Souveraineté ! Un terme qui a été vidé de tout son sens lorsque, en 2011, une Troïka opportuniste pour laquelle l’Etat est un butin de guerre  s’est emparée du pouvoir sous couvert d’élections «démocratiques et transparentes». 

Dernier incident en date, celui du président turc Erdogan, réputé pour son arrogance et sa folie des grandeurs. Un président en visite officielle qui devait se réunir avec les présidents des blocs parlementaires à l’ARP mercredi à 14h. «Ce ne fut pas notre cas, explique Abderraouf Cherif, président du Bloc Al Horra à l’ARP. Les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je pensais que la réunion avec le président turc allait avoir lieu à l’ARP, mais j’ai été avisé par M. Mohamed Ennaceur que le lieu de la rencontre a été déplacé au Palais de Carthage. Nous sommes allés sur place et je fus horrifié de voir qu’une salle du Palais présidentiel a été réservée au président turc pour nous accueillir alors qu’il revenait au président de l’ARP d’y veiller. Erdogan était donc l’hôte et Mohamed Ennaceur était l’invité et nous avec. Le protocole turc voulait tout gérer. Je me suis donc retiré, car pour moi il y allait de la souveraineté nationale. J’ai été ensuite rejoint par les députées du parti Afek, Rym Mahjoub et Lilia Ksibi, qui m’ont confirmé ce à quoi je m’attendais : c’est-à-dire que la délégation turque agissait sur place en terrain conquis».

Les invités de la Tunisie ont oublié le fameux principe datant de la Grèce antique et qui stipule que lorsqu’une porte est ouverte, il faut savoir qui passe le premier, sinon c’est la bousculade, et en la matière ils ont oublié à qui ils avaient affaire et qui on devait faire passer en premier dans le respect des règles de politesse, de bienséance et d’hospitalité. Les hôtes tunisiens ont peut-être été plus «gentils» que le laissent entrevoir les us diplomatiques.

Un précédent dans la Tunisie post-indépendance !

Il faut reconnaître que pendant le règne de la troïka, Erdogan agissait en “sultan ottoman“ et s’autorisait absolument tout. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il a voulu siéger à l’ARP non pas en prenant place à côte de Mohamed Nacer mais en prenant carrément sa place!

Au palais de Carthage, certaines sources affirment avoir veillé au respect des règles d’usage en interdisant aux gardes présidentiels turcs d’accéder au Palais munis de leurs armes et de leurs équipements de surveillance et en imposant au protocole turc de respecter la prééminence du président de l’ARP lors de l’accueil des députés tunisiens et des invités turcs. Un sujet de discorde car la délégation «erdoganienne» voulait être la première à occuper la salle de réunion et y prendre place avant même que les élus du peuple tunisien n’y accèdent. Mais quoi de plus normal! C’est d’usage dans tous les pays du monde. Il aurait fallu mettre au pas les chargés de protocole du Turc en leur rappelant qu’ils n’opèrent pas sur leur propre terrain.

Eh oui un casse-tête chinois qui aurait pu être évité si Erdogan avait été auparavant remis à sa place et si lui-même avait montré un peu de curiosité en lisant l’histoire de la Tunisie millénaire, et ce avant même que des Turco-Mongols qui vécurent en guerriers nomades ne fondent leur premier Etat, qui porta le nom de «turc» au VIème siècle après Jésus Christ.

Le plus triste est que de toute l’histoire de la Tunisie postindépendance, il n’y a jamais eu pareil incident ou erreur d’ordre protocolaire qui pouvait mettre à mal la souveraineté nationale. Ce qui s’est passé ces derniers jours est un précédent ! D’autant plus qu’il est d’usage que dans les visites officielles à très haut niveau, tout est organisé et minuté à l’avance.

La visite d’Erdogan n’obéit à aucune règle régissant les visites d’un chef d’Etat étranger dans notre pays. «S’il s’agit d’une visite de travail, elle peut prendre seulement quelques heures. Par contre, une visite officielle s’étale sur un minimum de 48 h. L’aspect sécuritaire et protocolaire est pris en charge de bout en bout par le pays hôte». Celle du président turc a débuté par des anicroches avec les services de sécurité tunisiens qui ont, à raison, assuré à leurs homologues turcs que la sécurité d’Erdogan relève de la responsabilité de l’Etat tunisien et s’est terminée en queue de poisson, ce qui laisse entrevoir un mécontentement de sa part.

Dans le guide des usages, du protocole et des relations publiques, nous pouvons lire ce qui suit : «La diplomatie sert depuis la Renaissance à atténuer les rapports de force dans les relations internationales et à faire accepter les lois et coutumes des pays signataires d’accords bi- ou multilatéraux. Dans ce cadre, le protocole tient un rôle important en faisant régner l’harmonie lors des manifestations officielles et en mettant en exergue la hiérarchie des fonctions et les privilèges auxquels ils ont droit. Le guide cite Jean Serres, qui dans son ouvrage de référence sur la diplomatie, Manuel pratique de protocole indique ceci : «On sait l’attention que les gouvernements apportent à préparer les grandes réunions internationales et dans quelle mesure la pompe qui les accompagne conditionne leurs succès et parfois, si elle est mal observée, entraîne leur échec».

Nous ne pouvons mieux décrire ce qui vient de se passer lors de la malheureuse visite du Président turc en Tunisie.

Ceci nous offre également l’opportunité de rappeler à l’ambassadeur turc que la Tunisie ne rend plus compte de ses faits et geste à la Sublime porte depuis 1590.

Grands temps pour notre pays de remettre les pendules à son heure et de rappeler aux représentants diplomatiques de tous les pays que la Tunisie est indépendante et souveraine et qu’ils ne peuvent aucunement s’y conduire comme s’ils étaient des résidents généraux.

Espérons que l’année 2018 sonnera le glas de 6 années d’hésitations, d’indécisions, de valses de gouvernements, de consensus trompeurs, de mésalliances et d’affaires judiciaires fracassantes pour laisser place à la réédification de la Tunisie et de ses institutions !

Amel Belhadj Ali