En 2019, Sodexo Tunisie, avait annoncé le lancement de sa Carte à puce Repas privative. La nouvelle carte permet l’accès à un large réseau de commerces de restauration et de supermarchés équipés de terminaux de paiement bancaires.

La solution de dématérialisation a été mise en place par l’équipe de Sodexo Tunisie en partenariat avec la Société monétique Tunisie. Le programme de digitalisation du premier fournisseur des tickets repas en Tunisie continue de plus belle avec d’autres solutions dont le mobile payement.

Le point avec Slim Ben Ammar, DG de Sodexo:

Pourquoi estimez-vous la digitalisation importante aujourd’hui ?

Dans le monde entier il n’y a plus de papier. Le marché mondial des tickets repas est en train de basculer vers la carte et le mobile. A Sodexo, nous développons nombre de solutions dont le mobile paiement. Avec un QR code vous avez tout. La solution est déjà là et elle n’a pas été facile. Pour créer le réseau, il fallait convaincre les commerces et la tâche n’a pas été aisée.

Notre action a été porteuse et nous avons réussi à intégrer tous les supermarchés et toutes les grosses enseignes dans la logique de digitalisation. Il y a le titre restaurant, mais aussi le titre cadeaux et le titre habillement.

L’opération est simple : à l’instar d’une carte bancaire, il suffit pour le salarié d’insérer la nouvelle carte à puce destinée à remplacer les tickets restaurants « papier » dans le Terminal de Paiement Electronique (TPE) d’un restaurant partenaire et de saisir son code confidentiel pour voir le paiement accepté.

Des produits différents peuvent figurer sur une même carte multi wallet. J’explique : ce sont des cartes multicanales si l’on peut dire. Le montant consacré au restaurant ira au restaurant par le biais d’un réseau spécifique, l’habillement à l’habillement et ainsi de suite. Donc, sur la même carte vous pouvez avoir le wallet repas et le wallet habillement.

Vous êtes président de la chambre nationale des émetteurs de titres repas et de services à l’Utica, qu’en est-il de l’évolution de la digitalisation dans les autres sociétés de distribution des tickets repas ?

En tant qu’acteur fermement convaincu de l’importance de la digitalisation dans un monde qui avance à une grande vitesse, nous avons pris le lead. Nous sommes pratiquement dans les 70.000 cartes qui circulent ce qui est appréciable. Nous sommes en train de migrer petit à petit. Comme je vous l’ai déjà mentionné, nous avons intégré les supermarchés en coordination avec la SMT. Tous les opérateurs sont en train de concevoir des solutions comme nous.

Donc, à partir du moment, où tout le monde adhère au digital, il n’y aura plus de tickets restaurants ?

Bien sûr, nous allons vers l’empreinte carbone. Nous économiserons du papier et du gasoil. Nous livrons la carte une fois et nous la chargeons à distance. Si jamais vous êtes à Sfax, à Sousse ou à Tozeur vous êtes approvisionné directement. Tout est dans le serveur. Le commerçant aura la traçabilité de ses opérations, cela permettra la formalisation d’une économie qui fonctionnait en dehors des circuits officiels. Le commerçant gagne au change car il a un chiffre d’affaires supplémentaire, l’Etat aussi à travers les impôts.

Nous sommes actuellement à 10% d’intégration digitale, d’où la nécessité que l’Etat accompagne cette évolution. Une carte de tickets repas et restaurant doit être totalement exonérée. C’est gratifiant pour tout le monde. Le développement des activités des titres repas et de services crée de l’emploi dans la restauration. Pour servir des repas à 100 personnes par jour, il faut 6 emplois. Ce sont là des normes internationales. Imaginez 10.000 repas, nous créerons 600 emplois. Aujourd’hui, nous pouvons créer beaucoup d’emplois dans la restauration avec un service dédié, tracé et fiscalisé. Ce sont des activités créatrices de valeurs qui boostent le pouvoir d’achat.

Pourquoi l’exonération des cartes est importante ?

L’exonération est importante pour encourager l’entreprise à l’offrir. L’activité n’est pas exonérée de l’IRPP, c’est désolant. Nous parlons d’impôt sur le revenu des personnes physiques, sachant qu’il y a aujourd’hui une grande discrimination entre le public et le privé ce qui a été souligné un million de fois et c’est anticonstitutionnel.

S’agissant des chèques repas, le privé est exonéré de la CNSS mais pas de l’IRPP. Le public, en revanche, est financé par le budget de l’état à travers les amicales et est exonéré des deux. Pourtant, le statut est le même. Ils sont des employés dans le privé ou dans le public. C’est discriminatoire et cela prive l’Etat et l’économie d’activités porteuses et gratifiantes pour tout le monde.

Y-a-t-il une offre de tickets repas et services dédiée aux toutes petites entreprises et commerces ?

Je pense que la digitalisation de nos services et offres représente une grande opportunité pour les petites structures. Le digital est un levier d’inclusion financière. Si le vendeur de sandwich peut avoir la TPE ce qu’il n’a pas maintenant et qui n’arrange pas la banque, on lui livre un TPE, et il entre dans le cercle de la digitalisation,

Mais les petites entreprises n’ont que deux ou trois personnes, comment leur consacrer un produit dédié ?

Il ne s’agit pas de nous. Pour les toutes petites entreprises, c’est l’exonération de l’IRPP qui peut changer la donne. Nous avons proposé de concevoir une carte dédiée exclusivement à la restauration parce que c’est une activité lucrative, on y crée de l’emploi, de la valeur, on améliore l’hygiène alimentaire et on préserve la santé. C’est mieux que de donner une carte pour aller dans un supermarché.

Selon nos études sur les budgets des salariés, les jeunes qui ont de gros salaires vont dans les grands restaurants, les personnes avec familles et un salaire un peu plus faible, achètent les denrées alimentaires. La demande dans la restauration peut augmenter. Aujourd’hui, il y a des parents qui acquièrent des cartes repas pour leurs enfants.

La digitalisation peut aussi servir dans la surveillance de la consommation de l’enfant. Le parent qui prend une carte pour son enfant, s’assure d’abord que la carte ne peut servir que dans un restaurant et peut surveiller même les habitudes alimentaires de son enfant.

Qu’est ce qui bloque alors ?

Comme d’habitude, une décision politique. Il faudrait que les autorités nous écoutent parce que c’est dans leur intérêt. Il faut exonérer pour encourager les petits commerces à adopter la logique de la digitalisation. Dès lors que j’offre un service digital, les commerçants acceptent cette composante qu’ils refusaient avant.

Et puis il y a la facture numérique, mais on n’en parle plus. La TTN marche aussi au ralenti.  On parle de l’empreinte carbone, que faisons-nous pour avancer à ce niveau. Nous sommes à la traine des autres pays ! Pourquoi voulez-vous que je me déplace de Ben Guerdane à Tunis pour un service qui peut être assuré à travers le réseau digital ? J’ai quatre milles clients, pourquoi se déplacer vers les quatre milles clients alors que le digital existe, et que je peux leur envoyer une facture en bonne et due forme avec un QR code. Vous imaginez ce que nous sommes en train de perdre bêtement ?

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali