tourisme…

Pour sa part, l’universitaire et ancien ministre des finances, Houcine Dimassi, l’inclusion de la Tunisie sur cette liste aura des répercussions sur l’investissement extérieur, en créant un état de doute chez les investisseurs et aussi sur l’endettement extérieur, puisque le recours à un emprunt coûtera cher à notre trésorerie.

De même, a-t-il ajouté, le tourisme tunisien sera affecté, dans la mesure où l’image de la Tunisie sera fortement impactée par le dossier du terrorisme.

Il propose d’accélérer la mise en place des réformes économiques et sociales globales.

A rappeler que le Parlement européen (PE) a classé, mercredi 7 février, la Tunisie sur la liste noire des pays tiers considérés comme présentant des déficiences stratégiques dans leurs régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.