Les financements publics doivent être assainis afin de garantir une couverture de tout le cycle du projet financé et éviter ainsi tout risque d’échec. C’est ce qu’estime Kais Mejri, directeur général de l’Innovation et du développement technologique au ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines.

Plusieurs projets financés échouent et disparaissent après leur démarrage pour absence de relais de financement qui assure la prise en charge de l’étape de développement, a-t-il expliqué au cours d’un webinaire intitulé : ” le financement de l’innovation, un levier de relance économique en Tunisie ? “, organise par le ministère de l’Industrie, jeudi 28 janvier 2021, en collaboration avec le projet ” Innov’i – EU4Innovation “.

Par ailleurs, le responsable a appelé à l’assouplissement des procédures, dont celles du décaissement et des dépenses liées aux financements publics qui suivent le cycle de vie de l’année budgétaire. Selon Mejri, ces procédures ” ne sont pas adaptées au rythme, au cycle de vie et aux besoins des startups et des entreprises innovantes “.

Un guichet unique de financement

Il recommande, dans ce cadre, la création d’un guichet unique de financement qui centralise les procédures et l’information afin de donner plus de visibilité et pallier à la multiplicité des intervenants.

Pour Mejri, l’innovation doit être tirée par le marché qui favorisera la mise en place d’une vision qui identifie les priorités et accorde des gros paquets pour garantir la réussite des projets.

Un système de renforcement des capacités des startups

Il explique qu’en Tunisie la majorité des projets d’innovation est tirée par la technologie et non par le marché, notamment dans le secteur des laboratoires de recherche.

Sur un autre plan, Mejri préconise de mettre en place un système de renforcement des capacités des startups, des structures intervenantes dans l’octroi des financements et du secteur financier.

” Plusieurs banques s’intéressent à la Fintech et à l’innovation mais n’ont pas la culture d’évaluation des projets, puisqu’elles elles estiment que tous les projets innovants comportent des risques “, a-t-il relevé.

Appel aux banques à financer la recherche

De son côté, Meriem Zine, directrice de l’investissement à Smart Capital (société de gestion chargée de la mise en œuvre de l’initiative nationale “Startup Tunisia”), soulignera que les grandes entreprises, telles que les banques et les assurances, devront sortir de leur zone de confort et changer leur culture et leur organisation.

“Ces grandes entreprises ont intérêt à travailler avec les startuppers pour optimiser leur budget et obtenir des solutions flexibles qui s’adaptent plus à leur besoin”, a-t-elle estimé.

Il s’agit d’avoir un interlocuteur ayant les moyens de prendre des décisions rapides au lieu de passer par le long circuit habituel qui passe par les comités et les conseils d’administrations…

L’objectif est de favoriser l’appui aux startuppers afin d’améliorer leurs produits. ” Avoir une référence est parfois plus important pour les startups qu’un financement “, a-t-elle avancé.

Un écosystème favorisant l’épanouissement des startups

Une gamme complète de sources de financements à travers des mécanismes agiles et flexibles pour accompagner les startuppers dans toutes les phases de croissance de leurs projets doit être proposée, a, pour sa part, indiqué la directrice générale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Boutheina Ben Yaghlane.

La construction d’un écosystème favorable à l’épanouissement des startups via la structuration de l’investissement privé et le rapprochement des industriels et le monde académique (universités, laboratoires de recherche), constitue une autre priorité.

Elle a proposé dans ce cadre la mise en place un ” Lab d’innovation ” pour libérer le plein potentiel d’innovation de l’Etat et du secteur public qui font face à d’énormes problèmes qui peuvent êtres résolus grâce aux jeunes startuppers offrant des solutions ” out of the box ” via l’innovation et la technologie.

Evoquant l’état des lieux de l’innovation, Kais Mejri a rappelé que le pays repose sur une économie protégée, de sous-traitance ou de rente qui ne favorise pas l’investissement dans la Recherche & Développement et l’Innovation.

Généralement les entreprises privées qui investissement dans la R&D opèrent souvent dans un milieu concurrentiel, orientée vers le marché international (Offshoring) et l’effort réel des entreprises tunisiennes et étrangères dans les dépenses R&D manque de visibilité, a-t-il estimé.

La Tunisie a intensité de la R&D très faible

Il a rappelé dans ce cadre qu’en 2018 l’intensité de la R&D (la part des dépenses de la R&D dans le Produit Intérieur Brut) de la Tunisie était de 0,6%.

Les exportations de la Tunisie à forte intensité technologique ont atteint 6,9%, en 2019, contre 30% en Chine, 19% aux USA et 11,2% en Côte d’Ivoire, Afrique du Sud (5,4%), Maroc (4,9%) et 2,3% en Egypte.

Pour Mejri, la multitude d’intervenants dans l’écosystème de financement, les faibles montants octroyés à divers programmes et laboratoires de recherche, la faible aversion aux risques pour l’Etat et les entreprises ainsi que les procédures de gestion lourdes, sont les principales lacunes du financement de l’innovation.