Tout leadership qui occupe le pouvoir à un instant T veut marquer son passage et laisser une empreinte dans l’histoire de son pays ! En Tunisie, les seules empreintes laissées par une multitude de gouvernements depuis 2011, sont celles de la dégradation de tous les indicateurs économiques, éducationnels et politiques.

La Tunisie a perdu son leadership diplomatique dans la région, ses avancées économiques, et ses compétences hautement qualifiées. Compétences qui ont quitté le navire qui coule lentement mais sûrement préférant des cieux plus cléments et plus reconnaissants. Les dernières années que beaucoup de Tunisiens espéraient celles de la délivrance du joug de l’islam politiques et des mafias politiques déçoivent de plus en plus et pas forcément pour les mêmes raisons !

La loi de l’omerta, de la passivité et de l’obéissance aveugle est de plus en plus adoptée par les institutions publiques. Les décideurs obéissent au doigt et à l’œil sans discuter le pour et le contre et sans relever les incongruités de certaines décisions ou certaines mesures.

S’agissant de l’économie, c’est aujourd’hui un massacre à la tronçonneuse que le pays subit. L’Etat populiste à souhait prend des décisions économiques sans queue ni tête, sans études et sans évaluation. Les experts ont été démystifiés et ce sont les faux experts, les soumis, les lâches, les illuminés et les ignares qui envahissent les réseaux sociaux et les médias qui tracent la voie, approuvent ou rarement désapprouvent des décisions prises en haut lieux !

Le temps des compétences est révolu en Tunisie alors que même sous le règne de celui qu’on dit dictateur : le défunt Ben Ali, on pouvait sauver la donne, grâce, justement, à de grandes compétences économiques.

“L’avenir de la Tunisie est en danger si nous ne changeons pas de cap.” – Observateur politique

Aujourd’hui, toutes les thèses défendues pour assurer la relance économique, créer de la richesse, améliorer la qualité de vie de la population et réaliser son bien-être sont démenties par une réalité où le mal-être, la peur de demain et l’incertitude sont devenus les fidèles compagnons des Tunisiens de la classe moyenne qui s’appauvrissent de plus en plus.

La réalité est plus qu’amère et elle prouve que les mesures prises ne sont pas possibles.

Pour preuve la loi de la réconciliation pénale, laquelle, même révisée, est rejetée par les concernés. La commission de la réconciliation pénale, a déclaré l’ancien juge administratif Ahmed Soueb sur le magazine « Jeune Afrique », : « La Commission nationale perd de ses prérogatives, elle a été expurgée de tout pouvoir décisionnel. Sa mission est de documenter, traiter, préparer les dossiers, mener les négociations avec les personnes concernées et transmettre le dossier au Conseil national de sécurité [CNS] avec des propositions pécuniaires. La commission n’a plus pouvoir de signature et de suivi des accords de la conciliation pénale, celui-ci sera assuré par le contentieux de l’État. En fait la commission agit comme un juge d’instruction ou un conseil de discipline dans la fonction publique ».

Dans le sillage des hommes d’affaires concernés par la réconciliation pénale, on parle du rejet de plus de 90% de cette loi parce que « Trop violente, trop injuste, trop déraisonnable ». Si on veut se faire obéir, il faut que les conditions de négociations soient acceptables. Du coup, beaucoup rechigneraient à intégrer le processus de réconciliation pénale et préféreraient la prison.

Résultat de la course, l’Etat perd, l’économie aussi et ceci même si on confisquait tous les biens, in fine, rappelons que les entreprises appartenant à des groupes florissants confisqués par l’Etat en 2011 ont fini dans la casse !!!

Des terres communautaires pour des sociétés communautaires ?

Une autre mesure censée booster l’économie, celle de la société communautaire laquelle selon l’article 2 du décret du 20 mars 2022, est une personne morale« créée »par un groupe d’habitants de la région qui vise une répartition équitable des richesses par l’exercice collectif d’une activité économique dans la zone où elle a été implantée.

Les associés – cinquante au moins, détiennent chacun une seule part. Le modèle ne se limite pas à l’agriculture, mais couvre l’industrie et les services. Aucune évaluation n’a été faite quant à l’efficience de ce modèle depuis sa création.

Alors que les mésententes sont légion entre 2 ou 3 associés dans une entreprise classique, quelle garantie y’a-t-il pour qu’il n’y ait pas de mésentente entre 50 associés ? Comment savoir si le business plan a été bien étudié, si la stratégie de développement a été définie dans le business plan et si la viabilité financière est assurée.

“Il est temps de sortir de la crise et de construire une Tunisie nouvelle.” – Jeune entrepreneur

Les sociétés communautaires jouissent de toutes les aides de l’Etat, elles ont un Secrétaire d’Etat à leur service et en prime des recommandations directes émanant de la plus haute autorité de l’Etat s’adressant à la ministre de l’Economie et de la Planification, Universitaire, et lui assurant que des milliers de Tunisiens veulent constituer cette catégorie de société avec le soutien de toutes les institutions de l’Etat et en prime la BTS !!!

Avoir pour parrain un Président de la République, lequel, pour rappel, est constitutionnaliste de formation, donnerait-il aux sociétés communautaires un rang supérieur aux TPE, PME, PMI dans la hiérarchie des préoccupations et des responsabilités des décideurs économiques du pays ? Des facilités telles le droit de jouissance des terres communautaires, ce qui pourrait susciter de graves litiges entre concitoyens ?

No comment !

Le grand malheur est qu’on ne voit pas de véritables penseurs, stratèges et bâtisseurs capables de faire sortir le pays de cette crise. Sont-ils invisibles au pouvoir ou ont-ils peur du pouvoir ?

La cerise sur le gâteau est bien le prêt direct imposé à la BCT et la mise au pas de l’institution responsable de la souveraineté de la monnaie et des équilibres monétaires de la Tunisie !

Moktar Laaamari, éminent économiste tunisien installé au Canada a publié un article titré « Tunisie, ces parlementaires qui trahissent le dinar » où il précise : « Une mesure qui met en branle la planche à billet, qui augmente la masse monétaire immédiatement, sans qu’il y ait une raison économique à une telle mesure. Pis encore, les gains de productivité sont quasiment négatifs dans la plupart des secteurs économiques. On ne peut pas augmenter la masse monétaire, sans faire des réformes, sans augmenter la productivité et sans couper dans les dépenses ostentatoires des élites de l’Etat. Les parlementaires ont fait une lèse-majesté contre le dinar. Ils ne comprennent pas les enjeux, ou on ne leur a pas expliqué l’ampleur de leur méfait … »

“Le salut de la Tunisie viendra de ses citoyens, pas de ses politiciens.” – Universitaire

Aujourd’hui, la Tunisie vit ce que l’historien René Huyghe décrit comme des symptômes économiques d’un vaste bouleversement, d’une remise en cause d’une conception du monde, qui touche l’ensemble des pays du monde : « crise économique d’abord, mais aussi crise des mœurs, crise de la pensée, en bref crise de civilisation ».

La Tunisie est une victime des extrêmes, le népotisme du régime Ben Ali conduit par sa femme et sa famille, les passe-droits dont ont, pendant longtemps, joui certains opérateurs du secteur privé croyant que tout est permis, le clientélisme, la partisanerie et les allégeances des islamistes et de leurs complices dans le pouvoir qui ont réduit l’Etat à néant !

Le grand malheur est qu’on ne voit pas de véritables penseurs, stratèges et bâtisseurs capables de faire sortir le pays de cette crise. Sont-ils invisibles au pouvoir ou ont-ils peur du pouvoir ?