Notation  : La Tunisie classée dans la case “obligation spéculative de très mauvaise qualité“

La Tunisie de nouveau déclassée par l’agence de notation Moody’s. Aujourd’hui c’est clair, net et précis : nous sommes classés C dans la case « obligation spéculative de très mauvaise qualité » avec un niveau de risque crédit très élevé. Si nos indicateurs ne s’améliorent pas, ce qui nous attend, c’est d’être rangé dans les pays qui peuvent être en défaut de paiement.

On s’y attendait depuis le mois de février. Aucun effort n’a été déployé depuis pour engager les réformes nécessaires. Au contraire, les grèves ont continué de plus belle, les revendications salariales ont suivi et le gouvernement Mechichi obéissait au doigt et à l’œil la centrale syndicale, signant les conventions à bras-le-corps dès qu’une menace de grève apparaît à l’horizon.

Radhi Meddeb qualifie cette dégradation de “très mauvaise nouvelle” pour la Tunisie. Et il écrit:

“Moody’s dégrade la note souveraine du gouvernement tunisien mais aussi celle de la Banque centrale de B3 à Caa1 avec perspectives négatives.

Cela veut dire que l’accès de la Tunisie aux marchés financiers internationaux est devenu prohibitif sinon impossible. Nous avons beau clamer notre souveraineté et dénier aux agences de notation le droit de nous noter, les marchés financiers internationaux sont ainsi organisés. Ils se réfèrent à ces agences et ne font rien qui aille à l’encontre de leurs notations. La voie de notre salut se rétrécit. Il ne nous reste plus, à très court terme, que le recours à l’aide bilatérale. Seuls quelques pays pourraient et voudraient le faire. Cette aide bilatérale est strictement politique. Elle a un coût. Il faut le savoir et il faut l’accepter.
À moins court terme, seul un accord avec le FMI, probablement assorti de conditions sévères, pourrait nous permettre de retrouver le moyen de subvenir à nos besoins en devises”.

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Pour sa part, l’économiste Moez Laabidi estime que les temps ne sont pas aux atermoiements mais aux décisions et aux bonnes décisions ! « Il faut commencer par engager les réformes relatives à l’insoutenabilité de la dette, c’est la porte d’entrée pour rétablir la confiance avec les bailleurs de fonds dans un nouveau contexte. Un contexte où tout le monde est attentif au verdict du FMI dans tout projet d’accord de prêt ».

Les réformes à engager d’urgence pour sortir de l’impasse financière sont la réduction des finances publiques, la restructuration des entreprises publiques pour mettre fin aux abus et à la mauvaise gestion, notamment l’arrêt d’injection des fonds de l’Etat dans des entreprises qui perdent systématiquement de l’argent.

Le pays a également grandement besoin d’une paix sociale qui doit s’étaler sur au moins 3 ans, et il revient aux syndicalistes patriotes et réellement soucieux du sauvetage de l’économie nationale de convaincre leurs bases.

Le régime de la compensation est aussi à revoir. Il faut trouver de nouvelles formules pour préserver les populations fragiles sans que celles nanties profitent des largesses de l’Etat.

Digitalisation et transition environnementale et énergétique

Moez Laabidi appelle également à activer la transition digitale. « Il faut investir et s’investir dans la transition digitale pour améliorer l’efficacité du recouvrement et combattre l’informel. La digitalisation est aussi à même de permettre d’implémenter la culture de la transparence dans les finances publiques ».

L’autre volet sur lequel devrait travailler le gouvernement Bouden pour réduire les dépenses publiques, c’est celui de la transition environnementale et énergétique pour alléger la facture de la compensation dans le volet énergie.

Rappelons à ce propos que les syndicats de la STEG bloquent à ce jour le raccordement au réseau national d’une centrale électrique photovoltaïque dans laquelle l’ETAP est partenaire avec ENI. Une aberration et une preuve de plus des abus des syndicats, lesquels, qu’on le veuille ou non, sont responsable en partie de la régression de l’économie nationale.

Choisir entre “construire“ et “revendiquer“

La dégradation de la note souveraine de la Tunisie avec “perspectives négatives“ devrait inciter tous ceux prétendant vouloir le bien du pays à s’intégrer dans une logique de construction et non dans une logique de revendications.

Rappelons à ce propos que le risque souverain est inhérent à l’existence même des États. C’est un risque très ancien qui a souvent, à travers l’histoire, entraîné la chute des banquiers prêteurs.

Le succès de la notation souveraine tient à l’usage extensif qu’en font les investisseurs depuis un siècle. L’intégration des ratings dans les réglementations financières au 20ème siècle a encore plus renforcé les agences de notation.

Le marché mondial est aujourd’hui « maîtrisé à hauteur d’environ 95% par trois agences : S&P, Moody’s et Fitch Ratings. S&P et Moody’s se partagent environ 80% du marché à parts égales. Fitch Rating, contrôlé par la holding française Fimalac, est nettement plus petit que ses deux principaux rivaux américains.

Censées apporter plus de transparence sur les marchés de capitaux, les agences exercent une fonction utile sur le plan économique. Quelques évaluations discutables, notamment durant la crise financière, et le fait que le marché de la notation financière soit sous la mainmise d’un très petit nombre d’agences, donc dans une situation d’oligopole, les ont cependant récemment mis sous le feu de la critique ».*

Que nous apprécions les agences de notation ou pas, elles sont aujourd’hui incontournables dans l’évaluation des risques souverains de n’importe quel pays au monde et sont les seules à offrir des indicateurs sur la solvabilité ou l’insolvabilité d’un pays. Il ne s’agit donc pas de les attaquer mais d’améliorer les indicateurs économiques et le climat d’affaires pour améliorer ses scores.

A.B.A

*Les agences de notation (iotafinance.com)