Tunisie – Economie : Le Partenariat public/privé, un outil supplémentaire de commande publique

partenariat-prive-680.jpgC’est le business entre le public et le privé, à un haut niveau. Il permet de desserrer la contrainte du financement public du fait du creusement des déficits. Le cadre tunisien du PPP est bien packagé au regard du standard international et des bonnes pratiques. Il va attirer des investisseurs internationaux chez nous, de toute évidence. Servira-t-il aux opérateurs locaux à se faire les dents sur le PPP pour pouvoir rebondir à l’international? Dans cette perspective, on aurait fait un usage utile de cette loi.

Le PPP est un cadre opportun en temps de disette budgétaire et de saturation de l’endettement public. La personne publique, Etat ou collectivité, sans bourse délier, peut bénéficier de l’expertise du privé et de son financement pour réaliser des programmes de développement, sans plomber les finances publiques. Le PPP est devenu un critère d’émancipation du management étatique. Et c’est un puissant élément d’attractivité des investisseurs internationaux. Et la participation de FCM à l’organisation du colloque dédié au PPP en partenariat avec la CTFCI met bien cet aspect en relief. C’est bien ce qu’ont rappelé, en chœur, Foued Lakhoua, président de la CTFCI, et Samah Ben Dhia, déléguée générale adjointe de FCM, lors de leur séminaire conjoint du 11 février dernier à Tunis.

La question est de savoir comment activer ce cadre juridique nouveau.

Un outil supplémentaire de commande publique

La loi sur le PPP est promulguée et les décrets d’application sont attendus au plus tard pour le mois de juin 2016. C’est un outil supplémentaire qui vient enrichir l’arsenal de la commande publique, en plus de la concession (aéroport d’Enfidha) et des marchés publics.

On est le quatrième pays, après le Maroc, l’Algérie et le Liban, à l’avoir adopté sur la rive Sud. Indépendamment de ses apports et limites, c’est devenu un Must have. Le PPP permet de répondre à l’appétit d’équipements et d’infrastructure de développement dans un pays donné en enjambant les contraintes budgétaires. La Tunisie est bien dans ce cas de figure. C’est une tendance internationale. On voit que la vague de PPP lève de partout. Les chiffres sont là pour le prouver.

En effet, l’enveloppe mondiale du PPP en 2012 était de 86 milliards de dollars de dollars américains. Elle représente 5% du marché mondial de la construction. Cette enveloppe est ainsi répartie: 22 milliards d’euros pour l’Europe. Et autant pour l’Amérique Latine avec 22 milliards de dollars aussi. Et l’Asie, dernière à rejoindre la course, fait une belle percée avec 28 milliards de dollars dont 10 pour la seule Turquie.

Le cadre tunisien du PPP est bien packagé

Atef Majdoub, DG de l’Unité de suivi des concessions à la présidence du gouvernement, s’est appliqué à démontrer que le PPP tunisien est bien packagé. Et qu’il répond au cadre de recherche opérationnelle dans la perspective précise d’une maximisation sous contrainte.

La loi tunisienne s’est inspirée de la loi britannique dite “Private Finance Initiative“. Mais également de la loi française de 2004 et de son avenant de 2014. Et de la loi marocaine de janvier 2015. De même que des recommandations de l’OCDE et de la BERD, Eric Cartier Million, du Cabinet Gide Loyrette Nouel, viendra conforter les propos de Atef Mejdoub, ajoutant que la loi tunisienne optimise la grille de partage du risque entre public et privé.

Baisser le coût du financement

Me Cartier Million affirme que le régime juridique tunisien garantit une bancabilité commode pour les initiateurs du contrat de PPP. Il cite la possibilité de création d’une société mixte entre la personne publique et le partenaire privé. Avec une participation symbolique publique qui garantit la transparence. Outre que les fonds propres engagés par le partenaire privé apportent une sécurité matérielle au projet.

D’autre part, la clause de “Step-in“ autorise le partenaire privé à hypothéquer les actifs sous-jacents au projet, en garantie du financement. La grille de partage du risque est ainsi étudiée de sorte que les financements sollicités sont octroyés au regard de la personne publique. C’est elle qui assurera l’exploitation et paiera, irrévocablement, les redevances, durant la durée convenue avec le partenaire privé sans pouvoir invoquer l’opposabilité de l’exception. Cela permet de baisser les taux d’intérêt et, par conséquent, le coût du financement.

L’expérience internationale

Les 3P sont dans l’air du temps et même la Convention européenne de 2005 leur fait la part belle. Même si la GB est le berceau du Private Finance Initiative, c’est la France qui, depuis 2004, a accompli des pas énormes en la matière, pour cause de gêne dans ses finances publiques.

Il faut rappeler que le champ du PPP est très étendu. Cela va de l’espace de spectacles (la Maison de la musique près de Paris) jusqu’au bâtiment officiel (le Pentagone, le futur quartier général des états majors de l’armée française) jusqu’aux stades foot (cas du stade Vélodrome exploité par l’Olympique de Marseille).

Autre nouveauté française, les projets peuvent donner à des facilités d’exploitation des parkings, des restaurants attenants aux projets, par le partenaire privé. Ces revenus d’exploitation viendraient en déduction des redevances à payer par la personne publique.

La pirouette du business

La nouvelle loi va pouvoir débloquer bien des projets publics en attente d’exécution. Il reste que si l’entrée en application de la loi est imminente, les délais d’exécution des projets sont assez longs, en général. Said Mazigh, PDG de Carthage Power Company, le partenaire de droit américain qui a réalisé pour ordre de la STEG la centrale de Radès, a rappelé qu’il a fallu six années pleines entre l’appel d’offres et la mise en exploitation de l’unité. Cependant, autant on est paré sur le plan juridique, autant le répondant de financement ne s’est pas encore profilé.

Les investisseurs les plus intéressés, ont répété les experts français, sont les investisseurs institutionnels. A titre d’exemple, AXA et ALLIANZ sont très actifs en France. Il faut savoir que les TRI des projets en PPP sont faibles et n’intéressent que trop peu les banques commerciales. Cela conforte l’idée que les investisseurs internationaux ne manqueront pas de se manifester. Mais il ne faudra pas leur abandonner la totalité du gâteau.

La BAD et dernièrement la BEI proposent des financements de PPP et peuvent beaucoup apporter à la Tunisie. Le tour de force ne serait-il pas de faire en sorte que ce nouveau cadre serve aux opérateurs nationaux à se roder sur pour se faire les dents sur ce genre de projets? Cela pourrait aiguiser leur appétit à aller s’y frotter à l’international. Cela peut commencer par les pays du voisinage. Ce serait une façon pratique et réaliste de renforcer l’intégration régionale. Une piste à ne pas négliger.