Les performances du marché tunisien des assurances en 2007

Par : Autres

ghazi-maaref1.jpgSuite à une conjoncture économique défavorable en 2007, le taux de
croissance de l’économie mondiale s’est limité à 4,9 % en termes réels
contre 5,4 % en 2006. Cette contre-performance est due à la volatilité des
marchés financiers et à l’envolée des cours des matières premières
industrielles et agricoles, avec l’apparition des prémices de la crise
immobilière aux Etats-Unis.

Néanmoins, reconnaissons que pour la cinquième année consécutive,
l’économie mondiale a enregistré une forte croissance. «Il faut remonter aux
années 1950 et 1960 pour retrouver un cycle d’expansion aussi long», a même
fait remarquer Simon Johnson, le chef économiste du Fonds monétaire
international (FMI), lors d’une conférence de presse tenue en octobre 2007.

Cette croissance mondiale est restée relativement forte grâce au rythme
de croissance élevé des pays émergents comme l’Inde et la Chine. Ainsi, en
chef de file incontesté, cette dernière a enregistré un record avec un taux
de croissance de 11,4%, en termes réels, au cours de 2007 contre 11,1%
l’année précédente. Par contre, les E.U et la Zone Euro ont vu leur taux de
croissance régresser. Quant à l’Afrique, son économie a progressé plus vite
en 2007, à un rythme de 6,2% contre 5,9% en 2006.

Sur le plan national, l’économie tunisienne a atteint un taux de
croissance en termes réels de 6,3% contre 5,5% en 2006. En 2007, l’inflation
s’est située à 3,1% contre 4,5% en 2006, malgré la flambée des cours
mondiaux de l’énergie et de la plupart des autres produits de base conjuguée
à une demande intérieure soutenue.

Un accroissement notable des exportations et des importations de biens en
2007, soit respectivement 24,8% et 22,2% contre de 12,8% et 15,7% l’année
précédente, a engendré une amélioration du taux de couverture qui est passé
de 77,8% en 2006 à 79,4% en 2007.

Concernant le secteur qui nous intéresse plus particulièrement, le marché
tunisien des assurances, ce dernier a enregistré en 2007 une évolution de
9,48% (12,52% en 2006) soit une fois et demie la vitesse de croissance
générale de l’économie nationale. Les primes émises du secteur* sont passées
de 801 MDT à 877 MDT et la charge des sinistres de 612,488 MD à 612,723 MD
(+ 0,04%).

La répartition du marché entre les secteurs public, privé et mutuel est
présentée dans le tableau n°01 suivant :

01 – Répartition des affaires directes * par secteur en 2007

  2005 2006 2007
Part marché Part marché Part marché ∆ % 2007/2006

Public ** 

29,19 %

26,88 %

24,80 %

1,14 %

Privé***

54,76 % 

56,12 %

56,48 %

10,30 %

Mutuel****

16,05 %

17,00 %

18,72 %

20,63 %

Total

100 % 

100 %

100 %

9,60 %

* Affaires directes : opérations d’assurances effectuées par une
compagnie directement avec ses assurés à l’exclusion des opérations de
réassurance

** Secteur public : 2 entreprises STAR et COTUNACE

*** Secteur privé : 11 entreprises AMINA, ASTREE, ASSURANCES-BIAT,
ASSUR-CREDIT, CARTE, COMAR, HAYETT, GAT, MAGHREBIA, LLOYD TUNISIEN et SALIM

**** Secteur mutuel : 4 entreprises AMI, CTAMA, MAE et MGA

Nous observons que, depuis au moins trois ans, le secteur public perd du
terrain au profit des secteurs privé et mutuel.

S’il fallait retenir quelques chiffres clés du secteur des assurances
tunisien, nous retiendrions ceux indiqués dans le tableau 02 suivant :

02 – Chiffres clés du secteur des assurances en 2007 (MDT)*

  TOTAL 2005 TOTAL 2006 TOTAL 2007 EVOL % 07/06

PRIMES EMISES EN MDT **

712

801

877

9,50%

CHARGES SINISTRES EN MDT **

569

612

613

0,04%

PRIME MOYENNE / HAB EN DT

71

79

86

8,90%

TAUX DE PENETRATION DANS L’ECONOMIE NAT. EN %

1,91 %

1,95%

1,96

0,50%

NOMBRE D’ACCIDENTS DE LA ROUTE

11 035

10 980

10 681

(-2, 70%)

NOMBRE DE TUES 

1 519

1 516

1 497

(- 1,25%)

NOMBRE DE BLESSES

15 368

15 147

14 559

(- 3,90%)

PRIME MOYENNE DE L’ASSURANCE AUTO EN DT

273

 297 

305

2,69%

NOMBRE DE VEHICULES

1.166.947

1 223 284

1 285 653

5,10%

* Million de dinars tunisiens

** (Affaires Directes + Acceptions)

Selon le rapport annuel (1) de la F.T.U.S.A (2) pour l’exercice 2007, le
résultat technique de l’exercice s’est nettement amélioré, puisqu’il dégage un
excédent de 79,266 MDT contre 29,209 MDT en 2006.

A travers la structure du compte d’exploitation du marché par catégorie et/ou
ensemble de catégories de risque, nous essaierons de faire quelques constats
simples en tentant d’apporter une explication aux chiffres pour enfin terminer
sur quelques suggestions.

03 – Compte d’exploitation du marché tunisien des assurances 2007 par risque
(Affaires directes + Acceptations en réassurance)

MD (millions DT)

  AUTO MALADIE VIE AUTRES * TOTAL 2007 TOTAL 2006 EVOL % 07/06
PRIMES EMISES      392 129 95 261 877 801 9,48 %
PART MARCHE % 45 % 15 %  11 % 29 % 100 % 100 %
PRIMES ACQUISES 381 129 95  269 864 785 10%
CHARGE SINISTRES  – 331 – 117 – 71  – 96 – 615  – 615 0%
MARGE BRUTE DE SOUSCRIPTION  50 12  24 163  249 170 46,50%
F.G    – 72 – 15 – 20 – 49 – 156  – 126 23,80%
MARGE NETTE DE SOUSCRIPTION – 22  – 3 4 114 93 44 211%
RESULT TECH. NET 5,5 – 1,5 13 62  79 29 272%
TX. RENTABILITE TECH 1,40 %  – 1,16 %   13,70% 23,75%  9,00 % 3,60% 250%

* Transport, Incendie, Risques Divers, Crédit, Agricole, Accidents du Travail
et Réassurance

Légende du tableau 03

1/ Primes émises : chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice concerné

2/ Primes acquises : chiffre d’affaires se rapportant techniquement,
comptablement et légalement à l’exercice concerné,

3/ Charge de sinistres : sinistres payés et les variations de provisions pour
sinistres à payer au cours de l’exercice concerné,

4/ Marge brute: solde de souscription brut avant déduction des frais de gestion,

5/ F.G : frais de gestion,

6/ Marge nette ou solde de souscription net : marge brute après déduction des
frais de gestion,

7/ Solde financier : marge entre les revenus et les frais financiers,

8/ Solde de réassurance : résultat des opérations de réassurance (cessions et
acceptations),

9/ Résultat technique net : marge nette de souscription après déduction des
soldes financiers et réassurance,

10/ Taux de rentabilité : résultat technique net rapporté aux primes émises,

11/ Les opérations des caisses d’assurances sociales (CNRPS, CNSS et CNAM) et
des sociétés mutuelles de prévoyance régies par le décret du 18 février 1954
sont exclues.

L’assurance automobile se taille toujours la part du lion avec 45% des primes
(43% en 2006) et plus de 53% des sinistres (58% en 2006). Cela serait bien
acceptable n’était-ce son solde net après F.G négatif (-22 MDT) qui altère le
résultat global net de souscription du marché (93 MDT).

Cependant, il faut reconnaître que, pour la première fois depuis plusieurs
années, cette branche si décriée dégage un solde de souscription brut positif
assez substantiel (50 MDT). L’ensemble du marché a bénéficié aussi du bon
comportement des autres branches pour dégager un résultat technique net en
augmentation de 272%.

Le tableau ci-dessus nous montre l’importance du poids de l’assurance automobile
dans l’activité globale par la corrélation qui se dégage entre l’évolution de
celle-ci et celle du marché dans son ensemble.

04 – Evolution Comparative des Résultats Techniques nets de la branche
Automobile et du Marché Global (2003 – 2007) (MDT)

  2003 2004 2005 2006 2007

Branche Automobile

-91

– 58

– 37

– 40

5,5

Marché Global

– 44

– 9

12 

29

79

En effet, l’amélioration régulière du résultat de cette branche a entraîné
une amélioration considérable du résultat global du marché qui, durant des
années, a été plombé par le résultat négatif de l’assurance automobile. On peut
dire, par analogie à un adage bien connu, «Quand l’assurance automobile va, tout
le secteur de l’assurance va !».

Les résultats de cette branche pourraient être encore améliorés par une
meilleure gestion interne des assureurs. En effet, le solde brut de souscription
de cette branche (50 MDT) est le troisième meilleur solde de l’ensemble des
branches du secteur, après «les Risques Techniques et Divers» (83 MD) et «le
Transport» (53 MDT). Cependant, il devient le plus négatif de tout le secteur (-
22 MDT) après déduction des frais de gestion.

Le point noir se situe donc au niveau des frais de gestion qui altèrent
gravement le résultat de la branche.

Le tableau suivant montre l’évolution des F.G de la branche durant les trois
dernières années :

05 – Evolution des F.G de la branche Automobile en 2007

  2005 2006 2007

Frais de Gestion en montant MD

54

59

72

Frais de Gestion en % des Primes Emises

17%

16%

18%

Jusqu’à présent, les assureurs se sont surtout concentrés sur
la sinistralité de la branche en prenant le problème tout en amont en mettant
l’accent sur la rigueur de leur politique de souscription. Or une gestion plus
moderne et plus rationnelle de la branche pourrait aussi en améliorer le
résultat net de souscription. Cette action n’est pas difficile à mettre en œuvre
mais elle demande, dans un premier temps, un investissement en matière de
formation et d’acquisition de nouveaux systèmes d’information.

Si les assureurs arrivaient à réduire leurs frais de gestion de 20% en
maintenant toutes autres choses égales par ailleurs, nous aurions le compte
d’exploitation suivant :

06 – Compte d’exploitation du marché tunisien des assurances 2007 dans
l’hypothèse d’une politique plus rationnelle des Frais de Gestion de la branche
automobile ( Affaires directes + Acceptations en réassurance)

MD

  AUTO MALADIE VIE AUTRES* TOTAL 2007

MARGE BRUTE DE SOUSCRIPTION

50

12

24

163

249

F.G   

– 58

– 15

– 20

– 49

– 142

MARGE NETTE DE SOUSCRIPTION 

– 8

– 3 

4

114

107

RESULT TECH. NET
(après déduction des soldes financiers et réassurance) 

19

-1,5

13

 62

92,5

TX. RENTABILITE

4,85 %

– 1,16 %

13,68 % 

23,75 %

10,55 %

Le résultat technique de la branche passerait de 5,5 MDT à 19 MDT, soit une
amélioration de 345% et sa rentabilité progresserait dans la même proportion.
Cette simulation nous permet de montrer qu’avec une branche automobile
maîtrisant mieux ses frais de gestion, le marché tunisien des assurances serait
nettement plus rentable puisque sa rentabilité passerait de 9,00% à 10,55%
(+13,5 MDT).

Malgré un déficit structurel persistant durant les dernières années, la branche
automobile commence à voir le bout du tunnel. En effet, la marge brute est
passée de -10 MDT à 50 MDT, et nous pensons que cette tendance se poursuivra en
2008. Il est encore tôt pour l’affirmer de façon définitive mais il semble que
la loi du 15 août 2005, introduisant un barème régissant l’indemnisation des
dommages corporels subis lors d’un accident de la circulation, commence à
produire son impact. Il est indéniable aussi que la politique de sensibilisation
des instances gouvernementales et des diverses associations en matière de
prévention routière commencent à donner leurs fruits.

Car ce n’est certainement pas l’évolution de la prime moyenne par véhicule qui a
eu un effet positif sur le résultat de cette branche puisqu’elle s’est limitée à
2,69% (voir tableau 2) alors que le volume total des primes émises de la branche
(+7,93%) et le parc automobile (+5,10%) ont progressé plus rapidement. De ce fait, il semble encore évident que
l’évolution du chiffre d’affaires de l’assurance automobile se fait plus par
l’évolution quantitative du parc automobile que par l’évolution de la prime
moyenne par véhicule. Or, c’est ce dernier indicateur qui est significatif pour
l’équilibre de la branche.

Face à l’assurance automobile, il y a les autres branches qui dégagent ensemble
un résultat technique net de 73,5 MDT (82,1 MDT en 2006). Cet ensemble
représente 55% du chiffre d’affaires du marché (485 MDT) et 46% des
indemnisations effectuées (284 MD).

Dans ce même groupe de risques, se distinguent :

– l’assurance «maladie» qui représente 14,70% émises et 19,00% des charges de
sinistres. Malheureusement, cette branche n’a pas réussi à renouveler un
résultat technique net positif en 2007 (0,273 MDT en 2006) suite à une envolée
de ses Frais de Gestion (11 MDT en 2006),

– les «Risques Techniques et Divers» et le risque «Transport», deux branches qui
ont enregistré une régression de leur résultat technique net cumulé qui est
passé de 55 MDT à 50 MDT :. Cette détérioration du résultat est due
essentiellement à une aggravation de la sinistralité de la branche Transport qui
est passée de 6 MDT en 2006 à 17 MDT en 2007 soit une aggravation de 280%.

07 – Performances des branches Transports et RTD en 2007 * (MDT)

  RTD *  TRANSPORT TOTAL 2007 TOTAL 2006

PRIME EMISE

112

67 

179

179

PRIME ACQUISE  

110

70

180

174

CHARGE SINISTRES  

-27

-17

– 44

-35

MARGE BRUTE

83 

53

136

139

MARGE NETTE

63

43

106

110

RESULT TECH. NET

33

17

50

55

TX. RENTABILITE

29.50 %  

25,40 %

28,00 %

30,70 %

* Les branches vol, responsabilité civile générale et professionnelle,
risques spéciaux, individuelle accidents, accidents et risques divers, bris de
glaces et R.C. décennale sont regroupées dans la branche des «risques techniques
et divers (RTD)».

Le taux de rentabilité de ces deux branches cumulées est passé de 30,70% à
28,00%.

– l’assurance «vie» qui a retrouvé un taux de croissance (21%) comparable à
celui de 2004 et 2006 après une année 2005 moins euphorique (12,50%). La grande
nouveauté est que sa part dans le marché a sauté la barre «psychologique» des
10% et a même dépassé la part de certaines branches «nobles» comme l’assurance
Incendie et l’assurance Transport. Malgré une évolution à deux chiffres depuis
quelques années et la progression indéniable de la souscription volontaire
d’assurance-vie en capitalisation, la commercialisation de cette assurance reste
encore liée à l’activité du crédit bancaire.

La marge de progression étant encore très substantielle pour toutes les branches
autres que l’automobile, il nous reste encore un long chemin à faire dans ce
domaine. Le taux de pénétration de l’assurance dans l’économie nationale est
encore faible (1,96% en 2007 contre 1,95% en 2006). Il en est de même pour la
prime d’assurance moyenne par habitant qui est passée de 79,101 dinars en 2006 à
85,781 dinars en 2007.

La question restant encore et toujours d’actualité est la suivante : comment
développer les branches d’assurance autres que l’automobile, soit celles qui
sont les plus rentables?
La réponse est dans un même temps toute simple et bien
compliquée : en y attirant les assurés ! Mais comment les en convaincre alors
qu’ils sont en majorité déçus par le produit qu’ils connaissent le mieux,
l’assurance automobile ? Les assureurs, les assurés et tous les autres
prestataires de services intervenant dans l’opération d’assurance automobile
doivent faire un effort pour lever un certain climat de méfiance dans leurs
rapports. Car si l’indemnisation des dommages corporels est devenue légalement
plus encadrée par la loi du 15 août 2005, celle des dommages matériels reste
soumise en majorité aux diverses conventions inter-compagnies. Or, en nombre,
les accidents matériels purs représentent la plus grosse part des accidents
enregistrés sur nos routes. Et ce sont la qualité et la célérité des règlements
de ces «sinistres matériels» mêmes qui sont perçues en priorité par le citoyen
assuré ! Cependant, la fluidité des règlements inter-compagnies n’est pas encore
aussi générale qu’elle devrait l’être, d’où le recours ultime des compagnies à
la Commission de conciliation de la fédération (3) pour les dossiers qui n’ont
pu être réglés par la voie normale (5.101 cas en 2007).

Devant ce dysfonctionnement qui nuit à l’image du secteur dans son ensemble, la
FTUSA a pris les devants et a demandé à la Commission d’étudier les difficultés
d’application des conventions interentreprises afin de leur apporter les
solutions adéquates. Elle est consciente que la fluidité et la bonne qualité des
règlements des sinistres matériels automobile amélioreront considérablement
l’image des assureurs. A l’évidence, l’action ne peut être que globale et
unanime avec tous les intervenants du marché.

Ainsi, grâce à un nouvel instrument législatif (loi du 15 août 2005) et à une
meilleure gestion interne, les assureurs pourront améliorer encore plus les
résultats de la branche automobile. Cela fera diminuer la pression sur les
compagnies qui réviseront leur gestion des règlements des sinistres matériels en
lui donnant plus de fluidité. Cette nouvelle approche se répercutera
immédiatement de façon positive sur l’image que se fait le citoyen de
l’assureur. Il sera alors prêt à envisager la souscription volontaire d’autres
produits d’assurance.