Soja brésilien : les dessous de la moisson miraculeuse

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à Toledo au Brésil, le 13 mai 2003 (Photo : Nani Gois)

[18/02/2014 08:15:24] Sinop (Brésil) (AFP) Dans un nuage de poussière six moissonneuses-batteuses dévorent le champ, côte à côte. Les grains dorés qui s’entassent dans les remorques promettent une nouvelle année record pour le soja brésilien, cultivé à grands renforts de soleil, de pluie et de chimie.

“J’engrange 55 à 60 sacs (de 60kg) par hectare. Pour un début de récolte c’est une productivité historique”, se réjouit Antonio Galvan, vice-président du syndicat agricole de Sinop (est), confortablement installé dans son engin climatisé guidé par GPS.

Le pays-continent rêve d’engranger 90 millions de tonnes de l’oléo-protéagineux cette année et de détrôner les Etats-Unis, premier producteur mondial.

“Le principal facteur est le climat : dans l’état du Mato Grosso il a plu au bon moment et le soleil a été abondant”, affirme ce propriétaire de 2.500 hectares. “Cela peut se gâter mais pour l’instant nous sommes en lune de miel!”.

Ailleurs, la sécheresse ou les attaques de chenilles compromettent une partie de la récolte.

– Autant que le Burkina Faso tout entier –

Le deuxième secret du soja brésilien tient à l’immensité des champs. Les haricots, tapis sous une épaisse couche de feuilles, occupent 290.000 km2, la superficie du Burkina Faso.

“Le soja a un impact indirect sur l’Amazonie”, rappelle d’ailleurs Marcio Astrini, de Greenpeace. “Il s’installe souvent à la place des zones d’élevage, qui migrent elles-mêmes vers la forêt amazonienne”.

Les parcelles accueillent parfois deux récoltes au cours de la même année, comme chez Antonio Galvan, où les disques tranchants d’un semoir creusent un sillon dans la terre rougeâtre.

“Une seule pluie peut faire la différence, donc on sème le jour même de la récolte” explique-t-il en déterrant un grain de maïs violet et luisant: “Il est enrobé de produit chimique, il aura terminé de pousser d’ici quatre mois”.

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à Pato Branco au Brésil, le 16 septembre 2004 (Photo : Str)

Cette “petite récolte”, de maïs ou de coton, est courante dans la région. Mais dans certains champs tout juste moissonnés, les feuilles de soja font déjà leur retour.

“Le maïs se vend peu cher, les collègues sont tentés de replanter du soja sur du soja. Mais ça risque d’entraîner des maladies et d’appauvrir les sols”, note Galvan. L’an dernier 80 à 100.000 hectares du Mato Grosso ont reçu deux semis successifs de soja, selon l’Aprosoja, association représentative du secteur.

La productivité brésilienne carbure également aux phytosanitaires. Le pays-continent, cinquième puissance agricole de la planète, en est le premier consommateur: 852 millions de litres de pesticides et 6,7 millions de tonnes d’engrais en 2011, d’après le Syndicat de l’industrie de protection végétale.

“Le sol est pauvre, il faut ajouter azote, phosphore et potassium pour construire la fertilité”, affirme Silveisio de Oliveira, producteur dans la commune voisine de Tapurah.

Comme 89% du soja brésilien, les variétés qu’il cultive sont génétiquement modifiées. “Opter pour les OGM diminue les dépenses en phytosanitaires et évite des pertes. La variété Intacta de Monsanto, par exemple, résiste aux attaques de chenilles”, explique-t-il. Il estime que ces nuisibles ont grignoté 10% de son bénéfice cette année.

– Les revers des OGM –

Mais le recours intensif aux OGM a ses revers. Par exemple lorsque du maïs de la “petite récolte” repousse parmi le soja l’année suivante.

“Quand le producteur applique du glyphosate – un herbicide – il élimine les mauvaises herbes mais pas le soja ni le maïs de repousse, puisqu’ils sont tous les deux RR” (transgéniques Roundup Ready, c’est-à-dire résistants à l’herbicide glyphosate), indiquait en janvier Nery Ribas, responsable technique d’Aprosoja Mato Grosso.

Or, la présence de deux à quatre pieds de maïs au mètre carré de soja peut diminuer le rendement de l’oléo-protéagineux jusqu’à 50%, selon l’institut agronomique Embrapa Soja.

Le Brésil devrait exporter 44 millions de tonnes de la petite graine jaune en 2013-2014, en majorité vers la Chine, estime le département américain de l’agriculture.