Tunisie : Céréales, il n’y aura pas de «remake 2008» mais …


cereal-23082010-art.jpgEmpressons-nous d’être rassurants. De l’avis des experts, la Tunisie, avec une
récolte céréalière tout juste moyenne (1,3 million de tonnes contre 2,5 millions
en 2009), ne devrait pas subir, outre mesure, les conséquences d’une pression
sur le budget de compensation similaires à celles qu’elle avait connues, en
2008, année au cours de laquelle les cours mondiaux des produits alimentaires de
base ont flambé. En clair, il y aura certes des difficultés mais pas de
l’ampleur de celles survenues en 2008. Conséquence : pas de remake 2008.

Ces mêmes experts pensent qu’en dépit de la sécheresse qui a sévi en 2010,
presque dans les plus importants pays exportateurs de blé (Russie, Ukraine,
Australie, Pakistan …), les spécialistes écartent, cependant, le risque de
pénurie. Ils estiment que les stocks sont assez abondants et en mesure de
réguler le marché.

Les effets des aléas climatiques devraient réduire, quand même, de 27% la
production destinée à l’exportation des trois principaux pays exportateurs pour
la campagne 2010/2011, estime la maison de courtage CMC Markets.

L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et de l’alimentation (FAO),
observateur privilégié de la conjoncture céréalière mondiale, relève pour sa
part que «le marché mondial du blé reste nettement plus équilibré que lors de la
crise en 2007/08 et les craintes d’une nouvelle crise alimentaire mondiale ne
sont pas justifiées à ce stade».

Cette approche optimiste n’a pas empêché l’organisation onusienne de revoir à la
baisse ses prévisions de production mondiale de blé pour 2010, à 651 millions de
tonnes contre 676 millions annoncées en juin dernier.

Quant aux cours des produits céréaliers, ils ont grimpé de plus 60% et ont
atteint des niveaux record depuis 2008. A Chicago, Bourse des matières
premières, le prix du boisseau de blé a progressé de depuis le 30 juin, pour
flirter avec les 8 dollars, tandis que la tonne a dépassé les 230 euros en
Europe (+61%).

Pour mémoire, en 2008, avec la crise alimentaire, le prix du boisseau de blé
avait alors effleuré les 14 dollars à Chicago, tandis que la tonne était vendue
en Europe à 280 euros.

La FAO estime que le prix de la tonne de blé devrait se stabiliser à 300 dollars
environ.

Concernant la Tunisie, l’Office des céréales -qui importe d’habitude du blé de
Russie et d’Ukraine- devrait en cas de défaillance de ces deux marchés,
s’orienter vers le marché européen. Aux dernières nouvelles, l’Office aurait
fait une commande de 25 mille tonnes de blé au prix de 303 dollars la tonne. La
Tunisie, dont les besoins annuels en céréales sont estimés à 2,7 millions de
tonnes, devrait importer, en principe, 1,5 million de tonnes.

La France a été de tout temps, au sein de l’Union européenne, le principal
fournisseur de céréales pour la Tunisie. Il ressort de statistiques officielles
françaises que les importations de céréales destinées à l’alimentation humaine
ou animale représentent, en moyenne et selon les années, de 30 à 50% du total
des importations agroalimentaires de la Tunisie.

Un lobby français, en l’occurrence France Export Céréales, association de
céréaliers français, organise chaque année des rencontres avec les céréaliers
tunisiens et entretient une coopération technique forte avec l’Office tunisien
des céréales.

A l’actif de cette coopération, figure la création, en 2004, à la faveur de
l’aide de France Export
Céréales, un laboratoire officiel tunisien de contrôle
de la qualité des céréales en Tunisie.

Au regard de la qualité de cette coopération, les céréaliers français, pour
préserver leur part dans le marché tunisien, devraient faire plus qu’un geste
pour approvisionner de manière significative le marché tunisien.

Enjeu d’un débat sur le devenir de l’agriculture

La production moyenne de céréales, cette année, et les incertitudes qu’elle fait
planer, remet sur la table le dossier de la dépendance de notre agriculture des
aléas climatiques. La stratégie triennale (2008-20011), pour accroître la
production céréalière à 2,7 millions de tonnes, mérite d’être poursuivie avec
plus de détermination.

Selon des agriculteurs qui s’exprimaient lors du Conseil national de l’Union
tunisienne des agriculteurs et de la pêche (fin juillet 2010), le développement
de l’irrigué, une des composantes majeures de cette stratégie, n’a pas bénéficié
de l’intérêt requis de la part des commissariats au développement agricole dans
les régions.

Pour mémoire, la nouvelle stratégie touche la filière dans son ensemble :
encadrement des céréaliers, financement, exploitation des créneaux porteurs
(irrigué), recherche. Point d’orgue de cette stratégie, l’institution
d’exonérations fiscales et financières. La location des terres céréalières est
exonérée, durant trois ans, des frais d’enregistrement et de la taxe sur le
revenu, des primes pour la collecte des céréales et une prime d’investissement
accordée aux coopératives au titre de l’acquisition d’équipements agricoles et
accessoires (40% des prix).

L’Etat prend en charge les frais d’assurance des prêts saisonniers destinés aux
grandes cultures et des contrats prescrits au titre des risques d’incendies et
de chute de grêle. Le deuxième élément concerne l’option pour l’irrigation
d’appoint. La céréaliculture irriguée couvre actuellement 93 mille hectares et
sera portée à 120 mille hectares en 2011.

Le rendement à l’hectare irrigué est estimé à 80 quintaux contre une moyenne de
16 quintaux à l’hectare pour les variétés locales. Le dernier facteur militant
en faveur d’un accroissement de la production céréalière réside dans
l’introduction de nouvelles variétés à haut rendement. Les variétés italiennes (Sorogolla
et autres…), expérimentées au nord du pays qui abrite 75% des superficies
céréalières (905 mille hectares sur un total de 1,355 million hectares), ont
donné de bons résultats, 70 quintaux à l’hectare contre une moyenne de 16
quintaux à l’hectare pour les variétés locales.

Cette stratégie vient d’être appuyée par les mesures conjoncturelles du 14 août
2010. Celles-ci se démarquent par leur dimension prévisionnelle. Elles prévoient
le scénario d’une sécheresse pour 2011-2012 et programme, à cet effet, la
constitution de stocks de réserve dont 200 mille quintaux d’orge ordinaire,
outre la reconduction de l’ensemble des incitations en faveur des agriculteurs
et éleveurs.