Diplomatie : Trois questions à Laura Baeza, ambassadeur de l’UE en Tunisie

Par : Autres

 

Le renforcement de la gouvernance et de la société civile et l’appui au développement socio-économique sont les principales priorités de la coopération entre l’UE et la Tunisie.

Dans les années à venir, la coopération entre l’Union Européenne et la Tunisie visera à appuyer les réformes socio-économiques, à assurer un développement plus équilibré du territoire, à renforcer la gouvernance, mais aussi la société civile, a affirmé l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, Laura Baeza, dans un entretien avec le Centre d’information pour le Voisinage européen.

Cet entretien fait partie de la série “Trois questions à l’ambassadeur“, produite par le Centre d’information.

Voici le texte intégral de l’interview.

laura-baeza-01.jpg1. Quels sont les trois domaines de coopération prioritaires dans votre pays au cours de la période 2014-2020?

En Tunisie, la période de programmation sera scindée en deux phases: 2014-2015 et 2016-2020. Ceci nous permettra d’ajuster notre coopération avec les priorités qui seront décidées par le gouvernement qui sortira des urnes à l’automne 2014.

En 2014-2015, notre coopération visera à appuyer les réformes socio-économiques, à assurer un développement plus équilibré du territoire, à renforcer la gouvernance mais aussi la société civile.

2. L’Instrument européen de voisinage (IEV) rendra le financement plus rapide et plus souple, permettant de meilleures mesures d’incitation pour les opérateurs. Qu’est-ce que cela signifie pour votre pays?

Au lendemain de la Révolution de janvier 2011, l’Union européenne a pratiquement doublé son aide à la Tunisie, soit 150 millions d’euros par an. Elle a été le premier bénéficiaire de l’instrument SPRING, créé en réponse au Printemps Arabe, pour encourager les pays à s’engager le plus rapidement sur la voie de la transition démocratique. Outre ces dons, d’autres soutiens ont été accordés sous formes de prêts par la Banque européenne d’investissement, pour un montant de 300 millions d’euros par an. A cela viendra s’ajouter une aide macro-financière de 300 millions d’euros qui sera accordée par l’Union européenne à la fin du printemps prochain.

Pour donner un ordre de grandeur, ces aides cumulant dons et prêts représentent environ un tiers du déficit budgétaire de l’état tunisien. C’est tout à fait considérable pour une aide extérieure accordée à un pays à revenu intermédiaire comme la Tunisie. Il est donc crucial de soutenir la Tunisie avec un mécanisme de financement plus rapide et plus souple. Il est également important d’avoir des mesures d’incitations en place afin que le pays poursuive sa route sur la voie des réformes politiques, économiques et sociales.

Beaucoup d’efforts ont déjà été réalisés par la Tunisie, comme par exemple l’adoption de la nouvelle Constitution le 27 janvier 2014. Nul doute que d’autres suivront.

3. Si vous ne deviez citer que trois exemples concrets de coopération réussie dans votre pays, lesquels seraient-ils?

Incontestablement, je citerai l’appui à la société civile ! Avant la Révolution, la délégation était naturellement en dialogue constant avec les organisations de défense des droits de l’Homme. Mais nous n’étions pas en mesure d’apporter un soutien financier à ces organisations compte tenu des restrictions mises en place sous le régime du Président Ben Ali. Après la Révolution, tout a changé! Nous avons aujourd’hui 54 projets en cours, soit un montant de 16 millions d’euros. A cela s’ajoute un projet spécifique de 7 millions d’euros destiné à rapprocher la société civile et les acteurs publics dans toute la Tunisie grâce aux six bureaux régionaux qui ont été mis en place.

Ce programme d’appui à la société civile (PASC) est unique dans la région, il marque aussi une évolution importante dans la nature de nos échanges avec la Tunisie et sa société civile. Aujourd’hui et après beaucoup d’efforts, le PASC est un bel exemple de partenariat, reposant sur une architecture institutionnelle originale, qui réunit à égalité les institutions de l’Etat, la société civile tunisienne et l’Union européenne, dans sa qualité de partenaire technique et financier.

Ainsi, à travers les bureaux de terrain du PASC, les organisations de la société civile tunisienne et les acteurs publics seront non seulement renforcés dans leurs capacités, mais surtout accompagnés dans l’identification des enjeux et besoins de leurs régions, ainsi que dans la recherche et définition de stratégies et actions communes pour y faire face. Avec l’inscription du principe de décentralisation dans la nouvelle Constitution, cette initiative est d’autant plus utile.

Toujours en matière de gouvernance, l’Union européenne a également accompagné les autorités tunisiennes dans l’organisation des premières élections démocratiques de son histoire à l’automne 2011. Ce soutien s’est poursuivi avec un appui à l’Assemblée nationale constituante, dont les travaux viennent d’aboutir après plus de deux ans de discussions. Une nouvelle fois, la Tunisie a montré sa détermination à s’engager sur la voie de la démocratie, des libertés fondamentales, et de l’égalité de tous ses citoyens garanties à présent par la loi fondamentale. L’Union européenne est naturellement prête à mettre tout son savoir-faire à la disposition de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) lors des prochains rendez-vous électoraux.

Un autre succès majeur de notre coopération est l’appui à la microfinance. Le cadre règlementaire tunisien a été mis en place grâce à notre soutien. Cette étape franchie, nous aidons désormais les nouveaux acteurs à développer le microcrédit, ce qui permettra de créer des milliers d’emplois dans les régions les plus défavorisées. C’est particulièrement important dans le contexte économique que traverse actuellement la Tunisie.

D’autres programmes sont là également pour favoriser une croissance inclusive. Je pense notamment à la rénovation des quartiers populaires. La Tunisie compte environ 1400 quartiers populaires dans ses villes. Ils ont émergé de manière spontanée, principalement autour des grandes villes du littoral. Ces quartiers abritent souvent des familles originaires des régions de l’intérieur du pays, venues chercher un emploi dans les grands centres urbains. Ce phénomène est une conséquence directe des disparités sociales et économiques existantes entre la côte et l’intérieur du pays.

La contribution de l’UE au financement du Programme Prioritaire d’Intégration des Quartiers Populaires en Tunisie permet à l’Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine (ARRU), agence sous la tutelle du ministère de l’Equipement, de l’Aménagement du territoire et du Développement durable en Tunisie, de construire des routes et de mettre en place les réseaux d’assainissement et d’éclairage dans 119 quartiers. Ce sont 700.000 habitants dont les conditions de vie seront améliorées!

Ce programme permet également de créer des espaces dédiés à des activités économiques génératrices de revenus, ainsi que des espaces socioculturels et sportifs au profit notamment des jeunes.

Autre originalité de ce programme, une partie des personnes employées sur les chantiers de rénovation habitent dans ces quartiers. C’est là encore, une façon d’agir très concrètement sur l’intégration de centaines de personnes sur le marché du travail.