Tunisie – Troïka : Les trois présidences fourbissent, déjà, leurs armes !

 

trois-presidents-220.jpgLa défection de nombre de constituants de la Troïka lors du vote pour la candidature de Chedly Ayari, candidat au fauteuil de gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, constitue-t-elle un épisode qui fera date? Le plus dur est à attendre en matière de fragilité de la Troïka: un durcissement du débat est en effet au programme à la veille de l’organisation, le 20 mars 2013, c’est-à-dire dans huit moins, des élections législatives générales, qui peuvent dessiner une nouvelle carte politique dans le pays.

Le calcul est vite fait: la Troïka a obtenu, aux élections du 23 octobre 2011, 138 sièges: 89 pour sa locomotive Ennahdha, 29 pour le CPR (Congrès Pour la République) et 20 pour Ettakatol. Comment se fait-il donc qu’il n’y ait eu que 97 voix favorables à la candidature de Chedly Ayari en tant que gouverneur de la BCT, le mardi 24 juillet 2012? En somme, 41 voix ont manqué. Et ce n’est pas peu: c’est près de 30% des voix totales de la Troïka.

Réponse : il y a eu des absents, comme cela arrive toujours et dans toutes les contrées du monde, mais, il y a plus: les mois qui ont suivi le vote du 23 octobre 2011 ont permis à quelques membres de la Troïka à la Constituante de revoir, comme on le sait, leur copie: ils ont déserté les rangs du CPR et d’Ettakatol allant jusqu’à créer un nouveau mouvement. Ainsi en est-il du parti «El Wafa», créé autour d’Abderraouf Ayadi, élu le 23 octobre sur la liste du CPR.

Il y a beaucoup plus et le fait n’a pas manqué d’être relevé: pas moins de huit députés de la majorité auraient voté aux côtés de l’opposition, le 24 juillet 2012. Et n’auraient pas, par conséquence, accepté de suivre les consignes qui leur ont été données. Deux d’entre eux figureraient dans les rangs d’Ennahdha. La Troïka savait du reste qu’il y avait péril dans la demeure et avait fait le rappel des troupes (et notamment des ministres) pour voter massivement pour la candidature de Chedly Ayari.

Une nouvelle carte politique

Il s’agit sans doute d’un épisode qui risque de faire date, notamment que le débat politique risque de se durcir avec la proposition faite par le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, d’organiser le 20 mars 2013, c’est-à-dire dans huit moins, des élections législatives générales, qui peuvent dessiner une nouvelle carte politique dans le pays.

Huit mois qui connaîtront le vote d’une nouvelle Constitution, une Constitution pour laquelle la Constituante, dont est issu le gouvernement, a été élue. Et de ce côté des choses, tout semble diviser les trois présidences (de la Constituante, de la République et du gouvernement).

S’il est vrai qu’Ennahdha a bien cédé sur l’article 1er de la Constitution, en acceptant de garder celui qui a été voté par une autre Constituante, en 1956, avec la proclamation de l’indépendance du pays, et qui stipule que la Tunisie a pour langue l’arabe et pour religion l’islam, lâchant du lest, donc, sur le chapitre de l’application de la Chariaâ, prônée par une partie de ses troupes, il n’en est pas de même, semble-t-il, concernant le régime parlementaire.

Il s’agira, à n’en point douter, du principal sujet de discorde sur lesquels les trois présidences devront mener bataille. Dans la mesure où ils savent pertinemment que le mouvement politique qu’ils représentent sur l’échiquier ne peut survivre que grâce à l’adoption du régime politique qu’ils veulent pour le pays.

Fort de l’importance de la sensibilité qu’il représente dans l’opinion et de la «mainmise» de ses cadres et militants, pour laquelle il a œuvré, sur des pans de l’Etat, Ennahdha estime que sa survie n’est possible qu’avec le régime parlementaire. On ne le répétera jamais assez: parti majoritaire, il pense être un passage obligé pour quiconque souhaite participer un jour au gouvernement.

Se placer au dessus des partis

Les dirigeants du CPR et d’Ettakatol ne l’entendent évidement ps de cette oreille. Affaiblis par leur participation au gouvernement –de nombreux cadres des deux mouvements ont fait dissidence estimant qu’ils ont dû avaler des couleuvres-, pensent dur comme fer qu’ils ne peuvent peser d’un poids que par l’adoption d’un régime présidentiel, aménagé ou encore semi-présidentiel, qui prévoit notamment que le président de la République soit élu au suffrage universel et possède des prérogatives propres.

Sur ce point, aussi bien l’actuel locataire du Palais de Carthage, Mohamed Moncef Marzouki, que le titulaire du perchoir, Mustapha Ben Jaafar, ont déjà voté pour un régime présidentiel. Ils l’ont dit clairement en signifiant leur désaccord quant à l’adoption d’un régime parlementaire. Mustapha Ben Jaafar a déclaré même qu’Ennahdha est bien minoritaire sur ce sujet (Lire).

Cela d’autant plus que ce choix travaille leur ambition personnelle. Moncef Marzouki souhaiterait bien rempiler. Quant à Mustapha Ben Jaafar, il n’a pas abandonné son ambition de se retrouver un jour président de la République. Certains observateurs estiment, à ce titre, qu’il n’a cédé, après les élections du 23 octobre 2011, que momentanément, avec notamment la ferme intention de Marzouki d’occuper le poste de président de la République. Il ne l’a fait que pour mieux préparer son accession à la magistrature suprême. Cela s’appelle reculer pour mieux sauter

Les discours de Marzouki et Ben Jaafar, le 25 juillet 2012, à l’occasion de la commémoration du 55ème anniversaire de la proclamation de la République, dans lesquels ils se sont placés au dessus des partis, en disent long sur leur stratégie en la matière.