Faire dialoguer les experts pour mieux avancer sur les réformes du code du change. Les opérateurs attendent une décision politique.

Avec pédagogie et doigté, le gouverneur de la BCT expliquera que la situation n’autorise pas un scénario de rupture. Auparavant la BCT décidait seule. A présent elle associe les corps intermédiaires tels que l’UGTT ou l’UTICA ainsi que les think tanks. Une passerelle de concertation, pas plus.

Un pays qui ne produit pas assez, n’exporte pas assez

Habilement, Marouane Abassi a campé une posture de lanceur d’alerte. A l’heure actuelle, la Tunisie ne produit pas assez. Son solde exportable est modeste. Et qui a les yeux plus gros que le ventre quand il s’agit de consommer. Ajouter que le taux d’épargne de 2010 à 2017 a baissé de 22 à 10%. Pour un taux d’investissement qui a chuté lui aussi de 26 à 20%, et donc voilà un pays qui n’épargne pas assez pour investir. Et qui plus est se permet un déficit commercial abyssal.

Auparavant, quand le déficit budgétaire atteignait 3% on perdait le sommeil. Aujourd’hui le pays se permet tous les dépassements. Il est naturel que le cours du dinar fonde comme neige au soleil, que les réserves de change s’étiolent.

Ajouter à cela une flambée du taux de l’inflation qu’on arrive à museler à 7,2% au lieu des 8,4% prévus. Les injections de liquidités que la BCT déverse régulièrement entraînent une nouvelle poussée d’inflation d’ordre monétaire, qui vient s’jouter à celle provenant de l’économie réelle.

Le gouverneur dira que la situation a souffert de l’atermoiement des responsables précédents. On a manqué de réactivité, comprenez que l’on n’a pas augmenté assez quand il le fallait et on n’a pas baissé assez quand c’était nécessaire. Et dans ce contexte, le seul réflexe est d’aller prudemment. Ce qui est une tradition réformiste tunisienne : la progressivité. Mais ce n’est pas assez, diront les chefs d’entreprise.

Les attentes des milieux d’affaires

Telles que exprimées par Sarra Masmoudi, DG de Teriak, entreprise pharmaceutique en pleine expansion à l’international, les attentes des milieux d’affaires visent plus loin. Eux aussi quand ils sollicitent une autorisation de transfert de la BCT pour investir à l’étranger, ils souffrent le martyr et ont mal à la tête. Un virement à l’étranger pour cause d’investissement met un mois pour être exécuté avec une absence de vision totale. On ne sait dans l’intervalle s’il serait exécuté ou refusé.

Les chefs d’entreprise veulent traiter avec des banques qui soient elles-mêmes capables de leur donner une décision finale. Et puis les clauses de protection en tous genres leur lient les mains. Le compte “Avance sur Voyage d’Affaires” (AVA) leur permet de disposer de 25% de leurs recettes d’exportation avec un plafond à 500 mille DT, palier trop modeste. Il convient de lever les verrous contraignants.

Ali KOOLI : Le code du change prend l’eau de toutes parts

Avec décontraction, Ali KOOLI, DG de ABC Corporation, banque off shore, rappellera que le réflexe de protection est à l’origine de nos blocages. A sa création en 1958, le dinar tunisien faisait l’objet de beaucoup de précautions de la part des pouvoirs publics soucieux de le préserver. Et Ali KOOLI de rappeler que l’on a créé un code du change à l’effet d’empêcher la fuite des capitaux, lutter contre l’informel et protéger la valeur du dinar. Ce code n’a rien empêché de ce qu’il envisageait endiguer. Le dinar chute, l’informel nous dévore, et les capitaux fuient de toutes parts.

Ne serait-il pas plus raisonnable d’abandonner le code, purement et simplement ? En réalité, et nous le disons sous notre responsabilité, ne convient-il pas d’aller directement vers la convertibilité totale ?

Jusqu’à quel point êtes-vous indépendant M. le Gouverneur?

Louis Larren Arroyo, ancien directeur de la planification au Chili, dira tout de go, pourquoi continuer de prendre des mesures pour endiguer les problèmes? Attaquez-vous directement aux problèmes qui vous gênent.

“Jusqu’à quel point êtes-vous indépendant?”, interrogera L.L. Arroyo à Marouane Abassi. Et celui-ci d’admettre que cette indépendance est liée par la volonté partagée avec le gouvernement d’élaborer une policy mixte. Il ne faut pas s’étonner que l’on soit payé par des signaux faibles, dans ce cas de figure. On sera dans le ni-ni, ni rigidité, ni rupture.

Ali Abdessalam