Le sondage d’opinion existe-t-il vraiment en Tunisie?


sondage_tunisie-27042013.jpgLes
sondeurs d’opinion ne sont pas toujours, en Tunisie, des instituts dédiés à
cette pratique professionnelle. Constat réalisé dans une récente table-ronde sur
les
sondages
d’opinion dans le champ politique de notre pays. D’où des doutes
sur la crédibilité des résultats obtenus.

Qu’elle est la place occupée par les sondages dans le champ politique tunisien?
La question a dominé les débats de la table-ronde sur le thème «La communication
politique vue par les professionnels», qui a clôturé le colloque international
sur «La communication politique dans le monde arabe et en Afrique: approches et
mécanismes en œuvre», organisé à Tunis, les 25 et 26 avril 2013, par l’Institut
de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI) de Tunis avec la collaboration
de la fondation Konrad Adenauer.

La thématique avait de quoi intéresser un parterre fait d’enseignants, de
chercheurs, d’étudiants et de journalistes. Dans la mesure où la Tunisie a vu
fleurir, depuis l’engagement des périodes de transition, en janvier 2011, un
ensemble de sondages qui mesurent le vécu politique dans le pays : les Tunisiens
sont satisfaits ou non du gouvernement? Ils ont l’intention de voter pour tel
parti ou tel autre?

Mais peut-on parler de sondage? Il ne semble pas que l’on soit toujours face à
un exercice de ce type. «Nous n’avons pas d’instituts de sondage, mais plutôt
des bureaux d’études», assure Hichem Guerfali, patron de «3C Etudes». Pour lui,
l’activité de sondeur est assurée par des bureaux d’études qui «font aussi bien
de la construction de ponts, de la formation» que des sondages.

Des failles énormes

Certains de ces opérateurs concluent des marchés relatifs à la réalisation de
sondages avant de demander à des professionnels de le faire…, précise-t-il. En
ajoutant que «3C Etudes» a toujours refusé de faire ce métier sous le règne du
président déchu Ben Ali «parce que la notion d’opinion n’avait même pas
d’existence» et soutenant que «les coûts dans le pays sont supérieurs aux prix
pratiqués».

Pour lui toujours, ce qui se pratique aujourd’hui sur le terrain des sondages
d’opinions politiques peut être qualifié de dramatique tant les sondages
comportent des «failles énormes». Inutile de préciser, dans ces conditions, et
selon Hichem Guerfali, que les résultats de ces sondages ne sont pas toujours
crédibles. Loin s’en faut.

Des intervenants de la table-ronde n’ont pas manqué de dire que les sondages se
sont trompés avant l’élection des membres de l’ANC (Assemblée nationale
constituante). Personne n’a vu venir, par exemple, «Al Aridhaa Achaabya» (la
Pétition Populaire) de Hechmi Hamdi, crédité de seulement 2%. Des sondeurs
donnaient, en outre, bien plus que 4% au PDP (Parti Démocratique Progressiste).

Une photographie du moment

Les sondeurs peuvent se tromper. Cela peut donc arriver. «Le sondeur se fie, par
ailleurs, au déclaratif. Or, des personnes interrogées peuvent cacher leur
opinion ou pour qui elles vont voter. Cela est arrivé en France pour le Front
National. Les sondages créditent ce parti de 4%, mais il obtient jusqu’à 14%
dans des élections», assure Hichem Guerfali.

Et puis, un sondage est une intention de vote photographient le moment où les
déclarations sont faites. Jamais la veille ni le lendemain, assure Hassen
Zargouni, directeur général de Sigma Conseils, cabinet spécialisé dans les
sondages et mesures d’audience.

Le métier est ouvert, toutefois, à toutes les manipulations et les
instrumentalisations. La manière de poser une question, le moment de la poser ou
encore l’ordre dans lequel elle est placée dans un questionnaire peuvent
participer de cette logique.

Mais que faire pour ne pas tomber dans le piège des sondages? «Il faut une loi»,
propose Hichem Guerfali. En soulignant la nécessité de la mise en place, comme
en France, par exemple, d’un «régulateur»: une Commission des sondages. Et
lorsque ce n’est pas –malheureusement- le cas, il faut «former» tout un chacun à
l’interprétation des résultats des sondages. A commencer par les journalistes
qui sont des médiateurs.

Hassen Zargouni apportera dans le débat des précisions importantes pour aider à
pouvoir juger des résultats d’un sondage d’opinion. Qui en est le commanditaire?
Qui est le sondeur? Quel est l’échantillon? Quelle est la méthode statistique
adoptée? Quel questionnaire a-t-on diffusé dans les rangs des sondés? En quelle
période a-t-on réalisé le sondage?

La réponse à cette série de questions peut en dire long sur les résultats
obtenus. Et orienter les lectures qui peuvent être faites du sondage. Grâce à
cette réponse, on peut juger, donc, de la qualité et de la crédibilité du
produit que nous avons entre les mains.