On ne peut se défaire de la culture du mercenariat dans un pays où le concept démocratique a été dévoyé à sa naissance. Et en la matière, il est malheureux de dire, qu’à tous les coups,  le parti Ennahdha supplante tous les autres. La culture du butin et de son partage est un héritage qui remonte loin dans l’histoire et qui se place dans une logique toute simple : “tu me sers, je te paye“. Il n’y a ni idéaux, ni intérêts publics, ni amour du pays. C’est du donnant, donnant !

Jamais le concept du win/win n’a autant fonctionné dans la gestion socioéconomique de notre pays ou encore la logique populiste et immorale de « koul w wakkel » ! Les partis politiques emploient des activistes ou des bandits capables de mobiliser via les réseaux sociaux, les SMS ou leurs copains du quartier, des centaines de personnes qui leur obéissent au doigt et à l’œil. Mercenaires qui commandent des armées de jeunes ou encore des troupes d’élite (sic) composées de voyous et de diplômés chômeurs.

Chawki Tabib peut parler de lutte contre la corruption jusqu’à la fin des temps. Tant que les principaux initiateurs des pratiques mafieuses, partis politiques et à différents degrés leurs serviteurs aux centres décisionnels, sont épargnés et tant que ces pratiques relevant du grand banditisme ne sont pas dénoncées, jugées et condamnées, la Tunisie risque fort de s’enfoncer dans les méandres du sous-développement et de la « délinquance d’Etat ».

Nous en voyons les résultats au niveau de la gestion des affaires publiques mais également de la gouvernance locale.

A Tunis, la répartition, dans une philosophie d’allégeance et de récompense, des districts entre les partis gagnants aux municipales, a été l’une des plus grandes catastrophes de l’histoire de la capitale. Il suffit de voir l’état désastreux du réseau routier souffrant d’un vieillissement généralisé, la détérioration des chaussées, la saleté et l’absence totale du souci environnemental chez nos chers élus pour le réaliser.

Faites un tour au Centre-ville de Tunis, au Lac 1, à El Menzah, à la Cité El Khadra, au Centre urbain nord et La Charguia, vous en trouverez la parfaite illustration.

L’Avenue Habib Bourguiba que nous devrions rebaptiser “l’Avenue des fils de fer barbelés et de la saleté“ n’est plus digne d’être l’Avenue emblématique de la capitale. Même le cimetière El Jallez n’est pas épargné par les barbares sévissant à Tunis : les tombes sont vandalisées et profanées en l’absence d’agents municipaux. Le sacré n’a plus de sens chez les plus croyants.

Au Lac 1, les places piétonnes sont occupées par les marchands de légumes, les gargotes et autres commerces. Le district de la Cité El Khadra les aurait-il autorisés ? A chaque fois Mme le chef du district déclare qu’elle fera le nécessaire sans jamais passer à l’acte.

Quant au marché municipal de la Cité El Khadra, c’est une véritable calamité (Voir vidéo).

Les routes sont occupées à longueur d’années par des étals anarchiques, allant de la friperie aux vendeurs des vieux meubles et autres vendeurs de légumes. Pire, il y a même des mercenaires politiques (devinez pour qui ils travaillent) qui louent le m2 du domaine public, routes comprises à 15/20 dinars la journée (800 dinars le mois). Une dame s’adonnant à ce commerce aurait même menacé de se faire immoler si on l’en empêchait.

De l’autre côté, celui des autorités municipales, c’est un silence presque complice entrecoupé de querelles intestines. On n’ose pas appliquer la loi et protéger les contribuables. On n’ose pas toucher aux “maîtres d’œuvre électoraux”, on les garde pour les élections d’après.

C’est dire à quel point la gouvernance locale partisane a fait du mal à l’Etat et a lésé les électeurs.

La mairesse de Tunis, qui a annoncé tout récemment que sa mairie a réalisé des recettes ayant dépassé de 10% les objectifs fixés avec un montant de 121,3 millions de dinars, ne peut prétendre au manque de moyens pour assumer son rôle et gérer au mieux l’une des plus vieilles mairies arabo-musulmanes.

Elle ne peut non plus prétendre que le fait que Tunis ait été choisie ville santé à l’international, sans qu’elle soit une ville propre, intelligente et résiliente, peut fonctionner !

C’est ce qu’on appelle une imposture et qui plus est au national et à l’international ! La première condition pour la meilleure des santés est un environnement propre et sain. Et en la matière, pouvons-nous comparer Tunis dans son état actuel à Rabat, Rome, Paris, Madrid, Alger ou Varsovie ? C’est à mourir de rire ! Le rire de la résignation et de l’impuissance !
Les élus locaux devraient déplorer plus que le manque de moyens leur manque de volonté d’appliquer la loi pour assurer à leurs élus le bien-être et la qualité de vie qu’ils espéraient lorsqu’ils les ont choisis.

La ville de Tunis, ses avenues, ses rues, ses ruelles et ses places publiques ne s’est jamais portée aussi mal.

In fine, une décentralisation dénuée de l’éveil de conscience des politiques et du public est incapable d’impulser le développement des entités territoriales décentralisées !

Dans notre pays, c’est le mercenariat, doublé de l’opportunisme et de la lâcheté des élus, qui fera à terme de nos villes des cités poubelles, si personne ne réagit à temps et en prime la population.

Amel Belhadj Ali