Comme des répondeurs automatiques, faux experts, “économicistes“ et autres nostalgiques du maquillage systématique des chiffres au temps de Ben Ali, ont réagi, en chœur, sur leurs pages face book, de manière cafardeuse et alarmiste à la dégradation par l’agence de notation américaine Moody’s de la note souveraine de la Tunisie à long terme, en devises et en monnaie locale, de B3 à Caa1.

Dans le langage rébarbatif de cette agence, cette note signifie qu’elle est de “mauvaise qualité“ et “contreproductive“ pour la Tunisie. Concrètement, avec une telle note, la Tunisie aura de sérieuses difficultés pour attirer les investisseurs extérieurs et pour lever des fonds sur le marché financier international.

Empressons-nous toutefois de signaler que ce rating ne veut aucunement dire que la Tunisie est en défaut ou très proche du défaut de paiement.  Mieux, la Tunisie, avec des réserves en devises de plus de 20 milliards de dinars environ (chiffres de la BCT), n’est pas en faillite.

Dans leur réaction, ces faux experts, en Cassandre professionnelles, ont présenté cette dégradation comme le plus grand malheur qui peut à la Tunisie et à l’équipe qui gère actuellement l’économie du pays, en l’occurrence le gouvernement de Najla Bouden.

Certains, les nahdhaouis et acolytes, aveuglés par leur haine vis-à-vis de l’acte de « rupture révolutionnaire du 25 juillet 2021 », vont jusqu’à faire assumer les conséquences de cette dégradation, pourtant prévisible, depuis des années, au président de la République, Kaïs Saïed, et à son équipe gouvernementale lesquels ne sont responsables de la gestion de l’économie du pays que depuis une douzaine de semaines.

Cette dégradation n’est pas si dramatique…

Pourtant, à regarder de plus près cette nouvelle notation, elle n’a rien de si dramatique pour un pays en pleine mutation démocratique, et ce pour deux raisons principales.

La première est que cette notation, élaborée à la demande des Tunisiens, est tout simplement fournie au double titre « indicatif » et « consultatif ». Elle n’est pas contraignante au point de compromettre, de manière significative, la croissance et le développement du pays. Les Tunisiens sont toujours souverains de leurs décisions.

La deuxième réside dans le fait que les trois agences de notation américaine dont Moody’s bénéficient, depuis une quinzaine d’années, d’une faible crédibilité. Leurs notations, voire leurs appréciations et analyses des risques d’insolvabilité, ont été fortement critiquées, particulièrement lors de la crise financière de 2007-2010, ou lors de la crise grecque de 2010. Ces agences n’ont pas vu ces crises venir. Moralité : on n’y croit pas beaucoup.

D’ailleurs, des groupements régionaux comme l’Union européenne et les pays scandinaves réfléchissent, depuis quelques temps, sur les moyens de se libérer du diktat des agences de rating américaines dont le centre d’intérêt est axé sur l’aspect financier et ne tiennent pas compte d’autres paramètres dont les exigences sociétales, l’environnement et le développement durable.

Cela pour dire que ces agences, sur lesquelles le chef de l’Etat tunisien a tiré des boulets rouges, n’ont jamais été – ou rarement du moins – au service des peuples et d’une quelconque amélioration de leur situation.

C’est pour cette raison que nous pensons que le gouvernement de Najla Bouden doit faire l’économie de l’erreur fatale de ses prédécesseurs, celle-là même qui a consisté, comme l’a relevé dans ses analyses l’économiste Hédi Larbi, à se focaliser trop sur les notations de ces agences et sur les négociations avec le FMI dont le champ d’intervention n’est pas la politique de croissance et de développement mais l’équilibre budgétaire et monétaire.

De ce fait, l’enjeu pour le nouveau gouvernement est d’élaborer de nouvelles stratégies de relance économique et financière dont les crédits à contracter auprès des bailleurs de fonds et le rating international ne seraient que des composantes parmi d’autres.

Au regard de la marge de manœuvre dont il dispose, le nouveau gouvernement se doit, à court terme, de relancer l’emploi à travers la mise en œuvre (promulgations des textes d’application) des lois sur l’économie solidaire et sociale, la loi sur l’autoentreprenariat entre autres, d’intensifier l’investissement public dans les terres domaniales pour accroître la production et faire baisser les prix, de réduire de manière drastique l’importation des produits futiles… Autant de décisions urgentes qui peuvent avoir le meilleur effet sur la population…

A bon entendeur.

Abou SARRA

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