Tunisie : Quand l’ODC diabolise le consommateur


Par Abou SARRA

Certaines parties ont,
ces derniers temps, cette tendance fâcheuse à diaboliser le consommateur et
à lui faire assumer la responsabilité de tous les maux auxquels est
confronté, ces jours ci, le pays : impact de la crise énergétique,
spéculation et supercherie commerciale, hausse des prix des produits
alimentaires de base, déficit hydraulique, dégradation de l’environnement…

 

A regarder leurs
représentants à la télévision et à lire leur communiqué de presse, on a
l’impression que ces parties sont loin d’être fières du consommateur
tunisien et que si jamais elles avaient le choix, elles auraient préféré -ou
du moins seraient tentées d’en importer.

 

La meilleure diatribe a
été, de toute évidence, à l’actif de l’Organisation de Défense du
Consommateur (ODC). Dans un communiqué de presse, le moins qu’on puisse dire
«bizarre», publié le 19 août 2008, l’ODC interpelle le consommateur et tient
à son encontre un discours fort culpabilisant.

 

Dans ce communiqué, rendu
public à la veille du mois de Ramadhan et dans l’objectif de rationaliser
les dépenses, le pauvre consommateur, déjà accablé par la concomitance de
trois rendez-vous de grandes dépenses (l’avènement de Ramadhan, rentrée
scolaire et Aïd El Fitr), est qualifié, en filigrane, de gaspilleur, de
pollueur et de boulimique.

 

Autant de qualificatifs
qui laissent entendre que le consommateur tunisien n’est qu’un égoïste
infecte, indigne de toute urbanité, voire un véritable monstre du moyen-âge.

 

Sous couvert de conseils
moralisateurs, une sorte de prêchi-prêcha ennuyeux, l’ODC n’apporte, dans ce
communiqué, aucune plus-value. Elle ne fait, tout au plus, que ressasser des
recommandations des stratégies mises au point par le gouvernement en vue de
remédier l’ensemble de ces problèmes (maîtrise de l’énergie, économie d’eau,
meilleur ciblage des bénéficiaires de la compensation, lutte contre la
tricherie et la mauvaise qualité…).

 

Au regard du peu de
crédibilité dont jouit cette organisation, depuis sa création, ce communiqué
a toutes les chances d’être contreproductif et de porter, un tant soit peu,
préjudice aux réformes positives engagées par les pouvoirs publics en vue de
rationaliser la consommation.

Pis, le ton utilisé dans
ce communiqué signé par Abdellatif Saddem, président de l’organisation, est,
exagérément, alarmiste.

 

Contrairement aux
assurances fournies par le gouvernement quant à l’approvisionnement régulier
du marché, durant le mois de Ramadhan, et quant au recours à l’importation
en cas de besoin, l’ODC -«plus royaliste que le roi»-, se permet d’évoquer
d’éventuelles pénuries de certains produits agricoles et appelle le
consommateur à faire preuve de compréhension et à s’auto-défendre, comme
s’il était livré à lui-même dans une jungle ou dans un état de non droit.

 

Et si on interpellait l’ODC
à notre tour sur le fond du sujet que son communiqué traite pour lui
demander au nom de quelle logique le consommateur tunisien serait
responsable de la hausse du cours mondial du pétrole ?

 

En quoi serait-il
responsable d’une politique de transport qui n’a pas encouragé, des
décennies durant, le transport en commun (réputé moins énergivore) lequel ne
représente, aujourd’hui, que 40% du transport des voyageurs contre 80% en
Egypte, par exemple?

 

En quoi seraitè-il
responsable d’un mauvais ciblage de la compensation qui, aux yeux de tout le
monde, profite plus aux touristes et aux gens nantis qu’aux gens démunis
(connus pour leur autosuffisance en produits alimentaires et la confection
de leurs propres pain et dérivés) ?

 

En quoi serait-il
responsable d’un éventuel déficit hydraulique qui pourrait être généré par
l’accroissement de l’activité économique, par des équipements inappropriés
ou de mauvais arbitrages entre les priorités sectorielles?

 

En quoi serait-il
responsable de la mauvaise qualité du produit et du service, de la tricherie
et de la supercherie commerciale (vente conditionnée, refus de vente,
spéculation…) ?

 

Par delà les incohérences
de ce communiqué, la question qui mérite d’être sérieusement posée serait de
savoir si l’ODC est, encore, au service du consommateur.