Les groupes français de maisons de retraite s’exportent vers la Chine

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Une maison de retraite en Chine (Photo : Frederic J. Brown)

[07/06/2014 10:00:02] Antibes (AFP) La Chine, nouvel eldorado pour les spécialistes français des maisons de retraite? Des entreprises comme Colisée, Orpea et DomusVi tentent de s’implanter sur ce marché au potentiel gigantesque, mais doivent s’armer de patience et d’humilité vu le fossé culturel à combler.

L’expansion en Chine est une solution logique pour des groupes qui peuvent se sentir à l’étroit en France, explique Pascal Brunelet, directeur général délégué du groupe Colisée, qui participait au 14e congrès du syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), organisé à Antibes jeudi et vendredi.

“Compte tenu de la réglementation dans le monde des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad), il faut soit aller chercher des relais de croissance sur d’autres marchés en France, en développant de nouveaux services, soit se tourner vers l’international”, dit-il.

Malgré sa petite taille (3.000 lits pour 54 établissements en France), Colisée s’est lancé dans l’aventure chinoise il y a 8 ans, en créant la filiale China Colisée Beijing, basée à Pékin. L’objectif: créer 50 maisons de retraite médicalisées dans l’Empire du Milieu d’ici 5 ans.

Mais en Chine, “patience et humilité sont les maître-mots”, prévient M. Brunelet. En juin, le groupe bordelais “va déposer les statuts d’une joint-venture avec un partenaire chinois et un permis de construire devrait être accordé en septembre, pour l’ouverture du premier établissement de 200 lits à Canton à la fin 2015”, précise-t-il.

A l’instar de Colisée, Orpea a signé fin mars “un protocole avec la société d’aménagement publique de la ville de Nanjing et l’hôpital Gulou en Chine, pour le développement d’une maison de retraite médicalisée de 180 lits”.

Parallèlement, DomusVi (numéro trois du secteur en France) a signé un accord de partenariat avec Hanfor, un fonds d’investissement chinois, créant la société Duomei, afin de gérer en Chine 100 maisons de retraite et 20 agences d’aide à domicile d’ici cinq ans.

Orpea pourrait cependant disposer du premier établissement opérationnel en Chine, avec une ouverture prévue “au premier semestre 2015”, selon Jean-Claude Brdenk, directeur général délégué du groupe, numéro 2 du secteur.

A horizon 2025, la Chine comptera 400 millions d’habitants de plus de 60 ans, contre 180 millions en 2010, dans un contexte d’urbanisation croissante. Et après deux générations successives d’enfants uniques, la charge des parents et grands-parents peut vite devenir ingérable, malgré la forte piété filiale ancrée dans la culture locale.

– Changement stratégique profond –

“La Chine est confrontée à un problème de vieillissement de sa population qui n’a pas été anticipé. Ils se sont tournés vers la France, qui a une bonne réputation en matière de prise en charge des personnes âgées et où la logique de partenariat public-privé fonctionne”, affirme Jean-François Vitoux, président de DomusVi.

Mais “on ne transpose pas ce qu’on sait faire à l’identique, on répond à un besoin d’accompagnement de la grande dépendance, que les chinois découvre et face à laquelle ils sont démunis”, souligne le dirigeant de Colisée.

La Chine compte 3 millions de lits dans les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad), un chiffre à multiplier par trois, à 9 millions, selon les objectifs du 12e plan quinquennal (2011-2015).

Pour Pascal Brunelet, “C’est le moment d’aller en Chine, où le marché est colossal”. Il concède que “c’est un risque financier énorme mais si les groupes ont les reins solides, le risque reste minimum au regard des besoins”, estime-t-il.

Yann Coléou, directeur général de Korian-Medica, leader du secteur, se dit lui “prudent”. “Je ne dis pas que je n’irai pas mais ce n’est pas d’actualité. Ce ne sont pas les mêmes codes, c’est un changement stratégique profond et je connais la pénibilité pour monter un euro de bénéfice”, dit-il.

Même son de cloche pour Jean-Paul Siret, président du Noble Age (4e du secteur). “Si on n’a pas la taille suffisante avec les ressources humaines et financières pour faire une véritable implantation, on n’a aucune chance de réussite en Chine”, affirme-t-il.

“Il y a de la place pour l’ensemble des groupes mais il faut éviter d’arriver dispersés et faire face à la demande de façon cohérente”, rappelle Christophe Troyaux, responsable du pôle soutien aux filières industrielles au ministère des Affaires étrangères et du Développement international.