Tunisie-Partis : Ettajdid plaide pour une révision des taux d’imposition et pour l’assainissement du secteur bancaire

ettajdid-1.jpgTout n’était pas aussi noir du temps de la première République, du moins sur le plan économique. Mahmoud Ben Romdhane, économiste reconnu et membre du Parti Attajdid, le reconnaît et l’explique à l’occasion d’une intervention dans laquelle il a présenté le programme économique et social du parti lors d’une rencontre organisée récemment par Smart Conseil et l’Association «Touensa».

Il est vrai que la Tunisie a souffert d’un mode de gouvernance douteux qui a mené à la régression de l’investissement à cause de l’enrichissement illicite de quelques familles qui «tiraient leurs privilèges de leurs relations avec le pouvoir», mais le pays avait des acquis.

Premier acquis d’après M. Ben Romdhane, des progrès considérables en matière de croissance économique. Sur 100 pays, la Tunisie se classe 13ème avec une moyenne de 5,2% de croissance durant les 55 dernières années et un PIB à prix constant multiplié par 5.

«A l’indépendance, les Tunisiens étaient en haillons et logés à 40% dans des gourbis et 60% dans des logements à 1 pièce. Aujourd’hui, il y a tout juste 1% de gourbis, 99,9% de la population possèdent l’électricité et 85% ont l’eau courante. Les Tunisiens sont à 80% propriétaires de leurs logements et dans les campagnes 90% ont la parabole. D’un autre côté, 4% de Tunisiens sont au seuil de la pauvreté et 11% ont un statut précaire.

A partir des années 70, le gouvernement a poursuivi une politique d’édification économique. La Tunisie est bien équipée en infrastructures. Située dans une zone semi-aride, la population n’a jamais souffert de rationnement d’eau grâce à une politique hydraulique avisée. En faveur de nombre de ports et 9 aéroports internationaux distancés les uns des autres de 200 Km maximum, les régions ont été rapprochées. Quant aux télécommunications, on enregistre aujourd’hui 110 téléphones portables par 100 habitants.

L’éducation représente la plus grande réalisation de la Tunisie. Dans les années 50, les étudiants étaient à majorité français, depuis l’indépendance 7 à 8% du PIB sont consacrés à l’éducation. “Même si aujourd’hui, nous sommes plus dans le quantitatif que dans le qualitatif“. Pour ce qui est de la santé, la Tunisie a une excellente médecine si ce n’est des défaillances structurelles au niveau du système de santé lui-même.

Ceci pour ce qui est des acquis, mais la première République a, et principalement durant les deux dernières décennies, pêché par de mauvais choix en matière d’éducation faisant prévaloir la quantité aux dépens de la qualité de l’enseignement et creusant un gap entre l’offre et la demande du marché de l’emploi. Un décalage qui a eu pour conséquence la hausse du nombre de diplômés chômeurs sans oublier ceux démunis qui se jetaient à la mer à la recherche d’un paradis sur les rives nord de la Méditerranée. La santé est, pour sa part, à deux vitesses ? La santé publique qui ne pouvait répondre aux besoins des malades dont les traitements sont trop coûteux. Les régions intérieures ont ,pour leur part, été exclues ainsi que les catégories socio-économiques à faibles revenus. Depuis le début des années 90, le fossé entre classes riches et moyennes est de plus en plus profond, l’Etat s’est retiré des grands projets cédant la place au secteur privé. Les disparités sociales ont engendré des frustrations et un désespoir qui devait mener à la révolution.

Un préalable: l’établissement d’un nouveau climat d’investissement favorisant l’initiative privée

Pour le parti Ettajdid, il est aujourd’hui important voire capital de développer les investissements et créer de nouvelles richesses, condition nécessaire à toute politique de développement économique. Les préalables? «L’établissement d’un nouveau climat de l’investissement favorisant l’initiative privée nationale et internationale, et ce grâce à l’instauration de l’Etat impartial, au respect de la règle de droit, à une justice indépendante et prévisible et à un fonctionnement transparent de toutes les institutions du contrôle économique et financier et de lutte contre la corruption (Commissions des marchés, Cour des Comptes, Commission du Marché Financier,…).

L’Administration fiscale doit être dotée des moyens effectifs du contrôle et une révision des taux d’imposition doit avoir lieu pour mettre un terme aux ponctions croissantes que subissent les salariés.

L’assainissement du secteur bancaire devrait, pour sa part, permettre de développer un marché financier crédible qui facilitera les conditions de financement surtout en direction des PME.

Un autre point important dans le programme économique et social d’Ettajdid qui s’articule autour de 8 axes: la réduction du chômage.

Pour ce, il préconise de générer une croissance forte en rapprochant le taux d’investissement privé domestique, plafonné à 11 – 12% au cours des deux dernières décennies, de son potentiel (20 %) dans un délai très bref (2013) et d’atteindre un taux global d’investissement de 30 à 35%, ce qui permettrait rapidement à notre pays d’avoir une croissance économique proche de 10% et de réduire son taux de chômage de manière spectaculaire. Une stratégie de remontée dans la chaîne des valeurs dans tous les secteurs.

Pour ce qui est de l’industrie, il faudrait remonter la chaîne des valeurs pour gagner en complexité technologique, associer les entreprises, l’Administration et le système national de Recherche-Développement.

Dans le secteur des services, il faudrait conquérir de segments des nouvelles technologies de l’information et de la communication à haute valeur ajoutée.

Le parti Ettajdid se propose, également, de rénover l’Administration. Elle doit être capable de concevoir et appliquer des politiques et stratégies sectorielles pour faire passer le pays au stade d’une économie émergente. Quant à l’agriculture, il est grand temps pour elle de reprendre ses lettres de noblesse. «Il s’agit de valoriser notre production, aujourd’hui livrée à l’état brut et de promouvoir mondialement nos produits authentiques en dotant nos agriculteurs des organisations professionnelles autonomes dont ils ont été longtemps privés».

Les régions doivent, d’un autre côté, avoir une part importante dans les stratégies de développement mises en place par le gouvernement. L’aménagement du territoire doit être rapidement élaboré pour intégrer les régions dans l’espace national et les doter des infrastructures et des équipements structurants (réseau routier et autoroutier, voies de chemin de fer, moyens de communication, pôles technologiques, zones d’activités industrielles et artisanales…).

Ces transformations impliquent une révision profonde du système politique, sa décentralisation, ce qui veut dire l’instauration d’une véritable démocratie locale et régionale. Toutes les entités locales et régionales doivent être gouvernées par des représentants élus et dotées de larges prérogatives et de moyens financiers à la hauteur de leurs missions.

Sur une toute autre échelle, Ettajdid estime, par ailleurs, que l’intégration économique maghrébine et arabe, fondée sur la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux, est importante. Elle permettra «à chacun de nos pays de gagner 2 points de croissance chaque année, surtout si nous parvenons ensemble à fonder avec l’Europe un projet euro-méditerranéen novateur».

A ce jour, le seul parti prêt à discuter publiquement de son programme économique est le parti Ettajdid. Les autres tâtonnent toujours et parmi eux, il y en a qui n’ont pas encore répondu présents à l’invitation de l’Association «Touensa» !