Poursuivant des objectifs complètement différents, le gouvernement et l’opposition en Tunisie rivalisent, ces derniers temps, en zèle pour dépoussiérer le controversé dossier du mégaprojet touristico-immobilier, «la Porte de la Méditerranée».

Ce projet de smart city d’au moins 250 000 habitants que le groupe émirati Sama Dubaï s’était engagé à édifier, depuis 2007, au lac sud de Tunis, sur 1 000 hectares cédés au dinar symbolique, est, hélas, toujours en stand-by. L’investisseur émirati, touché de plein fouet par la crise financière de 2008, ne s’est pas manifesté, depuis,  pour dire clairement s’il veut reprendre le projet ou s’il veut l’abandonner.

Abou SARAA

Pour le gouvernement, la relance de ce mégaprojet, qui prévoit à terme un investissement de 25 milliards de dollars et la création de 150 000 emplois directs et indirects, serait une bouffée d’oxygène à même de contribuer à l’impulsion de l’investissement étranger dans le pays, à une période où le chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, annonce, pour l’exercice 2020, une contraction de 7% du PIB de la Tunisie.

A peine nommé, l’actuel ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Moncef Sliti, qui connaît parfaitement le dossier puisqu’il était PDG de la Société d’études et de promotion de Tunis-sud (SEPTS) en charge du dossier, a tenu une réunion, début avril 2020, avec les ministres des départements concernés, en l’occurrence Lobna Jeribi, ministre auprès du chef du gouvernement chargée des Grands projets nationaux, et Ghazi Chaouachi, ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières.

Si on se réfère aux solutions proposées, antérieurement, par Moncef Sliti, alors PDG de la SEPTS, il y a quatre scénarios pour décadenasser le dossier.

Les voici

Le premier consiste à demander à Sama Dubaï à redémarrer les travaux s’il est encore intéressé par le projet et à accepter la renégociation de la convention dans le but de l’équilibrer davantage en matière de droits et obligations. L’ultime but de cette renégociation est de prendre en considération, dans cette perspective, l’intérêt national.

Le deuxième scénario prévoit un règlement à l’amiable et la résolution de tous les problèmes en suspens.

Le troisième propose la résiliation de la convention unilatéralement par la Tunisie. Cette solution n’est pas souhaitée par le nouveau ministre au regard de l’importance de l’investissement émirati dans le pays. Il a clairement déclaré, le 14 mai 2020, que « l’accord conclu en 2007 avec les Emiratis est toujours valable et n’a pas été annulé».

Dont acte.

Le quatrième est une sorte de demi-solution qui permettrait à la partie tunisienne de faire démarrer deux importantes composantes du mégaprojet sans toucher à son noyau dur (le terrain de 1 000 hectares aménagés).

Une smart city de 127 ha, un avant-goût de la Porte de la Méditerranée

S’agissant de la première composante, l’idée de Sliti est de valoriser une superficie « de 127 hectares appartenant en totalité à l’Etat, répartis en 9 titres fonciers et cernant le terrain devant abriter la Porte de la Méditerranée. Sur ce total, au moins 70 hectares sont aménageables et peuvent servir à abriter de quartiers résidentiels de standing, d’industries propres et d’équipements collectifs à forte rentabilité».

Il s’agit d’une smart city voire d’une petite ville périphérique de la Porte de la Méditerranée de 15 000 habitants à même de créer environ 10 000 emplois. «Ce projet, au regard de sa haute rentabilité, peut constituer un avant-goût de ce que sera, demain, la Porte de la Méditerranée et permettre d’assurer le passage entre le tissu urbain existant et celui projeté sur les berges du lac sud».

La réalisation de cette smart city était tributaire, à l’époque, de  la décision du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières de céder le terrain domanial au profit de la SEPTS. La demande a été transmise au ministère concerné, depuis fort longtemps. C’est dans cet esprit qu’il faut peut-être comprendre l’invitation du nouveau ministre, Ghazi Chaouachi, à la récente réunion consacrée au mois d’avril dernier, à ce dossier. Il s’agirait vraisemblablement de le sensibiliser à cette affaire. 

Pour en une reconversion du port de Tunis en port de plaisance

Quant à la deuxième composante, elle concerne l’exploitation provisoire du port de Tunis et sa reconversion, à cette fin, en port de plaisance. Ce projet date en fait de 2001, date à laquelle cet ouvrage a été intégré dans l’aménagement des berges du lac sud dans sa globalité, et particulièrement au mégaprojet La Porte de la Méditerranée de Sama Dubaï.

Avec la suspension de la convention de Sama Dubaï, la reconversion du port, devenue une composante du master plan, est totalement bloquée.

Le projet de Moncef Sliti est d’étudier la possibilité de l’exploiter temporairement dans le secteur de la plaisance, en attendant la mise en œuvre du projet de Sama Dubaï qui va prendre beaucoup de temps, d’autant plus que ce port pourrait être reconverti rapidement en un port de plaisance moyennant des petits aménagements, et ce au regard de la disponibilité des infrastructures nécessaires à son fonctionnement.

Fort de son site à 200 mètres du centre de la capitale et des précieux avantages dont il tire de sa situation antérieure en tant que port commercial de Tunis, ce futur port de plaisance, une fois mis en exploitation par l’Etat tunisien, est appelé à devenir un joyau de la plaisance et à renforcer, par conséquent, le tourisme de plaisance de Tunis. On peut prévoir pour ce port une capacité de 1 300 à 1 500 anneaux.

Avec une capacité totale de 2 000 anneaux environ, la Tunisie peut devenir ainsi une destination de plaisance confirmée et grignoter une part de ce marché juteux en Méditerranée.

A rappeler au passage que quelque 230 000 bateaux d’une longueur de plus de 7 mètres sillonnent la Méditerranée.

Abstraction faite de l’ensemble de ces scénarios, il n’est pas inutile de rappeler que l’Etat tunisien a dépensé plus de 120 millions de dinars pour le nettoyage et l’assainissement du lac sud, et s’est engagé, aux prix de 2007, de fournir à l’investisseur émirati les réseaux primaires (gaz, électricité, eau potable, assainissement…) pour un coût estimé, à l’époque, à 500 millions de dinars ; actualisée, cette estimation avoisinerait, aujourd’hui, 1 milliard de dinars.

Pis, l’Etat tunisien a continué, depuis 2007, à supporter le coût de l’entretien de la qualité des eaux, des travaux de protection et de sauvegarde du site …

Dans la 2ème partie de notre article, nous traiterons de la proposition de l’opposition pour résilier le contrat qui lie l’Etat tunisien et le groupe de Sama Dubaï.

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