Le théâtre antique de Carthage a renoué, lundi soir, avec de la bonne musique et son ancienne scénographie dans un spectacle de très haut niveau donné par deux fameuses formations musicales instrumentales, le trio Taksim de Turquie et le trio Joubran de la Palestine.

Ce spectacle tant attendu par les passionnés de la musique instrumentale, était initialement programmé pour la soirée du 4 août dans le cadre de la 57ème session du Festival international de Carthage. Il avait été reporté pour celle du 14 du mois en raison des conditions météorologiques qui n’étaient pas favorables pour les représentations en plein-air.

La musique instrumentale rarement présente cette année à Carthage s’invite cette fois-ci dans un spectacle mémorable où des sonorités qui parlent à l’âme ont harmonieusement accompagnés certaines prestations vocales envoûtantes au programme.

Un parfum d’Istanbul avec le trio Taksim

La soirée a démarré avec le célèbre trio Taksim et ses mélodies venues des rives du Bosphore pour une ballade instrumentale dépaysante.

Quand le spectacle a démarré, certains spectateurs dont des retardataires se dépêchaient pour regagner leurs places sur les gradins et dans la zone des chaises. Peu de temps après, la musique a imposé un silence majestueux en la présence de tant de beauté sonore venue d’ailleurs.

Le trio composé de Hüsnü Senlendirici à la clarinette, Aytaç Dogan au qanun et Ismail Tunçbilek au saz (baglama en turc), a interprété des partitions musicales qui puisent dans le riche patrimoine sonore de la Turquie. Ses mélodies envoutantes ont été adaptées à la musique arabe à travers des morceaux arrangés de célèbres chansons orientales comme ” Al Lila Welila ” (Om Khalthoum) du célèbre compositeur Baligh Hamdi, et autres pour pour Abelhalim ou encore Dhekra.

Le trio a notamment fait un clin d’œil au patrimoine musical tunisien en interprétant en version instrumentale ” aouadaouni “, de la chanteuse disparue Saliha, qui est un tube largement repris.

Un parfum d’Istanbul et ses beaux paysages sur les rives du Bosphore s’est répandu sur la scène du théâtre antique de Carthage. Douceur, raffinement et virtuosité caractérise ce trio dont la musique est porteuse de sérénité et de quiétude.

Le trio Taksim dont l’appellation renvoie au célèbre quartier de Taksim au cœur d’Istanbul est aussi un terme en usage chez les artistes (taqsim) qui désigne l’improvisation en musique classique turque. Ses compositions constituent une fusion magique entre les sonorités orientales et contemporaines à influence jazz, flamenco et musique du monde.

A l’issue de son spectacle, le trio Taksim a déclaré aux médias ” le festival de Carthage est assez important et unique “. Pour ce premier spectacle en Tunisie, le trio d’artistes dit avoir eu l’impression d’être vraiment chez lui.

Se produire sur scène demeure pour eux “un moment assez privilégié destiné à ceux qui l’apprécient à sa juste valeur”. Leur vision est que la musique constitue “un moyen de rapprocher l’artiste de son public et en sa présence toutes les barrières s’estompent”.

Ce fameux trio est une référence sur la scène musicale turque et au-delà. Ses performances associant la musique traditionnelle, les musiques classiques et le jazz ont fait sa célébrité et sa grande notoriété auprès du public et les grands artistes avec lesquels il collabore.

Trio Joubran : véritable ambassadeur des Palestiniens

En deuxième partie de la soirée, la promenade a continué avec les frères Joubran dont la performance embarque le spectateur vers d’autres lieux et des sensations aussi paisible que mélancoliques.

Les solistes Samir, Wissam et Adnan, des spécialistes du luth (luth oriental), étaient accompagnés de l’Iranien Habib Maftah et de leur compatriote Youssef Hbeisch (percussions). Dans leurs créations musicales, le trio propose une fusion sonore d’un niveau supérieur.

Le luth est le messager de leurs émotions, leurs moments de joie et leurs doléances. Il est cette voix unique traduisant leur créativité et transmettant leur vision du monde et de la réalité de leur patrie dont la liberté est prise en otage.

Virtuosité, complicité et harmonie font la particularité de ce trio de frères unis par leur passion pour la musique dont ils ont hérité de leurs parents.

Ce trio issu de Nazareth aux Territoires occupés mène une carrière internationale entamée en 2004. Depuis sa résidence parisienne, il a pu s’imposer dans la haute sphère de la musique instrumentale à travers des concerts dans plusieurs pays du monde en Europe, en Amériques aussi bien qu’en région arabe.

Véritables ambassadeurs des Palestiniens et des voix opprimées de leurs compatriotes sur les territoires occupés, les frères Joubran sont de grands fans de leur compatriote Mahmoud Derwich. La poésie de ce dernier était au cœur de leur spectacle ravivant l’œuvre d’un poète d’exception avec lequel ils partagent leur amour pour leur patrie, la Palestine, en créant une belle harmonie entre verbe et sonorité.

Le public de Carthage a donné une standing ovation pour ce spectacle qui était tout simplement fantastique et exceptionnel.