La BCE de moins en moins encline à la patience envers la Grèce

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à Bruxelles (Photo : EMMANUEL DUNAND)

[12/05/2015 09:32:37] Berlin (AFP) La BCE, qui tient plusieurs rôles dans la crise grecque dont celui de bouée de sauvetage des banques, apparaît de moins en moins bien disposée envers Athènes, avec qui les négociations sur les réformes s’éternisent.

Lundi, les ministres des Finances réunis à Bruxelles ont certes constaté “des progrès” dans les discussions; mais “est-ce-que cela suffira à la BCE? Je ne sais pas, elle fait les choses à sa manière”, a commenté pour l’AFP après la réunion une source européenne, sous couvert d’anonymat.

Lassés d’attendre, les banquiers centraux pourraient durcir dès cette semaine les conditions auxquelles les banques grecques s’approvisionnent en liquidités. Un tel pas est “imminent”, estiment les analystes de Commerzbank.

Les banques hellènes sont maintenues en vie par des prêts d’urgence accordés par la Banque de Grèce, baptisés ELA (pour Emergency Liquidity Assistance). Ils sont leur principale source de financement depuis que la BCE a fermé un autre robinet de liquidités début février, qu’elle ne rétablira que lorsqu’elle jugera suffisants les efforts de réformes d’Athènes.

Le conseil des gouverneurs renouvelle toutes les semaines le mécanisme ELA et en fixe le plafond. Il a relevé cette limite par paliers, à maintenant 78,9 milliards d’euros, par souci de ne pas précipiter le système bancaire du pays dans la crise.

– “pas indéfiniment’ –

Jusqu’ici les marchés ont vécu avec “la certitude que la BCE interviendra dans tous les cas de figure pour éviter une dégradation majeure de la situation”, relevait récemment Christopher Dembik, économiste de Saxo Banque à Paris.

La BCE a tout de même demandé aux banques grecques d’arrêter d’acheter les bons grecs du Trésor. Son statut interdit à l’institution monétaire d’être le banquier de l’Etat grec. Les banques n’achètent plus de bons du Trésor que dans les quantités qu’elles remboursent, un mécanisme appelé “roll-over” qui fait qu’elles ne prêtent pas d’argent frais à Athènes.

Mais même cela indispose les gouverneurs. “Cela ne peut continuer indéfiniment”, a prévenu dès la semaine dernière le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Son confrère allemand Jens Weidmann est sceptique sur l’utilisation d’ELA depuis le début.

La BCE est d’autant plus en porte-à-faux qu’elle abrite depuis l’an dernier le superviseur bancaire européen, et ne veut pas risquer d’être accusée de maintenir en vie artificiellement les banques hellènes.

Pour restreindre ELA, la BCE peut choisir d’être plus sourcilleuse sur les garanties que les banques grecques apportent pour obtenir les prêts.

Ces “collatéraux”, nom techniques de ces garanties, sont des actifs que les banques ont en portefeuille, des titres de dette par exemple. La Banque de Grèce pourrait leur appliquer une importante décote. Un actif valant 100 dans les comptes d’une banque grecque ne vaudra plus que par exemple 50 aux yeux de la banque centrale, et ne pourrait donc servir de garantie que pour un prêt de 50.

– “asphyxie financière” –

La BCE, dont les équipes font aussi partie des institutions qui négocient sur le programme d’aide à la Grèce (l’ex-Troïka), augmenterait ainsi sérieusement la pression sur le gouvernement d’Alexis Tsipras. Ce dernier lui reproche déjà de pratiquer “l’asphyxie économique” de son pays.

Athènes ne veut pas croire en une décote sur les garanties d’ELA, a déclaré lundi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis. “Nous voulons au contraire croire au scénario positif d’un assouplissement (…), par exemple par la hausse du plafond d’émissions des bons du Trésor”.

Ces bons du Trésor sont pour l’instant la source de financement principale du gouvernement qui les écoule auprès des banques. Mais la BCE et les autres institutions ne sont pas prêtes à faire sauter un plafond qui en limite le montant.

“Pour prendre des décisions qui facilitent la vie”, la BCE doit avoir “un cadre politique”, a déclaré lundi, avant la réunion de l’Eurogroupe, le ministre français des Finances Michel Sapin, en soutien de l’institution.

D’autant que la BCE est aussi créancière de la Grèce: elle détient quelque 27 milliards d’euros de dette grecque, et peut à ce titre prétendre à de copieux remboursements d’Athènes, pas moins de 6,7 milliards d’euros cet été. Sans déblocage d’argent frais de ses partenaires d’ici là, le gouvernement grec aura beaucoup de mal à honorer ce paiement.