Les femmes cheffes d’entreprises ont tendance à opérer avec un chiffre d’affaires inférieur à celui de leurs homologues masculins, mais elles ont eu, en 2022, plus de nouveaux clients ou marchés que les hommes, selon les résultats de l’enquête de la sixième édition du MIQYES, le baromètre de la santé de la PME tunisienne.

En effet, 60,9% des femmes interrogées ont déclaré gérer des entreprises avec un chiffre d’affaires de moins de 500 000 dinars, tandis que cette proportion s’élève à 46,3% chez les hommes, selon l’enquête réalisée entre le 9 janvier et le 4 avril 2023, sur un échantillon de 551 entreprises dont 100 portées par des femmes.

Elaboré par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT), en collaboration avec le cabinet HLB GSAudit& Advisory et l’institut de sondage One to One “MIQYES”, le rapport met un focus dans cette édition sur les femmes cheffes d’entreprise et a touché l’ensemble des 24 gouvernorats.

57,5% des entreprises sondées ont eu de nouveaux clients ou de marchés, dont 56,9% des sociétés gérées par des hommes, contre 67% gérées par des femmes. Cependant, 39,6% des entreprises ont perdu, en 2022, des clients ou des marchés, dont 41% sont des hommes et 32% sont des femmes.

Par conséquent, le rapport indique que les femmes entrepreneures enregistrent en moyenne des bénéfices de 34% inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, et ont un plus faible chiffre d’affaires et emploient moins de personnes.

Relance économique en 2022 et optimisme pour 2023

Globalement, les entreprises ont connu une relance économique en 2022, avec une augmentation du chiffre d’affaires pour 36,8% des personnes interrogées par rapport à l’année précédente, contre 14,9% en 2020, a fait ressortir l’enquête dans laquelle les femmes cheffes d’entreprise ont partagé leur perception sur l’impact du genre dans leur rôle de dirigeantes d’entreprises.

Toutefois, ces chiffres ne sont pas encore aussi élevés qu’en 2019, qui étaient de 45,4%, selon l’enquête.

De plus, 29% des entreprises ont effectué des investissements en 2022, contre 15,5% en 2020 et 36,2% en 2019.

Les entreprises sont également plutôt optimistes pour l’année 2023, avec un taux de confiance de 63,6%, en particulier chez les femmes (73%).

D’ailleurs, 51% des entreprises sondées envisagent d’investir en 2023, dont 51,4% sont des hommes et 46,9% sont des femmes, selon les résultats de MIQYES présentés par Mourad Ben Mahmoud, du cabinet HLB, et Youssef Meddeb, de l’Institut de sondage One to One.

Côté éducation, le Baromètre révèle notamment que 34,8% des dirigeants d’entreprises ont un niveau Bac+5 et 24,5% ont un niveau secondaire. La physionomie du premier responsable côté éducation et croisé par le genre a révélé que 41% des femmes dirigeantes d’entreprises ont un niveau de Bac+5, contre 32% pour les hommes. 24% et 24,4% des hommes ont un niveau secondaire, contre 10% pour les femmes.

51,1% des entreprises ont obtenu une réponse négative pour les crédits d’investissement

Les femmes sont plus axées sur le marché local et 28,8% d’entre elles sont intéressées par l’export, contre 32,9% des hommes sondés.

Le sondage indique une baisse d’intérêt des PME pour les marchés publics, passant de 30,3% en 2020, à 27% en 2022, dont 28% sont des hommes et 12,1% sont des femmes cheffes d’entreprise.

MIQYES a mis l’accent sur un regain du rapprochement des banques. Ainsi, 31,9% des entreprises sondées ont obtenu des crédits de gestion, contre seulement 17,1% en 2020.
Globalement, 34% des entreprises ont déposé une demande de financement auprès d’une institution financière en 2022.

Pour les crédits d’investissement, 51,1% ont obtenu une réponse négative, 26,6% ont obtenu le montant demandé et 22,3% ont eu un montant partiel.

En général, les femmes se sentent beaucoup plus confortables par rapport à l’obtention des financements, vu qu’elles demandent des montants plus importants que les hommes.

Au sujet de la fréquence de l’exposition à la corruption, 36,2% des entreprises n’ont pas voulu en parler, contre 12,5% en 2020, mais les hommes sont plus légèrement exposés à la corruption, tandis que les femmes sont plus vulnérables à ce sujet.

Toujours selon MIQYES, la RSE n’arrive pas à décoller en Tunisie, avec une proportion de seulement 10,2% des sondés qui connaissent ce concept.

Dans leurs réponses, seulement, 59% des femmes cheffes d’entreprise ont souligné qu’il est plus difficile ou beaucoup difficile de trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Nécessité de créer plus de banques d’investissement

Le président de la CONECT, Tarek Chérif, a appelé à favoriser la présence des PME au niveau des marchés publics, soulignant que les PME post-Covid-19 traversent une conjoncture financière difficile qui requière de l’oxygène afin de leur permettre de pallier à la sous-capitalisation.

Cette situation, a-t-il ajouté, ne peut s’améliorer sans relever le défi du blocage administratif ou sans l’intervention du système financier.

Il a rappelé que le tissu financier est composé de banques généralistes, soulignant la nécessité de créer plus de banques d’investissement, dont le nombre s’élève actuellement à deux.

Depuis 2016, l’étude MIQYES “Baromètre de la santé de la PME”, offre un panorama complet des réalités et des perspectives des PME en Tunisie, en identifiant leurs atouts et leurs faiblesses, ainsi que les obstacles internes et externes qui entravent leur développement.

Chacune des éditions (hormis celle de 2017) a mis l’accent sur un contexte particulier de la PME. Ces focus ont porté sur les TPE, sur les régions du sud, sur les PME à capitaux étrangers et, suivant le contexte, pendant 2 années consécutives sur l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur les PME en Tunisie.

La 6ème édition de MIQYES a mesuré la santé des PME en cette phase post-COVID-19 avec un focus sur les PME dirigées par les femmes. En effet, les femmes ont longtemps été sous-représentées dans le monde de l’entreprise alors que l’importance de l’entrepreneuriat féminin pour la croissance économique est bien documentée, selon une note de la CONECT.

Les femmes qui travaillent dans le milieu des affaires, qu’elles soient dirigeantes d’entreprises ou entrepreneures, sont souvent limitées par des problèmes sociaux, politiques, familiaux et économiques, tels que l’équilibre entre leur travail et leur vie personnelle et l’incertitude des investisseurs.

Les rôles de genre ont également un impact sur l’écosystème de l’entrepreneuriat, en particulier dans les régions où les normes de genre dominent, selon la même source.