Quand les bloggeurs reprochent aux journalistes de “maltraiter” la banlieue

[22/09/2009 16:19:05] PARIS (AFP)

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Un ordinateur portable (Photo : Justin Sullivan)

Bloggeurs et radio communautaire reprochent aux journalistes de “maltraiter” la banlieue en la caricaturant. Faux, répondent les professionnels de l’information: malgré quelques accrocs, les quartiers sont aujourd’hui “un terrain d’investigation comme un autre”.

“Pas grand chose n’a changé depuis 20 ans”, déplore Nasser Kettane, PDG de Beur FM: “la banlieue est encore vécue comme une espèce d’extra-territorialité”, “quand le journaliste y va, c’est comme s’il partait au Rwanda”.

“Fainéantise”, “passivité”, “méconnaissance”, tels furent les principaux reproches adressés aux journalistes, lors d’un débat sur les médias et la banlieue, organisé début septembre à la Cité nationale de l’histoire de l’Immigration.

Erwan Ruty, fondateur de Ressources Urbaines, explique d’ailleurs qu’il a créé son agence de presse en ligne parce “qu’un certain nombre de gens issus des quartiers constataient que les médias dominants les maltraitaient”.

“Pour se réformer, les médias doivent prendre conscience que la société évolue”, juge Nordine Nabili, ancien rédacteur en chef du Bondy Blog, aujourd’hui directeur de l’antenne de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ), inaugurée mercredi à Bondy (Seine-Saint-Denis).

“C’est vrai que nous avons, ici et là, traité le sujet de matière chaotique”, admet Hervé Brusini, rédacteur en chef du journal de 20H, sur France 2. Mais “contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas un sujet que l’on traite par-dessus la jambe”.

En témoignent, selon lui, la sélection des équipes envoyées sur le terrain, le souci d’éviter “le cliché de la banlieue” et beaucoup d’efforts pour “banaliser” la représentation des .

“Nous sommes victimes d’une catégorie qui a été instaurée comme étant un problème de société (…) et qui a façonné les esprits, aussi bien des électeurs, des citoyens que des journalistes”, explique-t-il à l’AFP.

“Je pense qu’on sous-traite les banlieues plutôt qu’on les maltraite”, nuance également Luc Bronner, titulaire de la rubrique banlieue, créée au Monde après les émeutes de 2005, qui ont marqué le “début d’une évolution positive”, en la matière, selon lui.

“On a tendance à se focaliser sur les faits divers, que l’on transforme parfois en phénomènes de société, et à laisser de côté les problèmes structurels, les problème de fond”: l’urbanisme, la politique de la ville, regrette-t-il dans un entretien à l’AFP.

Inévitable, juge Edouard Zambeaux, producteur du magazine Périphéries sur France Inter : “les habitants des quartiers n’ont pas d’attachée de presse”. En outre, “la banlieue est sociologiquement assez lointaine d’une salle de rédaction”, dominée par les cadres blancs des centre-villes, dit-il.

Lui qui voit dans la banlieue “un terrain d’investigation comme un autre”, déplore que son “traitement médiatique s’opère selon un mouvement de balancier qui oscille entre +la banlieue, c’est dangereux+ et, pour se rattraper, +la banlieue c’est merveilleux”.

Pour autant, les journalistes ne veulent pas être les seuls à se remettre en question. “Il ne faut pas passer sous silence qu’il est parfois extrêmement difficile de réaliser des reportages en banlieue”, rappelle Hervé Brusini, citant les risques de vols et d’agressions.

“Il faut aussi que les jeunes de banlieue soient un peu moins conformes à la caricature qu’ils pensent que nous avons d’eux”, ajoute Edouard Zambeaux, car “en général le jeune de banlieue joue au jeune de banlieue”.