Du 26 au 29 juin, au Parc du Kram, se tient le premier sommet digital tunisien : Le Bigtech, où il ne sera question que de nouvelles technologies, d’intelligence artificielle et de big data, une puissance qui influe de plus en plus sur le devenir des nations. Skander Haddar, fondateur et CEO de TPM et mordu d’innovations technologiques et de startups, ambitionne, en organisant cet événement, de repositionner la Tunisie en tant que pôle technologique en Afrique.

 

Le point sur le Bigtech Tunisia 2024, dans l’entretien ci-après avec Skander Haddar :

Pourquoi s’être orienté vers l’organisation d’un événement orienté sur Le Bigtech ? Qu’est ce qui a motivé votre choix ?

Après de nombreuses manifestations orientées nouveaux métiers et technologies, le comité d’organisation du TDS a décidé de monter d’un cran en lançant le Bigtech 2024 en Tunisie. Un grand événement dédié aux technologies, aux startups et au digital opérant sur le continent africain et au Moyen-Orient. En fait, le Bigtech est un jalon de plus dans notre parcours en tant que fervents défenseurs des nouvelles technologies que nous estimons déterminantes pour le futur de l’humanité.

Le Bigtech, comprendra 5 événements colocalisés : la 8ème édition de TDS : le Tunisia Digital Sumit, la 3ème édition d’afric’up : le Sommet des Startups Africaines, la 2ème édition de Job Fair : Recrutement des talents et des jeunes compétences, la 1ère édition de Developer Days : La communauté des ingénieurs et des développeurs et la 1ère édition de GEEC : La communauté de l’eSport et du gaming.

Donc au mois de juin prochain, pendant 3 jours, au parc d’Exposition du Kram, il sera uniquement question d’innovations technologiques, d’intelligence artificielle, de startup et d’ingénierie.

Estimez-vous le marché tunisien assez mûr pour absorber des activités hightech ?

Le marché national est un très petit marché en matière de consommation technologique. En Afrique, les pays les plus avancés sont l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigéria et le Kenya. La Tunisie est, en revanche, un grand marché s’agissant des compétences technologiques et en tant que modèle dans l’usage des technologies. Nous ne représentons pas un marché intéressant pour un géant comme IBM mais il est dans nos cordes de créer un pôle, une plateforme régionale intéressante pour nos jeunes surdoués qui émigrent à la recherche de nouveaux horizons et récupérer notre place en tant que pays précurseur dans les nouvelles technologies.

Et vous pensez que grâce au Bigtech, vous pourrez réaliser cet objectif ?

Pour que la Tunisie progresse dans le domaine technologique, nous avons besoin d’un événement majeur pour attirer les investisseurs. Un investisseur ne peut pas simplement venir en Tunisie dans l’ignorance des avantages, des facilités, et sans un écosystème encourageant. Il faut un tapage médiatique, des relations publiques, un cadre législatif solide et une synergie entre les différents acteurs opérant dans les hautes technologies et intéressés par leur développement. Cela inclut les startups, les entreprises technologiques, les grandes firmes, les entreprises industrielles, commerciales et de services, les organisations non gouvernementales tunisiennes travaillant dans le domaine des technologies et nos compétences résidentes à l’étranger qui ont des projets de transformation numérique et bien entendu les pouvoirs publics. Organiser un événement de très haut niveau est essentiel. La décision d’investir ne dépend pas uniquement de la législation, mais aussi de la qualité de l’organisation, du plaidoyer et de l’argumentaire présentés. Nous ne pouvons pas nous contenter d’événements modestes dans des hôtels. Pourquoi ne voyons-nous pas grand en Tunisie ? Nous avons le droit d’avoir de grandes ambitions. Piourquoi ne pas envisager un événement grandiose qui rassemble plusieurs initiatives, à l’image du Gitex de Dubai ? D’autres pays, comme le Maroc, ont réussi à attirer des événements de grande envergure, tels que le Web Summit. Cela nécessite une décision politique forte et un engagement de l’État. En tant que Tunisie Digitale Summit (TDS), nous avons investi beaucoup et nous avons une vision claire. Nous devons positionner la Tunisie en bonne place sur la scène internationale. Il est, d’ailleurs, temps de nous demander pourquoi nous ne parvenons pas à organiser un événement de cette envergure dans notre propre pays alors que nous avons tous les atouts.

Quelle sera la place des startups dans votre événement ?

En Tunisie, nous avons environ 1000 startups labellisées, dont plus d’une centaine sont implantées à l’international. Nous avons établi des contacts avec ces startups, et leur réaction a été positive. Les startups jouent un rôle essentiel dans la réussite de pareil événement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les startups offrent des produits complémentaires aux grandes entreprises et en prime de l’innovation. Les grandes entreprises en ont besoin pour rester compétitives. Parallèlement, les startups ont un besoin crucial d’accéder à de grands marchés et à un financement international. Participer à des événements internationaux est essentiel pour y parvenir. Nous devons, nous avons le devoir de penser aux centaines, voire aux milliers de startups potentiellement intéressées et aux opportunités qu’elles pourraient trouver en étant présentes à une manifestation telle que le Bigtech auquel des bailleurs de fonds, de fonds, des fonds de capital de risque et des business Angels ont été invités. Pour créer une pépinière de startups florissantes, nous devons travailler avec un grand nombre d’entre elles. La Tunisie doit être le marché émetteur de startups.

En Tunisie, nous avons environ 1000 startups labellisées, dont plus d’une centaine sont implantées à l’international.

Est-ce que la logistique suit ?

Pour cela, nous devons améliorer notre infrastructure, notre logistique et notre réseau. Notre initiative vise à encourager cette évolution. Nous souhaitons que les startups tunisiennes s’internationalisent tout en créant de la valeur ajoutée localement. La France et l’Allemagne attirent des startups grâce à leurs avantages, et la Tunisie doit faire de même en améliorant le cadre réglementaire, en développant un écosystème encourageant pour les startups nationales mais aussi en attirant des startups africaines. Les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer. Ils doivent les encourager, les encadrer et leur fournir les moyens nécessaires pour évoluer et réussir. La Tunisie, à travers Star-Africa, est en train de devenir un acteur majeur de l’écosystème des startups. Nous sommes convaincus que l’avenir des startups tunisiennes est prometteur, et nous continuerons à œuvrer pour leur développement et leur succès.

La Tunisie, à travers Star-Africa, est en train de devenir un acteur majeur de l’écosystème des startups

Comment selon vous inciter les politiques à investir plus dans les nouvelles technologies et dans les start-up ? La Tunisie a été précurseur dans la mise en place du Startup Act 1, elle risque de devenir à la traîne alors que d’autres pays qui l’ont suivie avancent à pas géants ?

La Tunisie a été un pionnier dans la création du modèle startup en 2019, il est vrai aussi que d’autres pays africains, tels que l’Algérie, le Sénégal et le Rwanda, ont adopté ce modèle et progressent rapidement. Pour renforcer l’écosystème des startups en Tunisie, il faut :

-reconsidérer le cadre juridique est essentiel. Cela inclut des réglementations claires et des incitations pour encourager l’innovation et l’investissement ;

-encourager l’Open innovation : renforcer la collaboration entre les startups et les entreprises est crucial. Les grandes entreprises peuvent bénéficier de l’innovation des startups, et vice versa. Il est important de créer des ponts entre ces deux mondes ;

– faciliter le financement des startups : l’accès aux investisseurs est essentiel pour leur croissance ;

-organiser des événements internationaux, comme le Big Tech, peut attirer des investisseurs du monde entier.

Nous devons travailler avec des fonds internationaux pour soutenir les startups tunisiennes. Même sans des géants comme IBM, Google ou Microsoft, la Tunisie peut créer un écosystème du digital solide. Cela implique de mobiliser les acteurs locaux, de promouvoir l’innovation et de favoriser la collaboration entre les startups, les entreprises et les experts en technologie de pointe. En résumé, la Tunisie a un grand potentiel et peut être un site attractif pour les startups. En travaillant ensemble, nous pouvons créer un environnement favorable à l’innovation, à l’investissement et à la croissance des entreprises technologiques.

Quelle sera la part de l’intelligence artificielle dans votre manifestation ?

L’intelligence artificielle (IA) est un domaine crucial qui envahit le monde entier. La Tunisie a un potentiel considérable dans ce domaine. Bien que je ne sois pas un spécialiste de l’IA, je peux vous dire que nous avons des experts tunisiens et des entreprises qui s’orientent de plus en plus vers l’IA et y investissent avec conviction. L’initiative du Big Tech vise à mettre en avant les avancées de l’IA et à rassembler des experts nationaux et internationaux. Nous voulons créer un espace où les participants peuvent apprendre, discuter et échanger sur des sujets passionnants liés à l’IA. La Tunisie ne doit pas manquer le virage de l’IA, et nous avons encore l’opportunité de jouer un rôle significatif dans ce domaine. Créer des débats et susciter l’engouement autour de l’IA est essentiel. Nous devons mobiliser la communauté et travailler ensemble pour façonner l’avenir de l’IA en Tunisie. Nous sommes précurseurs, et il est temps de renforcer notre position dans ce domaine.

Dans ce cadre, nous avons signé une convention de partenariat stratégique et scientifique avec l’association “Tunisian AI Society” qui regroupe les meilleures compétences tunisiennes en AI dans le monde, TAIS, nous accompagne non seulement dans l’élaboration du programme IA, mais participe également avec ses intervenants et son réseau d’experts. TAIS est un co-organiseur du Big tech 2024 dans le domaine de l’IA .

Avez-vous pris contact avec le ministère des Technologies de communication ou la présidence du gouvernement pour un appui dans l’organisation du Bigtech, si oui, quelle a été leur posture ?

Le Bigtech n’est pas simplement un salon, mais un investissement pour le secteur privé, le secteur public et la société civile. Il est donc naturel, alors que nous avons pris cette initiative audacieuse malgré un contexte difficile, que les autorités publiques nous soutiennent car c’est grâce à pareilles initiatives que nous pouvons développer les économies de demain dans notre pays. Nous collaborons depuis des années avec la présidence du gouvernement et le ministère des Technologies de communication qui, cette fois-ci, le ministère de la Technologie ne nous accompagne pas. Nous espérons obtenir son appui à l’avenir. Je dois toutefois mentionner que nous avons été très soutenus par le ministère des Affaires étrangères pour lequel nous sommes reconnaissants car il joue un rôle efficient dans la diplomatie économique. Le ministère du Tourisme contribuera à améliorer l’expérience des visiteurs et des participants au salon, en veillant à leur accueil dès leur arrivée à l’aéroport jusqu’à leur participation aux activités informelles.

Le Bigtech n’est pas simplement un salon, mais un investissement pour le secteur privé, le secteur public et la société civile.

Combien de stands, de visiteurs et de participants attendez-vous à votre événement ?

300 exposants répartis sur 5000 m2, 150 Grandes Entreprises ayant des projets de transformation digitale et des acteurs leaders dans les technologies et le numérique seront des nôtres, 1 pavillon sera dédié à 100 startups, 3 pavillons pays, plusieurs pavillons à thème : Smart city, mobility, IA, Industrie 4.0….

Pendant 3 jours, 30 workshops, panels et Keynote, seront animés autour deL’IA, de la transformation globale” et d’autres thématiques emblématiques.

Nous attendons 1000 visiteurs internationaux et environ 20 000 participants tunisiens. C’est une opportunité exceptionnelle pour échanger des idées et créer des partenariats. En marge du Bigtech, il y aura une formation en intelligence artificielle adressée à 200 ou 300 jeunes. Ils auront aussi l’occasion d’apprendre des experts et d’explorer des opportunités d’emploi. Pour la première fois en Tunisie, nous organisons le Développer Days, un événement spécifique destiné aux développeurs, ingénieurs et décodeurs. Nous avons prévu une dizaine d’ateliers animés par des experts de haut niveau dans divers domaines technologiques. Conférenciers de renom : Parmi les conférenciers confirmés, nous avons Jamel Gafsi, une compétence tunisienne de premier plan. Usama Fayyad, considéré comme le père spirituel de l’intelligence artificielle, sera également présent. Imed Zitouni de Google partagera son expertise dans le domaine. Ces noms prestigieux contribueront à faire du Big Tech un événement inoubliable. Nous sommes fiers de promouvoir l’innovation et de mobiliser la communauté pour façonner l’avenir de la Tunisie dans le domaine de la technologie.

Nous attendons 1000 visiteurs internationaux et environ 20 000 participants tunisiens.

L’apport de notre partenaire stratégique et scientifique en IA : “Tunisian AI Society” dans ce programme est d’une grande valeur, un exemple de synergies entre les compétences tunisiennes en Tunisie et à travers le monde afin de promouvoir l’IA en Tunisie
TAIS est co organisateur avec TPM du BigTech 2024 pour l’axe IA

Quel est votre intérêt en tant qu’entreprise privée dans l’organisation de pareil événement ?

L’ambition d’être à l’avant garde d’une économie qui façonnera l’avenir de l’humanité. Le Big Tech représente un investissement significatif. Pour réussir un événement d’une telle envergure, il faut mobiliser des ressources importantes. Organiser des événements internationaux avec du contenu de qualité, des activités variées et une expérience enrichissante pour les visiteurs nécessite des moyens conséquents. Notre objectif est de positionner la Tunisie sur la scène internationale de la technologie. Considérez donc que nous investissons dans l’avenir et que nous croyons fort que cela finira par payer. Nous avons foi en la Tunisie et nous estimons important de mobiliser experts et intervenants de renom pour rehausser son image. Le contenu doit être riche, alliant business, innovation, culture et tourisme. Nous sommes heureux d’avoir intéressé des opérateurs téléphoniques comme Orange qui, nous l’espérons, acceptera d’être notre partenaire.

Une petite clarification pour terminer : nous ne demandons pas aux startups de payer leur participation. Notre objectif est d’obtenir un appui public et privé pour les financer et nous espérons que le Bigtech leur permettra d’avoir des financements et des appuis.

Propos recueillis par Amel Belhadj Ali