Tunisie- Prestation TV du chef du gouvernement : Quand Jebali se veut rassurant


interview-28092012-art.jpgM.
Hamadi Jebali
, comme attendu, a voulu être rassurant dans son interview
radio-télévisée du vendredi 28 septembre 2012 aussi bien sur le volet économique
que politique. Il n’a pas, toutefois, manqué de tirer la sonnette d’alarme au
niveau de l’augmentation du nombre des revendications économiques et sociales.
Et assuré que c’est à la justice de traiter le dossier des hommes d’affaires
corrompus. Comme il a souligné qu’il est hors de question, du moins pour le
moment, qu’Ennahdha, accepte de céder les ministères de souveraineté.

Cela sonne-t-il comme un mea culpa? Le chef du gouvernement provisoire, M.
Hamadi Jebali, a affirmé, vendredi 28 septembre 2012, que son gouvernement se
devait d’être un peu plus «transparent» à l’égard de l’opinion
publique sur le volet économique de son action. En soulignant qu’il n’était pas
facile, sans doute, en « un an ou un an et demi » de venir à bout de tous les
problèmes que connaît le pays.

Il a, également, soutenu que les défis auxquels était exposé le
pays étaient énormes. Le gouvernement a-t-il bien évalué les défis de l’étape?
Il a fait face à un héritage des plus difficiles (celui de la corruption et de
la dictature) et à un environnement international marqué par une dure récession.

Voulant être franc avec l’opinion, il a regretté que cette situation ait été
compliquée par certains comportements. Comme celui du recul de
la valeur travail. Estimant qu’il est urgent que le pays se remette au plus vite
au travail et fasse montre de patience. «Ne fallait-il pas plutôt retarder les
revendications économiques et sociales et se concentrer sur le développement du
pays ?» s’est-il notamment interrogé.

Un taux de croissance de 3,5% en 2012

Il a fait remarquer au passage que des revendications à caractère régionalistes
sont de nature à déchirer le pays. Il a classé la « perte de valeurs » et « la
bataille que se livrent les partis » pour la conquête du pouvoir parmi les
autres facteurs déstabilisants.

M. Hamadi Jebali
n’a pas manqué, toujours au chapitre économique, qui a
constitué un thème fort de son interview, de défendre le bilan de son
gouvernement. Qui a renversé la vapeur en matière de croissance économique :
celle-ci est passée de -2% en 2011 à quelque 3,5% en 2012. Le chef du
gouvernement provisoire a également revendiqué la création de 100.000 emplois
d’ici la fin de l’année 2012.
Autre question économique évoquée dans l’interview de M.
Hamadi Jebali, la
situation des hommes d’affaires présentés comme corrompus : seule la justice
devra dire son mot concernant les concernant.

Principal enseignement, en somme, de la prestation du chef du gouvernement : il
a tenté de rassurer l’opinion.

Le processus démocratique ? Le chef du gouvernement a assuré être ouvert au
dialogue qu’il a appelé de ses vœux. Soulignant que l’initiative de l’UGTT
(Union Général Tunisienne du Travail) relative au dialogue politique national
peut constituer un cadre idoine et que ce dernier devra permettre, dans un cadre
concessionnel, et en mettant tout sur le tapis, de voir plus clair dans la
feuille de route (date des prochaines élections, création de l’instance
indépendante des élections, publication du code électoral, …). Il a dit, à ce
niveau, toute la volonté de la « Troïka » d’avancer au plus vite sur le terrain
de la rédaction de la nouvelle constitution.

Se décider au plus vite

Il a fait, dans ce contexte, deux précisions de taille. La première? Il faudra
résoudre rapidement la question du type de régime politique que l’on doit
adopter (présidentiel ou parlementaire) et la constitution de l’instance
indépendante des élections. Il a estimé que cela y va d’une adoption rapide de
la constitution. Ajoutant que sur la première question des «concessions»
seraient nécessaires entre les différentes parties.

Le chef du gouvernement a soutenu que des accords peuvent être trouvés bien
avant le 23 octobre 2012 et au maximum fin décembre sur toutes les questions
essentielles relatives à la poursuite du processus démocratique. Il a balayé
d’un revers de la main la question de la fin de la légitimité électorale au 23
octobre 2012 la qualifiant de « non sérieuse » et même de « dangereuse ».

La deuxième précison : il est hors de question, du moins pour le moment, qu’Ennahadha,
dont il est le secrétaire général, accepte de céder les ministères de
souveraineté. Cela pourrait être même «dangereux» : gérer ces ministères tient
de la « responsabilité politique. »

Autre argument : qu’est ce qu’on reprocherait aux ministres de souveraineté d’Enahadha
? Apportant au passage un hommage appuyé à M. Ali Laarayedh, ministre de
l’intérieur, qu’il a qualifié d’ «homme d’Etat». Et aux forces de sécurité qui
se doivent d’être « «en dehors des tiraillements ».

Traitant de la question de la sécurité, il a semblé intraitable sur la lutte
contre la violence de quelque origine qu’elle soit. Et « pas seulement pour
satisfaire aux demandes exprimées par les représentations diplomatiques, qui ont
du reste raison de vouloir être protégées ; ne sont-ils pas nos hôtes ? » en
assurant au passage que son gouvernement n’accepte pas non plus les provocations
ciblant les musulmas.

Autre sujet sur lequel le chef du gouvernement était attendu, celui des médias.
Ici aussi, même discours rassurant : « La liberté d’expression est garantie et le
gouvernement ne compte pas y toucher. » Encore moins aux lignes éditoriales des
médias y compris publics. Toutefois, il a semblé signifier qu’on ne peut
reprocher au gouvernement de procéder aux nominations des responsables de
premier plan dans le secteur public des médias.
Il faut dire que le président d’Ennahdha, le cheikh Rashed Ghannouchi, avait
donné le ton, la veille dans une interview à la chaîne tunisienne TWT : il faut
respecter la loi. Celle-ci n’interdit pas au gouvernement de nommer les premiers
responsables du service public.

Voici les faits. Reste à savoir comment ces déclarations seront interprétées. Il
est également bon à savoir si ces dernières apaiseront les critiques des
composantes de la société? Nous ne manqueront pas de vous en rendre compte au
plus près. Nous vous invitons d’ailleurs à réagir dès à présent. Vos
commentaires sont non seulement les bienvenus mais enrichiront surtout ces
quelques lignes écrites à chaud. Pour rendre compte d’une interview qui a duré
près de deux heures.