Entre spiritualité et réflexion philosophique, le plasticien tunisien Sami Ben Ameur se dévoile dans toute sa maturité artistique en mettant les questions du siècle au cœur d’un projet singulier autour de l’univers, la résitance et la résilience par l’art. Ses toiles pour la plupart de grands formats sont telle une invitation au voyage dans un univers grandiose et coloré portant les symboles des civilisations.
“Terre spirituelle n’est pas seulement une exposition mais un voyage vers la mémoire et les racines. Couleurs et signes s’entrelacées aux blessures du présent, transformant la toile en témoignage et en espérance. Entre terre et esprit naît la question de l’homme, et s’ouvre un nouvel horizon de sens”, explique le plasticien dans le catalogue de l’exposition dont le vernissage a eu lieu, vendredi soir, au palais Kheireddine.
Des mots qui résument tout le concept de cette nouvelle exposition installée à la galerie du rez-de-chaussée du palais au cœur de la Médina de Tunis. Le plasticien présente une sélection de 35 œuvres récentes qui « s’élèvent telles des terres vierges, construites par strates colorées, effacements et superpositions, entre transparence et mystère”, dans cette exposition vente qui se poursuit du 3 au 31 octobre 2025.
●L’art contre l’oubli, la marginalisation et le fanatisme
“Ce projet est la synthèse d’un parcours artistique et intellectuel au cours duquel pendant plus de deux décennies, je me suis consacré à la thématique de la “terre” en tant que symbole existentiel. Aujourd’hui, elle s’ouvre à des dimensions plus transparentes et à une profondeur plus spirituelle”, peut-on lire dans l’introduction intitulé “Terre spirituelle – Esthétique de la Mémoire et de la résistance”, soigneusement écrite par le plasticien et historien de l’art.
Il est important de rappeler que l’expertise de Sami Ben Ameur en tant qu’artiste, historien et professeur émérite de l’Université de Tunis auteur de plusieurs ouvrages spécialisés sur l’histoire de l’art, avait servi notamment aux préparatifs de l’exposition inaugurale du Musée national d’art moderne et contemporain, parallèlement à l’ouverture de la Cité de la Culture en mars 2018.
Depuis ses expositions “La Terre vénérée” et La Terre originelle”, le plasticien a toujours était habité par les questions de l’univers qui se traduit dans des approches plastiques imprégnées de spiritualité dans une tentative de percer certains de ses mystères. Une orientation qui se traduit avec plus de profondeur dans ce thème artistique “Terre Spirituelle que le plasticien qualifie d’ “un acte de résistance esthétique face à l’oubli, à la marginalisation, au vide, à la violence gratuite, aux épurations ethniques et au fanatisme, Gaza sous nos yeux un exemple tragique”.
●Méditation autour de la mémoire, de l’humain et de la terre
Connu pour sa peinture matiériste mêlant signes anciens, gestualité expressive et sensibilité tactile profonde, Ben Ameur développe dans cette nouvelle exposition une nouvelle série où la terre — dans sa dimension intime, originelle et spirituelle — devient un territoire d’amour, de silence et de résistance. Entre abstraction et suggestion, ses toiles, souvent de grands formats ronds ou carrés, convoquent des univers symboliques où se croisent le ponctuation des civilisations, l’éclat du noir et blanc, et une quête d’harmonie universelle.
Nourri par ses multiples voyages, Ben Ameur présente une belle série de toiles en petits formats aux appellations aussi profondes et exotiques : Le Souffle de la Terre porte le signe du Yaz, symbole de l’homme libre chez les Amazighs. Naissance de la Paix porte l’image d’une colombe comme symbole universel de paix, de pureté et de spiritualité, traversant cultures et religions.
La Gardienne des Saisons est l’image d’une tortue comme symbole chez les autochtones du Québec au Canada, représentante la longévité, la protection et la sagesse. Elle incarne cet équilibre quelques part perdu entre l’homme et la nature et lance un appel à l’urgence de respecter notre Terre-Mère.
Les Oiseaux de l’Amour Eternel offre une image haute en couleurs d’un couple d’oiseaux, métaphore de l’amour, de la beauté et de la résilience qui se traduit dans ce symbole des amoureux éternels chez les ethnies indigènes des Tainos, principalement aux Caraïbes.
Sans oublier Tanit, symbole de l’histoire Carthaginoise et Phénicienne, la déesse de la fécondité, de la protection et de la vie qui se renouvelle qui est représentée dans une toile baptisée Tanit, matrice d’éclats scintillants.
“Dans cette série les symboles jaillissent les profondeurs des temps, porteurs de valeurs humaines éternelles: le respect, l’amour, la mémoire, la paix, la résistance, la spiritualité et l’unité humaine”, a déclaré l’artiste historien de l’art qui revient avec une exposition personnelle qui interroge la condition humaine contemporaine marquée par la perte de valeurs fondamentales, tout en creusant dans la mémoire des peuples et sa formation académique en tant qu’ancien diplômé de l’Ecole des Beaux arts de Tunis et de la Sorbonne à Paris.
Dans une époque de plus en plus dominée par les conflits et les guerres et où la cupidité et la vanité humaine font la loi, l’artiste-plasticien et les créateurs en général ne peuvent se détacher de ce qui se passe autour d’eux. Le contexte actuel nous interpelle tous, artistes, penseurs, écrivains et médias dans l’ambition de protéger ce qui reste de notre humanité avec toute notre vulnérabilité.
Cette conjoncture où règne une mondialisation envahissante ayant notamment façonné notre quotidien aussi bien que notre environnement naturel de plus en plus menacé, nous place devant nos vérités dans l’espoir de trouver un sens à l’encensé.