Partira ? Partira pas ? Youssef Chahed subira-t-il le sort de Habib Essid, dont le destin fut scellé à l’ARP, s’il décide de rester malgré toutes les tentatives de le déboulonner, ou est-ce que Béji Caïd Essebsi décidera, à la fin des longues concertations qu’il aurait eues avec les signataires de Carthage II, de le maintenir en poste?

In fine qui ne sait pas que c’est lui qui décide en dernier ressort ?

La Tunisie retient son souffle et les Administrations sont en arrêt, les ministres ne décident plus de rien et même s’ils essayent, leurs administrés, habitués depuis le temps à l’indiscipline, ne suivront pas. Eux-aussi attendent.

Et si changement il y a, quelle différence y aura-t-il entre ceux qui sont passés par ce poste devenu hautement «touristique» et celui qui pourrait y être désigné par la volonté du maître de Carthage

Comme chaque année en cette période de l’année, l’heure du grand changement aurait sonné ! Et si changement il y a, quelle différence y aura-t-il entre ceux qui sont passés par ce poste devenu hautement «touristique» et celui qui pourrait y être désigné par la volonté du maître de Carthage? Un maître dont les choix à ce jour ne semblent pas les plus pertinents puisqu’il finit par les remettre lui-même en cause?

Fera-t-il le bon choix cette fois-ci ? C’est la grande question !

Car tant que la logique du consensus l’emporte sur celle des intérêts politiques, socioéconomiques et sécuritaires du pays, les chances pour la Tunisie de s’en sortir demeurent infimes. Le consensus qui a réuni autour du Pacte de Carthage, les légitimés des urnes et les organisations nationales écartées de leurs rôles initiaux pour assurer ceux des partis en faillite politique et morale, peut-il réussir?

«Ce qui caractérise la situation actuelle de la Tunisie, c’est l’incapacité de l’Etat à prendre des décisions»

Huit (8) ans, c’est long pour une transition et c’est lourd pour un pays dépourvu de richesses naturelles comme la Tunisie.

Huit (8) ans auraient pu être suffisants pour les apprentis politiciens de la deuxième République pour apprendre et maîtriser si seulement ils avaient le minimum requis pour gouverner un pays à la recherche d’un sauveteur. Un Homme d’Etat qui a des tripes et qui est capable de décider et ne se contente pas de se soumettre au diktat des partis, des partenaires sociaux ou des lobbys des ONG ou de la société civile.

Un Homme d’Etat capable de décider, refuse de se soumettre au diktat des partis, des partenaires sociaux ou des lobbys des ONG ou de la société civile.

“Ce qui caractérise la situation actuelle de la Tunisie est l’incapacité de l’Etat à prendre des décisions”, aurait déclaré Christine Lagarde, DG du FMI, lors d’une rencontre internationale organisée tout récemment. Elle s’était adressée aux Tunisiens présents à l’occasion.

En effet, l’absence de prise de décisions est en train de mener le pays à la dérive.

Le 13 avril 2018, le FMI diffusait un communiqué dans lequel il parle des tendances opposées qui continuent de caractériser l’économie tunisienne au début de l’année 2018. Il cite entre autres «les risques pour la stabilité macroéconomique qui se sont accrus : l’inflation a rapidement augmenté à 7,6% en mars, les réserves internationales restent inférieures à 90 jours de couverture des importations -aujourd’hui, elles sont à 74 jours- et la dette publique et extérieure a atteint, respectivement, 71% et 80% du PIB».

Pour sortir de ce marasme, le FMI estime qu’il faut s’attaquer aux déséquilibres économiques…. Contenir la dette aujourd’hui pour prévenir l’augmentation des impôts et baisser le déficit budgétaire conformément à l’objectif de la loi de finances 2018. Le FMI appelle également à réduire les subventions énergétiques, injustes, en augmentant les prix domestiques de l’énergie afin de suivre l’évolution des prix internationaux du pétrole, de même qu’à augmenter l’âge de la retraite et engager des réformes paramétriques supplémentaires qui sont essentiels pour contenir les déficits du système de sécurité sociale.

Qui pourra et saura s’attaquer à pareilles réformes sous la pression des partis, des partenaires sociaux et dans un système politique bâtard qui dilue les responsabilités et institutionnalise l’indécision?

Et à quoi va aboutir ce long feuilleton de négociations et de pactes dont le scénario semble très mal écrit et où le réalisateur tombe dans des redondances nocives pour le pays ?

A ce jour, nous avons eu affaire à une classe politique frappée de myopie et atteinte du syndrome aigu de l’Ego démesuré.

Notre pays serait-il frappé de la stérilité des compétences et des Hommes d’Etat capables d’examiner le tableau dans sa globalité et plus loin que les toutes petites limites de leur bout de nez dénué à ce jour de flair politique sans oublier l’absence de pertinence économique ?

A ce jour, nous avons eu affaire à une classe politique frappée de myopie et atteinte du syndrome aigu de l’Ego démesuré.

Il va falloir, dans le cas où Youssef Chahed partait, trouver un profil qui ose dire “NON” à tout ce qui peut fragiliser encore l’Etat, ses équilibres sociaux et macroéconomiques.

Aujourd’hui, qu’il y a péril en la demeure, que les chancelleries étrangères expriment de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir très proche du pays et que la patience du peuple a atteint ses limites, il va falloir que nous dénichions un véritable Homme d’Etat.

Un Homme qui ne soucie pas d’être impopulaire et qui ne se complaît pas, pour garder sa place, dans la satisfaction des vœux des partis qui ont prouvé leur faillite et leur incapacité à gérer les affaires de l’Etat. Un Homme qui ose engager des réformes douloureuses, qu’il vente ou qu’il pleuve. Ceci même si les partenaires sociaux -devenus de par trop puissants- menacent ou opposent des refus catégoriques aux réformes. Parce que dans le contexte actuel du pays, le but n’est pas de séduire mais de reconstruire, de réduire les déficits et de parer aux défaillances.

Ce qui distingue l’homme d’Etat de l’homme politique, c’est que le premier s’inscrit dans l’action et la responsabilité pour défendre les intérêts d’ordre stratégique

Cet Homme doit avoir des tripes et ne doit pas avoir de plan de carrière. En somme, c’est d’un “Homme d’Etat kamikaze” qu’a besoin la Tunisie, un Homme qui aime plus sa patrie que sa carrière politique et qui osera jouer à quitte ou double.

Ce qui distingue l’homme d’Etat de l’homme politique, c’est que le premier s’inscrit dans l’action et la responsabilité pour défendre les intérêts d’ordre stratégique, géopolitique et socioéconomique du pays.

Pour ce, il doit être assez courageux pour donner un coup de pied dans la fourmilière sans se soucier des vœux des uns et des autres et encore moins de leurs attentes. Il (elle) ne doit pas céder sur les questions fondamentales et qui ne se compromet pas. Un Homme qui tienne tête et qui ne considère pas sa désignation à la tête du gouvernement comme un cadeau qui lui a été accordé afin que son allégeance aille toujours vers l’Etat et les intérêts de la patrie et non vers les personnes. Un Homme qui décide et non qui exécute.

Un Homme qui ne considère pas sa désignation à la tête du gouvernement comme un cadeau qui lui a été accordé afin que son allégeance aille toujours vers la patrie et non vers les personnes

La Tunisie est pleine de compétences féminines et masculines dotées de toutes ces qualités, mais est-ce que ceux qui tirent les ficelles de la politique nationale et décident de l’avenir du pays veulent d’un homme ou d’une femme d’Etat ou préfèrent les marionnettes au risque de mener le pays vers le chaos ?

C’est le fond de la problématique du pouvoir en Tunisie : choisir entre un serviteur ou un décideur.

Amel Belhadj Ali

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