Médias-Johannesburg : Le Prix du journalisme d’investigation décerné à un Irakien

Le journaliste irakien Asâad Zalzali vient de recevoir, à Johannesburg, le prix “Global Shining Light Award 2017”, lequel honore des enquêtes dans les pays en développement ou en transition et récompense les travaux d’investigation réalisés sous la menace, la contrainte ou dans des conditions désastreuses.

Al-Zalzali de la chaîne de télévision “Beladi TV” en Irak a été récompensé pour son investigation “Projet numéro 1” (2016), qui dévoile l’ampleur de la corruption au sein du ministère irakien de l’Education.

Son enquête, qui a aussi remporté le prix “Samir Kassir” pour la liberté de la presse décerné par l’Union européenne, a conduit à la condamnation du responsable corrompu à 7 ans de prison et un règlement permettant de retourner la moitié de l’argent volé par un entrepreneur des travaux publics irakiens.

Le montant total de l’argent volé est estimé à 200 millions de dollars alloués pour la construction de 20.000 écoles publiques en Irak. “Ce vol n’est pas uniquement un vol d’argent, c’est un vol des rêves de milliers d’enfants irakiens”, déclare Al-Zalzali, lors d’une rencontre, organisée dimanche à Wist University, en marge de la conférence GIJC et consacrée à la présentation des enquêtes lauréates du prix et de leurs impacts dans les pays concernés.

Le prix a été aussi décerné à l’enquête “Making a Killing”, Balkan Investigative Reporting Network et le Projet de reportage sur la criminalité organisée et la corruption (2016), réalisée par un groupe de reporters de plusieurs pays.

Cette enquête conjointe a dévoilé un oléoduc entre l’Europe centrale et orientale et le Moyen-Orient pour 1,2 milliard d’euros. Le flux d’armes, ont constaté les journalistes, était financé par l’Arabie saoudite, la Jordanie, les EAU et la Turquie, et systématiquement détourné vers des groupes extrémistes, y compris l’Etat islamique.

Après la publication de l’article, l’Union européenne a annoncé qu’elle surveillerait le flux d’armes et plusieurs pays ont révisé leurs politiques.

Douze finalistes ont été candidats à ce prix parrainé par le Global Investigative Journalism Network (GIJN), une association de 155 organisations à but non lucratif active dans 68 pays.

Un jury international a sélectionné les finalistes de 211 projets présentés par des journalistes dans 67 pays. Toutes les histoires ont été publiées ou diffusées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2016.

Un autre lauréat ex aequo du prix, Emmanuel Mayah de Premium Times, une organisation médiatique nigériane basée à Abuja avec une vision pour aider à renforcer la démocratie nigériane, pour une enquête sur les “massacres massifs dans le sud-est du Nigeria”.

A la suite de cette enquête, des groupes de défense des droits de l’homme ont réclamé une enquête indépendante et l’armée a annoncé une autre enquête.

L’enquête “Justice”, de Tiger Eye PI, Ghana (2015), diffusée sur Al Jazeera English (2017), Insight TWI a été aussi finaliste. Il s’agit d’une enquête d’infiltration réalisée par un groupe de journalistes durant deux ans, a permis de constater que 34 juges et plus de 100 employés acceptaient des pots-de-vin pour statuer d’une certaine manière devant les tribunaux.

Après la publication d’un documentaire de trois heures et la publication de rapports de journaux, 25 juges ont été démis de leurs fonctions et un certain nombre de membres du personnel judiciaire ont été relevés de leurs fonctions.

Une autre enquête du monde arabe “Mort en service”, celle du journaliste Mostafa El Marsafaoui, a été aussi parmi les investigations retenues pour le prix. Cette enquête sur 13 morts de conscrits militaires a révélé des abus et, dans certains cas, des allégations de meurtre. Les autorités égyptiennes ont travaillé à dissimuler les preuves selon l’enquête.

Le journaliste El Marsafaoui, qui fait partie du réseau arabe de journalistes d’investigation “ARIJ”, a été accusé d’atteinte à la sécurité et à la stabilité en Egypte et contraint de démissionner de son poste.

L’investigation “Making a Killing”, coréalisée en 2016 par le réseau “Balkan Investigative Reporting Network” et l’”OCCRP” Projet de reportage sur la criminalité organisée et la corruption (2016), a reçu, pour sa part, un certificat d’excellence.

L’enquête d’un large groupe de reporters a dévoilé les canaux illicites de commerce d’armes entre l’Europe centrale et orientale et le Moyen-Orient pour 1,2 milliard d’euros.

Les journalistes ont constaté que le flux d’armes était financé par des pays du Moyen Orient et systématiquement détourné vers des groupes extrémistes, y compris l’Etat islamique. Après la publication de l’article, l’Union européenne a annoncé qu’elle surveillerait le flux d’armes et plusieurs pays ont révisé leurs politiques.

Les autres enquêtes retenues sont aussi “Corruption et crime organisé”, du Centre de journalisme d’investigation de Serbie, “Dirty Gold: Chasing the Trace du London Bullion Market”, Ojo P?blico , Pérou (2015), “Terre Sauvage: Violence, Dévastation et Mort au Coeur du Brésil”, O Estado de S. Paulo , Brésil (2016), “Série Anbang”, Southern Weekly, de la Chine (2015) et l’enquête” Les gangs de la jungle de Jharkhand”, Hindustan Times, de l’Inde (2016), “Gujarat Files: Anatomie d’une dissimulation”, publié en Inde en 2016 par Rana Ayyub.

Le ” Projet Khadija” , un projet de reportage sur la criminalité organisée et la corruption en collaboration avec de nombreux médias internationaux (2015) a aussi été parmi les enquêtes finalistes.

Il s’agit d’un travail transfrontalier d’une douzaine de médias qui ont passé une année à poursuivre le travail de la journaliste d’investigation azérie, Khadija Ismayilova, arrêtée et emprisonnée en Azerbaïdjan.

Les enquêtes ont ouvert la voie à la révélation de la kleptocratie et de la corruption dans le pays, profitant en grande partie à la famille Aliyev au pouvoir. Après une série d’histoires impliquant des individus et des entreprises à la fois en Azerbaïdjan et à l’étranger, Ismayilova a été libérée de prison.

Les résultats ont été annoncés, lors d’une cérémonie organisée, au terme des travaux de la Conférence internationale sur le journalisme d’investigation (GIJC 2017) qui s’est tenue, du 16 au 19 novembre à Johannesburg en Afrique du Sud.