A les entendre parler d’investissements et d’investisseurs étrangers, à longueur de jours, de mois et d’années, on pourrait croire que les responsables tunisiens sont prêts à tous les efforts pour en attirer en Tunisie et, par la suite, une fois cet objectif atteint, à se plier en quatre pour que les projets lancés réussissent pour le bien de leurs promoteurs et de la Tunisie.

Mais à y regarder de plus près, on est en droit de se poser des questions sur le degré d’engagement des responsables et des organismes tunisiens en charge de l’investissement en général et étranger en particulier, voire d’en douter.

Le dernier exemple en date nous est fourni par le vécu d’hommes d’affaires koweïtiens avec la Tunisie post-14 janvier 2011 (voir Quand les Koweïtiens courent derrière les Tunisiens pour investir en Tunisie). Mais c’est loin d’être le seul. Et les investisseurs privés étrangers ne sont pas les seuls à pâtir de cette nonchalance –pour le moins- tunisienne.

D’autres opportunités ont été offertes à la Tunisie par des pays amis, sous forme d’une reconversion de la dette tunisienne en investissements dans des projets publics. Opportunités que la Tunisie n’a pas à ce jour saisi.

L’un de ces pays est la France. Ce pays avait décidé, en janvier 2016 –une convention y afférente avait été conclue par Manuel Valls et Habib Essid, lors d’une visite de ce dernier à Paris-, de convertir une partie de la dette tunisienne -60 millions d’euros-, les deux parties avaient décidé d’affecter ce montant –soit la moitié du coût estimé de ce projet- au financement de la construction d’un hôpital à Gafsa.

Début juin 2016, les ministres de la Santé et celui de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire de l’époque, respectivement Saïd Aïdi et Mohamed Salah Arfaoui, ont signé avec Expertise France (agence publique de coopération technique internationale française) le contrat relatif à l’expertise française complémentaire mise en œuvre dans le cadre de la convention tuniso-française de conversion de dettes en projet de développement. Mais bientôt trois ans se seront écoulés et le projet n’a pas encore vu le jour.

Le projet de conversion de la dette tunisienne envers l’Allemagne n’a pas connu un meilleur sort. Les gouvernements allemand et tunisien ont signé, le 27 juin 2012, un accord portant conversion d’une partie de la dette d’un montant total de 60 millions d’euros.

Cette enveloppe devait servir à améliorer le quotidien de plusieurs dizaines voire centaines de milliers de Tunisiens à travers des projets d’infrastructure comme la réhabilitation des stations d’assainissement dans certaines localités des projets d’adduction d’eau potable, et d’environnement (consolidation du Centre Jradou de traitement des déchets industriels dangereux et renforcement des ressources du Fonds de dépollution industrielle).

En juin prochain, sept ans se seront écoulés et le projet est encore au point mort.

Ce qui se passe dans le dossier des hôpitaux projetés à Gabès et Béja est encore plus étonnant, voire révoltant. Dans le cadre d’un mémorandum signé par la Tunisie et le Royaume-Uni le 22 avril 2016, l’Etat tunisien et le groupe britannique International Hospitals Group (IHG) ont conclu, le 30 novembre 2016, en marge de la Conférence internationale pour l’investissement “Tunisia 2020“, un accord pour la réalisation de deux hôpitaux à Béja et Gabès.

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Plus de deux ans après, non seulement rien n’a été fait pour concrétiser ces deux projets, mais le gouvernement tunisien semble vouloir revenir sur cet accord. A l’instigation des ministres nahdhaouis –ceux de la Santé et du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale- qui sont suspectés de vouloir détourner ce projet au profit de bailleurs de fonds du Golfe.

Seule note positive à ce sombre tableau, le Centre d’oncologie et de radiothérapie construit dans l’enceinte de l’hôpital régional de Jendouba, par une entreprise et un financement autrichiens est en cours de réalisation.

La 2ème tranche du projet a été livrée début décembre 2017. Ce projet –réalisé par une l’entreprise autrichienne VAMED, grâce à un prêt de 23 millions d’euros de la banque Raiffeisen Bank International (RBI), elle aussi autrichienne, et qui va créer 120 emplois directs et 50 indirects- démontre également que, malgré toutes les difficultés que rencontrent les entreprises tunisiennes en raison de la crise économique et du chômage, celles-ci demeurent performantes et la main-d’œuvre tunisienne qualifiée. Le contrat prévoit l’ouverture des portes de cette unité au printemps 2019. Espérons qu’au moins cet engagement sera tenu.

M.M.