Un violent choc économique induisant de graves troubles sociaux est à craindre, si la Tunisie ne tient pas compte de la rupture majeure en cours causée par la pandémie et ne s’adapte pas à l’émergence d’une nouvelle économie mondiale. C’est ce qui ressort d’une analyse récemment publiée par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES).

Selon cette analyse intitulée ” Great Reset (Grande réinitialisation) et nouvelle économie mondiale : l’ITES plaide pour un nouveau paradigme économique et social pour la Tunisie “, le modèle de développement économique tunisien, qui avait atteint un ” plafond de verre ” avant la Révolution, est devenu obsolète et totalement inadapté aux enjeux intérieurs et à la nouvelle économie ou mondialisation en cours de gestation suite à la rupture majeure induite par la Covid-19.

Cette analyse signée par Mehdi Taj, directeur des études et des recherches à l’ITES, montre que les pandémies ont toujours été des moteurs de l’histoire, des amplificateurs de tendances, générant des changements durables et souvent radicaux.

Les autorités tunisiennes doivent, selon Taj, travailler de manière approfondie sur les contours de cette nouvelle économie mondiale, anticiper ses effets sur les équilibres économiques mondiaux et régionaux et les grandes tendances lourdes qui le caractériseront et identifier les secteurs d’avenir qui seront mis en avant et les secteurs jugés obsolètes qui seront sacrifiés.

” Soit nous anticipons cette dynamique et définissons une stratégie à court et à moyen terme nous permettant de nous y adapter et d’en tirer le meilleur parti, soit nous subirons de plein fouet la rupture et risquons de basculer en dehors de l’histoire “.

Des secteurs économiques traditionnels vont être fortement et durablement impactés (de manière sanglante) et l’économie tunisienne sinistrée : le transport aérien, l’automobile, l’agriculture et surtout le tourisme. Les comportements vont radicalement changer, privilégiant la proximité, sur fond de montée en puissance du numérique et du digital.

” Croire qu’il sera possible de revenir à une économie tunisienne pré-Covid-19 est une illusion : outre l’impact foudroyant sur ces secteurs, la pandémie ne sera pas conjoncturelle, elle sera structurelle. Ce n’est pas un cauchemar qui prendra fin mais une nouvelle dynamique mondiale à l’œuvre qui ne cessera d’évoluer…”, déduit encore, l’auteur de l’analyse.

Des révisions stratégiques impératives

Selon lui, il conviendrait de changer de paradigme et d’opérer de véritables révisions stratégiques. A titre illustratif et non exhaustif, l’accent devrait être mis sur plusieurs volets.

Le télé-enseignement (plateformes de cours, bibliothèques numériques, etc.) et le télétravail combiné au travail mixte devenus des tendances lourdes à l’échelle mondiale et régionale. La Covid-19 conjuguée à la révolution numérique et digitale accélère une redéfinition de ce que signifie travailler.

Dans ce cadre, il conviendra d’entamer en urgence de profondes réformes afin de permettre une réelle mise en œuvre du télétravail ou du travail mixte et non une implémentation cosmétique et d’anticiper au mieux ces profonds et fulgurants bouleversements affectant le monde du travail.

La santé, le système de santé et la manière d’exercer la santé doivent être entièrement revus au regard de cette nouvelle économie et du caractère structurel de la Covid-19. Il faut apprendre à lutter et à vivre avec la pandémie, à l’instar de pays asiatiques tels que le Japon ou la Corée du Sud généralisant dans les lieux publics les lampes à UV détruisant le virus, les diffuseurs d’ozone, etc.

Il conviendra d’aller vers la personnalisation de la santé, la médecine anticipatrice privilégiant l’analytique et le préventif, la santé numérique (diagnostic, télésanté, etc.) .

Le tourisme de masse tel que nous l’avons connu est fini. Il convient de repenser tout le modèle tunisien et de ” partir d’une page blanche “, tenant compte des grandes tendances lourdes se dessinant progressivement, notamment quant aux nouvelles modalités de vie, de voyager, aux contraintes sanitaires, etc.

L’agriculture et l’eau, sont deux secteurs fondamentaux pour l’économie et la sécurité alimentaire en Tunisie. C’est pour cela qu’il faut aller vers des circuits plus courts, vers une agriculture moderne et rationalisée, une agriculture de précision et durable avec une gestion intégrée de l’eau (gestion de l’eau grise, etc.).