“Le développement de la situation de l’enfance en Tunisie ne nécessite pas de grands moyens financiers mais plutôt une bonne gouvernance basée essentiellement sur la promotion des éléments qui interviennent dans le développement social de l’enfant, dont essentiellement la famille et les établissements éducatifs”. Les propos sont ceux de Ibrahim Rihani, expert et chercheur dans le domaine de la famille et de l’enfance.

Le projet, qu’il affirme avoir soumis à la présidence du gouvernement et à la présidence de la République, vise également à instaurer une approche globale, participative et interactive entre les différents intervenants, à un moment où l’enfance tunisienne se retrouve confrontée à des difficultés multiples, au regard d’un taux de pauvreté infantile qui s’élevait à 21% en 2012, parallèlement à la recrudescence des cas de violence à l’encontre de cette catégorie (9 027 cas signalés en 2017), outre la hausse des cas d’abandon scolaire estimés à près de 120 mille par an.

Instaurer les bases d’une “école amie”
Dans ce sens, Rihani plaide pour une réforme du système éducatif à travers l’instauration d’une “école amie” dans laquelle la classe matinale serait consacrée à l’acquisition des connaissances et à l’apprentissage, tandis que la session de l’après-midi serait réservée à l’éducation sociale.
Pour étayer ses dires, Rihani cite l’exemple finlandais, appelant au passage à l’élimination de ce qu’il a qualifié de “virus destructeurs” de l’éducation, en allusion à la densité des matières étudiées, les devoirs à la maison, et les cours particuliers “exténuants pour l’élève, la famille et l’enseignant”.
“La durée des heures d’école n’intervient point dans le processus de mémorisation des informations, à plus forte raison si ces cours sont basés sur l’apprentissage, le remplissage et l’inculcation”, estime l’expert. Il appelle à “fonder le programme d’enseignement sur la réflexion créative, les qualifications spécifiques et les compétences communicatives”.
L’expert affirme à cet égard que la consolidation de la réflexion créative et des attributs spécifiques à l’élève sont difficiles à réaliser “avec des élèves soumis à tant d’anxiété et de pressions psychologiques ressentis à outrance à chaque période d’examens”. Pour Rihani, il est nécessaire de supprimer le régime d’évaluation qui repose sur les notes, en particulier pendant les six premières années de scolarité.

Garantir l’indépendance du délégué à la protection de l’enfance par rapport au ministère de la Femme
Dans le souci de protéger les enfants sans soutien familial, Rihani estime nécessaire de les soustraire à la situation pitoyable dans laquelle ils vivent en promulguant des lois autorisant leurs adoption par des familles alternatives, privées de procréation, ou désireuses d’adopter un enfant, soulignant que “rien n’équivaut la présence d’un milieu familial pour l’enfant”.
Il a expliqué que l’intégration de cette catégorie d’enfants dans les centres intégrés est de nature à compliquer davantage la question et pourrait aggraver les problèmes dont ils souffrent, d’autant plus que ces établissements ne répartissent pas les pensionnaires selon leurs tranches d’âge et en fonction de la gravité de leurs troubles comportementaux.
Il a ajouté que la réalité a démontré que “cette répartition constitue une menace en soi et entraîne souvent une exacerbation de la violence physique, verbale et sexuelle parmi eux”, a-t-il dit.
Afin de limiter le phénomène de la hausse du nombre d’enfants en conflit avec la loi ou exposés à des comportements à risque, l’expert a souligné la nécessité de créer des stades et des complexes sportifs dans les quartiers populaires, affirmant que malgré le coût élevé de ce genre d’espaces pour l’Etat il demeure de loin inférieur à celui de la prise en charge d’enfants délinquants.
Rihani a, également, appelé à la nécessité de garantir l’indépendance du bureau du délégué à la protection de l’enfance et à le séparer du Ministère de la femme, de la famille et de l’enfance, car “il ne pourrait être à la fois juge et parti”.
Il a recommandé de transformer ce bureau en un pôle de protection de l’enfance supervisé par le juge aux affaires familiales et qui dispose d’une autonomie administrative et financière ainsi que de départements de planification et de programmation, d’intervention psychologique et sociale, et de suivi des situations des enfants délinquants.
D’autre part, l’expert a souligné que les établissements d’animation éducative relevant du Ministère de la femme, de la famille, de l’enfance et des seniors (Les clubs) n’attirent que 1% des enfants, suggérant qu’un certain nombre de ces espaces soient transformés en jardins d’enfants publics qui accueillent les enfants de familles à faible revenu.
Il propose de réserver le reste de ces espaces à la promotion de “l’éducation parentale” et à l’autonomisation économique et sociale des familles à faible revenu.
Afin de permettre aux établissements éducatifs de mener à bien ces réformes et cette restructuration d’envergure, notamment sur les plans de l’infrastructure et des équipements, l’expert a préconisé d’adoption d’une loi qui incite les institutions économiques à la publicité dans les espaces éducatifs.
Il appelle à imposer une contribution financière obligatoire aux établissements d’enseignement privés et à investir ces sommes dans la réhabilitation et le développement des établissements éducatifs du secteur public.
Enfin, l’expert plaide pour l’activation du Conseil supérieur de l’enfance, créé en vertu du décret 574 de mars 2002, et qui ferait office d’une structure qui supervise le dossier de l’enfance et assure la coordination entre les différentes structures et institutions de l’Etat en matière de prise en charge et de protection de l’enfance, afin d’éviter la dispersion des efforts des parties concernées dans le domaine de l’enfance.


