«Si Ben Ali s’amusait à annoncer son retour à Tunis, vous verriez des centaines de milliers de personnes accourir à l’aéroport pour l’accueillir». La déclaration émane d’un opposant «structurel» au régime Ben Ali et le but n’est pas de faire l’apologie de ce personnage à l’origine de la destruction de nos repères identitaires et de valeurs que l’Etat post-colonisation a mis des décennies à construire. Celles du mérite, de la compétence, du travail, de la discipline, du perfectionnisme, de l’efficience et j’en passe, c’est l’amertume qui s’est exprimée par la bouche de cet activiste de longue date. On peut beaucoup reprocher à l’ère bourguibienne mais certainement pas d’avoir fait régner la médiocratie et l’anarchie dans notre pays. Ben Ali a eu la chance d’hériter d’une administration bien rodée et d’institutions fortes qu’il a certes fragilisées mais pas détruites.

Il a fallu un malheureux 14 janvier et une Troïka incompétente et malfaisante pour leur (institutions) donner le coup de grâce. Aujourd’hui, la Tunisie souffre dans sa moelle d’un Etat déliquescent et d’une absence presque totale de civisme et/ou de discipline. Il n’y a pas à chercher loin, rien qu’à voir la sauvagerie des conducteurs, les zones résidentielles envahies par les vendeurs ambulants, la ruralisation des villes devenues ingérables, la saleté de nos avenues et de nos cités… pour réaliser que la Tunisie a été renvoyée à l’ère précoloniale !

Et ce ne sont certainement pas les pactes de Carthage qui se suivent et se ressemblent qui remédieront à une situation désastreuse et à une absence dramatique de l’Etat, et encore moins les promesses du président en exercice qui vont permettre de remettre les choses dans l’ordre !

A chaque fois que les choses vont mal, et impuissant à oser les grandes décisions, c’est le gouvernement que l’on veut changer pour donner le change à un peuple fatigué, désenchanté, appauvri et désespéré. Alors que toute la classe politique est à balayer, à commencer par les partis alliés qui pourrissent la vie de la Tunisie et des Tunisiens.

Un nouveau gouvernement pour quoi? Pour les grandes réformes ? Renflouer les caisses de l’Etat par la privatisation ? Sauver les caisses sociales ?

Slim Laghmani, Professeur à la Faculté des sciences juridiques de Tunis, s’est étonné dans une déclaration publique : «Un nouveau gouvernement maintenant ? Il faudra un mois au moins pour qu’il prenne les rênes et deux autres mois pour qu’il soit prêt à l’emploi. Donc un nouveau gouvernement à 14 mois des prochaines élections ? Un nouveau gouvernement alors que le projet gouvernemental de la prochaine loi des finances aura été bouclé par le précédent ? Un nouveau gouvernement alors que les fondamentaux de l’économie réelle semblent reprendre? Un nouveau gouvernement pour quoi ? Pour les grandes réformes ? Renflouer les caisses de l’Etat par la privatisation ? Sauver les caisses sociales ? Cela a été refusé à l’actuel gouvernement par ceux-là mêmes qui demandent son départ. Que pourra-t-il faire ? Renvoyer le FMI ? Collectiviser ? Octroyer des augmentations de salaire ? Recruter dans la fonction publique ? Financer le déficit des entreprises publiques concurrentielles ? »

Quoi de plus vrai !

Qu’avez-vous réalisé de vos promesses Monsieur le Président ?

A chaque fois que le pays est en crise et faute d’assumer les responsabilités des choix et des échecs, en haut de la pyramide de l’Etat, on cède aux caprices des uns et au chantage des autres. Ceux qui oublient que l’histoire ne leur pardonnera pas mais les jugera, on joue le pays à quitte ou double et le pire est que le chef d’orchestre est le président de la République censé assurer la continuité de l’Etat et veiller à ses équilibres politiques, sécuritaires et socioéconomiques.

Qu’avez-vous réalisé de vos promesses monsieur Béji Caïd Essebsi ? Qu’est-ce qui a changé dans l’exercice du pouvoir depuis le départ de Ben Ali ? La configuration est la même et la famille est aussi présente !

Pire, votre peuple -celui auquel vous avez promis monts et merveilles s’il vous élisait- est très malheureux car sa qualité de vie est devenue désastreuse

Oh que si, il y a beaucoup de choses qui ont changé mais à d’autres niveaux : le pays est économiquement à genoux, la Tunisie a perdu tous les classements avantageux qui la mettaient au premier rang des pays africains jusqu’en 2009 : économie, compétitivité, civisme, performances et prestige.

Pire, votre peuple -celui auquel vous avez promis monts et merveilles s’il vous élisait- est très malheureux car sa qualité de vie est devenue désastreuse.

En 2017, la Tunisie a occupé la 111ème position sur un total de 156 pays dans l’“indice du bonheur“, monsieur le Président et garant du bien-être de votre peuple. Notre pays arrive très loin après l’Algérie, deuxième pays africain le mieux classé en 84ème place et le Maroc à la 85ème place.

La Tunisie de l’époque avait affiché de biens meilleurs résultats que des pays développés tels la Hollande, l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie.

Cette même Tunisie a été classée, par le “Happy Planet Index” en 2009, 29ème en termes de l’indice de bonheur sur un total de 143 pays, selon un rapport publié par la ‘New Economics Fondation” (NEF), groupe de réflexion britannique.

La Tunisie de l’époque avait affiché de biens meilleurs résultats que des pays développés tels la Hollande, l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie.

Monsieur Béji Caïd Essebsi, vous êtes-vous demandé si l’histoire vous citera un jour comme étant le sauveteur de la Tunisie ou la cause de son malheur ? Ou est-ce que cela ne vous fait ni chaud ni froid ?

Amel Belhadj Ali