Une liste en cache une autre. L’inscription de la Tunisie par les ministres des Finances européens sur la liste des paradis fiscaux a occulté sa présence sur une liste encore moins glorieuse et sur une question où ses défaillances sont tout aussi peu défendables. Il s’agit en l’occurrence de celle des juridictions présentant des déficiences stratégiques dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Concernant la liste des paradis fiscaux, la Tunisie n’a pas totalement raison et l’Union européenne pas totalement tort, estime en substance le think tank présidé par Taoufik Baccar, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) et ministre (Développement économique, puis Finances).

Dans son premier communiqué, le CIPED commence, en effet, par prendre la défense des autorités tunisiennes en estimant que ce classement «est étonnant à plus d’un titre». D’abord, «il ignore les efforts que la Tunisie ne cesse de déployer en vue d’une plus grande transparence dans ses relations internationales notamment avec les pays de l’Union européenne».

Ensuite, «il ne reflète pas les relations privilégiées que la Tunisie entretient avec cet ensemble sur les plans politique et économique, et en particulier depuis la conclusion, en 1995, de l’Accord d’association qui a fait de l’ensemble européen, le partenaire privilégié de la Tunisie».

Sur le fond, le CIPED rappelle que la Tunisie «ne peut être considérée parmi les pays où les sociétés écrans ou les boites aux lettres font légion à l’instar des pays insérés dans la liste des dix-sept», car elle «a déployé des efforts significatifs en vue d’atteindre une plus grande transparence dans les domaines économique et financier».

Le think tank détaille ces «efforts» : signature d’«Accords d’échange de données en matière fiscale et financière, nonobstant ses engagements pris auparavant dans ce domaine avec plusieurs Organisations financières internationales (NSDD, etc.)», aménagement du «dispositif fiscal appliqué aux entreprises off-shore, en les soumettant à une imposition minimale sur les bénéfices et les dividendes» et lancement de «la réforme de son modèle de développement dans le sens du développement des activités à haute valeur ajoutée, de la compétitivité et de la capacité concurrentielle de son économie afin de développer les exportations, sans recours à de fortes incitations fiscales et/ou financières».

En conséquence, le CIPED «appelle les autorités de l’Union européenne à faire tout ce qui est en leurs moyens pour lever au plus vite cette injustice», et «considère que la réunion programmée des ministres des Finances de l’Union européenne prévue le 23 janvier 2018 constitue un cadre propice pour traiter de cette question».

En même temps, le think tank présidé par Taoufik Baccar fait remarquer –en filigrane- aux autorités tunisiennes qu’elles assument une part de responsabilité dans ce qui leur est arrivé et cela en leur rappelant que «le traitement de ces questions relève en premier lieu» d’elles, et qu’elles doivent, de ce fait, «être plus alertes sur ces questions».

Concernant son inscription sur la deuxième liste, celle des «juridictions présentant des déficiences stratégiques dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme», le CIPED est moins tendre avec la Tunisie. Il impute cet «incident» à la «non effectivité des lois posées dans le pays» et à la «faible réactivité de l’Administration, le peu d’intérêt qu’elle accorde au suivi des affaires publiques et l’appréhension qu’elle nourrit dans la prise d’initiative, compte tenu des risques induits par l’article 96 du Code pénal». Et en conclut que «la réhabilitation de l’Administration du pays» passe par «la révision de cet article, véritable épée de Damoclès (…) au-dessus de la tête de la Fonction publique» et «une volonté franche chez les pouvoirs constitués de mettre en application les lois de la République» dont beaucoup ne servent «qu’à garnir les étagères de la bibliothèque juridique nationale» parmi lesquelles, selon le CIPED, la loi de réconciliation administrative.